par Monseigneur Louis-Gaston de Ségur.
Monseigneur Louis-Gaston de Ségur (1820-1881)
Louis-Gaston de Ségur, descendant d’une très ancienne famille de la noblesse française et fils de la célèbre comtesse – née Sophie Rostopchine – , est né à Paris le 15 avril 1820.
Après des études de droit et une courte carrière diplomatique, passé d’une relative indifférence religieuse à une vie de fervente dévotion, il entre au séminaire de Saint-Sulpice : il est ordonné prêtre par S. Exc. Monseigneur Affre, le 17 décembre 1847.
Avec quelques prêtres qui sont, comme lui, épris de pauvreté et dévorés de zèle pour le salut des plus humbles et des délaissés, il exerce d’abord son apostolat envers ce que l’on appelle aujourd’hui « les milieux défavorisés ». Il s’y épuise et tombe malade.
Lorsqu’il est rétabli, le « prince-président », Louis-Napoléon Bonaparte, le nomme auditeur de Rote pour la France ; en cette qualité, il séjourne à Rome à partir de 1852.
Le Bienheureux Pie IX l’apprécie grandement.
En 1854, âgé de 34 ans, il perd définitivement la vue. Cela le décide, en 1856, à renoncer à son poste et à rentrer en France. Le Bienheureux Pie IX lui confère la dignité de protonotaire apostolique.
Désormais, et jusqu’à la fin de sa vie, depuis son appartement du n° 39 de la rue du Bac, il exerce un apostolat très actif consacré à la sanctification du clergé (il fonde l’Oeuvre de Saint François de Sales), à l’évangélisation des milieux les plus pauvres, à l’assistance charitable, et à cette suprême charité qu’est la direction spirituelle.
Il compose et dicte de nombreux ouvrages qui font un bien immense (opuscules, instructions, traités de spiritualité, d’apologétique, de doctrine, qui avec autant de fermeté que d’onction corrigent et combattent les erreurs modernes…).
« (…) Ce qui me frappe et ce qui saisit toutes les âmes de bonne foi, c’est l’enchaînement et la puissance de votre argumentation, la sûreté de votre doctrine, l’évidence de vos démonstrations », lui écrit le Comte de Chambord en 1871, ajoutant au sujet de sa publication sur la Souveraineté Royale : « Je voudrais, dans l’intérêt de la vérité de notre chère et malheureuse France, que ce livre fût dans toutes les mains ».
Monseigneur de Ségur combat autant qu’il le peut l’esprit de la révolution et la maçonnerie.
Il rend sa belle âme à Dieu, le 9 juin 1881, âgé de soixante et un ans et deux mois, dans son appartement de la rue du Bac.
En ces jours de la Passion de Notre-Seigneur, il nous a paru opportun de reproduire ci-dessous le texte, en quelque sorte prophétique, dans lequel ce saint prélat réunissant et résumant les prophéties de la Sainte Ecriture sur la fin des temps, a établi une sorte de parallèle entre la Passion de Notre-Seigneur et les épreuves finales de la Sainte Eglise.
Ecce Homo – Antonio Ciseri 1891.
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De la Passion, de la Résurrection
et du triomphe final de Jésus-Christ en Son Eglise
Jésus-Christ et l’Église forment un tout indivisible. Le sort de l’un, c’est le sort de l’autre ; et de même que là où est la tête, là également doit se trouver le corps, de même les mystères qui se sont accomplis en Jésus-Christ durant Sa vie terrestre et mortelle doivent se parachever en Son Église durant sa vie militante d’ici-bas.
Jésus-Christ a eu Sa Passion et Son crucifiement : l’Église doit avoir, elle aussi, et sa Passion, et son crucifiement final.
Jésus-Christ est ressuscité et a triomphé miraculeusement de la mort : l’Église ressuscitera, elle aussi, et triomphera de Satan et du monde, par le plus grand et le plus prodigieux de tous les miracles : celui de la résurrection instantanée de tous les élus, au moment même où Notre-Seigneur Jésus-Christ, entrouvrant les cieux, en redescendra plein de gloire avec Sa sainte Mère et tous Ses Anges.
Enfin, Jésus-Christ, Chef de l’Église, est monté corporellement au ciel le jour de l’Ascension : à son tour, l’Église ressuscitée et triomphante montera au ciel avec Jésus, pour jouir avec Lui, dans le sein de Dieu, de la béatitude éternelle.
Nous ne connaissons d’une manière certaine « ni le jour ni l’heure » (Matth. XXV, 13) où se passeront ces grandes choses.
Ce que nous savons, d’une manière générale mais infaillible, parce que cela est révélé de Dieu, c’est que « la consommation viendra lorsque l’Évangile aura été prêché dans le monde entier, à la face de tous les peuples » (Ibid. XXIV, 14).
Ce que nous savons, c’est qu’avant ces suprêmes et épouvantables secousses qui constitueront la Passion de l’Église et le règne de l’Antéchrist, il y aura, dit saint Paul, l’apostasie (2 Thess. II, 3), l’apostasie générale ou quasi-générale de la foi de la sainte Église Romaine (Cornelius a Lapide).
Enfin, ce que nous savons, c’est qu’à cette redoutable époque le caractère général de la maladie des âmes sera « l’affaiblissement universel de la foi et le refroidissement de l’amour divin, par suite de la surabondance des iniquités » (Matth. XXIV, 12).
