Ce dimanche 14 avril, en la cathédrale Saint-Pierre de Poitiers, l’abbé Jacques Gros a été ordonné prêtre par Mgr Pascal Wintzer, archevêque de Poitiers. Jacques Gros a été marié avant de devenir veuf et de s’engager dans le sacerdoce. Dans son homélie, ce dernier a déclaré :
“Dans votre vie de couple, de père de famille, votre vie professionnelle, vos engagements au service de la communauté chrétienne, c’est bien ce mot qui caractérise votre projet : être un disciple, devenir un disciple. Appelé à devenir prêtre, vous recevez une manière nouvelle de poursuivre ce même chemin. Parmi les derniers mots que Jésus dit à Pierre, il y a ceux-ci : « Quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Vous devenez aujourd’hui un prêtre, autrement dit un « ancien », un « presbyteroi ». Vous le devenez avec votre âge bien sûr, un âge qui dit une richesse de vie et d’expérience, mais vous le devenez surtout pour servir les hommes et l’Eglise. En plaçant vos mains dans les miennes vous acceptez qu’un autre guide votre vie ; à travers moi, c’est l’Eglise bien sûr, c’est-à-dire vos frères et soeurs qui vous solliciteront et donneront forme à votre ministère et à votre vie, et par eux, vous entendez, vous entendrez, le Seigneur lui-même vous faire signe, vous appeler, vous conduire. Mettre vos mains dans les siennes, mettre nos mains dans les siennes, ce n’est pas perdre une liberté mais en trouver une autre plus grande.
Jacques, ordonné dans le temps pascal, c’est bien le renouveau de vie du baptême qui marque votre existence. Vivre, c’est partir, c’est repartir sans cesse. Pierre, après les paroles du Seigneur que je rappelais il y a un instant, entend ces autres paroles : « Suis-moi ». Le départ est en effet ce qui caractérise toute la vie de Pierre. Au bord d’un lac, le Seigneur l’a appelé à quitter ses filets ; au bord du même lac, plusieurs années plus tard, il l’appelle à nouveau à partir, à tout quitter, à se quitter lui-même : « Quand tu étais jeune, tu mettais ta ceinture toi-même pour aller là où tu voulais ; quand tu seras vieux, tu étendras les mains, et c’est un autre qui te mettra ta ceinture, pour t’emmener là où tu ne voudrais pas aller. » Pierre est toujours le pécheur du lac de Tibériade ; il est même redevenu celui qu’il avait avant que Jésus ne l’appelât une première fois. La mort du Maître n’a-t-elle pas scellé la fin d’une belle aventure, d’un beau projet ? Le voici retourné à ses filets. Mais le Seigneur le rejoint et l’appelle à repartir. Dans l’Evangile, dans cette scène du lac, il y a quelque chose qui devrait nous paraître bien étonnant : alors que lorsque l’on prend un bain, on enlève plutôt ses vêtements, Pierre, lui, fait le contraire. « Quand Simon Pierre entendit déclarer que c’était le Seigneur, il passa un vêtement, car il n’avait rien sur lui, et il se jeta à l’eau. » Si Pierre prend un vêtement avant de se jeter à l’eau, c’est parce qu’il porte le poids de son péché, le poids de son reniement. Ici, Pierre est comme Adam après la première faute : la nudité est comme le signe de la culpabilité, le signe de cette limite humaine, le signe de cette finitude que l’on a ni la force ni le courage d’accepter. « Alors se dessillèrent leurs yeux, à tous deux, et ils connurent qu’ils étaient nus; et cousant des feuilles de figuier, ils se firent des pagnes. » Mais ces feuilles de figuier n’auront pas plus d’efficacité pour Adam et Eve, que n’en a le vêtement de Pierre ou l’eau dans laquelle il se jette. Leur faute demeure, ils ne font que la dissimuler, et ils le font mal. Seul le pardon du Christ peut relever et permet à chacun de s’accepter tel qu’il est. Et c’est bien cela qui va se passer pour saint Pierre dans les versets qui suivent. C’est le triple appel du Seigneur : « Simon, fils de Jean, m’aimes-tu ? » C’est alors seulement que Pierre sera revêtu du ‘’manteau de la justice’’. Ce manteau, il n’est pas à imaginer ou à comprendre comme quelque chose qui dissimulerait nos fautes, cela, ce sont les ‘’feuilles de figuier’’ de la Genèse. Non, Dieu ne fait pas seulement que de nous “tenir” pour des justes, sans que nous le soyons réellement ; il nous justifie, il fait de nous des justes. C’est notre être même qui est changé, qui est pardonné, qui est réconcilié, et non seulement la manière dont Dieu nous considère. C’est bien cela qui était annoncé dès les premiers chapitres de la Genèse. L’homme est bien naïf ou bien misérable qui croit pouvoir faire illusion avec des feuilles de figuier. C’est Dieu seul qui restaure et relève ; il est le seul sauveur. […]