Les Apôtres ayant demandé un jour à Notre-Seigneur à quels signes les fidèles pourraient reconnaître l’approche des derniers temps, Il leur répondit : d’abord qu’il y aurait de grandes séductions, et que beaucoup de faux docteurs, beaucoup de semeurs de fausses doctrines rempliraient le monde d’erreurs et en séduiraient un grand nombre (Matth. XXIV, 10-11) ; puis, qu’il y aurait de grandes guerres et qu’on n’entendrait parler que de combats ; que les peuples se jetteraient les uns sur les autres, et que les royaumes s’élèveraient contre les royaumes (Ibid. 6-7) ; qu’il y aurait de tous côtés des fléaux extraordinaires, des maladies contagieuses, des pestes, des famines, et de grandes tremblements de terre (Ibid. 7). « Et tout cela, ajouta le Sauveur, ce ne sera encore que le commencement des douleurs » (Ibid. 8).
Satan et tous les démons en seront la cause. Sachant qu’il ne leur reste plus que peu de temps, ils redoubleront de fureur contre la sainte Église ; ils feront un dernier effort pour l’anéantir, pour détruire la foi et toute l’œuvre de Dieu. La rage de leur chute ébranlera la nature (Apoc. XII, 9-12), dont les éléments, comme nous l’avons dit, resteront jusqu’à la fin sous les influences malfaisantes des mauvais esprits.
Alors commencera la plus terrible persécution que l’Église ait jamais connue ; digne pendant des atroces souffrances que son divin Chef eut à souffrir en Son corps très-sacré, à partir de la trahison de Judas.
Dans l’Église aussi il y aura des trahisons scandaleuses, de lamentables et immenses défections ; devant l’astuce des persécuteurs et l’horreur des supplices, beaucoup tomberont, même des prêtres, même des évêques ; « les étoiles des cieux tomberont », dit l’Évangile. Et les catholiques fidèles seront haïs de tous, à cause de cette fidélité même (Matth. XXIV, 5-9).
Alors celui que Saint Paul appelle « l’homme du péché et le fils de perdition » (2 Thess. II, 3), l’Antéchrist, commencera son règne satanique et dominera tout l’univers.
Il sera investi de la puissance et de la malice de Satan (Apoc. XIII, 2). Il se fera passer pour le Christ, pour le Fils de Dieu ; il se fera adorer comme Dieu, et sa religion, qui ne sera autre chose que le culte de Satan et des sens, s’élèvera sur les ruines de l’Église et sur les débris de toutes les fausses religions qui couvriront alors la terre (2 Thess. II, 4).
L’Antéchrist sera une sorte de César universel, qui étendra son empire sur tous les rois, sur tous les peuples de la terre ; ce sera une infâme parodie du royaume universel de Jésus-Christ.
Satan lui suscitera un grand-prêtre, parodie sacrilège du Pape ; et ce grand-prêtre fera prêcher et adorer l’Antéchrist par toute la terre. Par la vertu de Satan, il fera de grands prodiges, jusqu’à faire descendre le feu du ciel en présence des hommes ; et, au moyen de ces prestiges, il séduira l’univers. Il fera adorer, sous peine de mort, l’image de l’Antéchrist ; et cette image paraîtra vivre et parler ; également sous peine de mort, il commandera que tous, sans exception, portent au front ou sur la main droite le signe de la bête, c’est-à-dire le caractère de l’Antéchrist. Quiconque ne portera point ce signe, ne pourra ni vendre ni acheter quoique ce soit (Apoc. XIII, 11-17). Autour des images de l’Antéchrist, les prestiges de Satan seront tels, que presque tout le monde les prendra pour de vrais miracles ; et les élus eux-mêmes auraient pu être séduits à la longue ; mais, à cause d’eux, le Seigneur abrégera ces jours (Matth. XXIV, 22-24).
« L’abomination de la désolation régnera dans le lieu saint » (Ibid. 15) pendant « trois ans et demi, pendant quarante-deux mois » (Apoc. XIII, 5), correspondant aux quarante-deux heures qui se sont écoulées, comme nous l’avons dit déjà, depuis le commencement des ténèbres du crucifiement de Jésus, le Vendredi-Saint, jusqu’à l’heure de la résurrection, le dimanche de Pâques, au lever du soleil.
Quoique toujours visible et composée de ses éléments essentiels, l’Église sera pendant tout ce temps-là comme crucifiée, comme morte et ensevelie.
Il sera donné à l’Antéchrist de vaincre les serviteurs de Dieu, et de faire plier sous son joug tous les peuples, et toutes les nations de la terre ; et, sauf un petit nombre d’élus, tous les habitants de la terre l’adoreront, en même temps qu’ils adoreront Satan, auteur de sa puissance (Ibid. 7, 8, 4).
Si jadis le féroce Dioclétien a pu croire un instant qu’il avait définitivement détruit le nom chrétien, que sera-ce en ces temps-là, dont ceux de Dioclétien de Néron n’ont été qu’un pâle symbole? L’Antéchrist proclamera orgueilleusement la déchéance du christianisme, et Satan, maître du monde, se croira un instant vainqueur.
Mais en ces temps-là, comme nous l’apprennent et l’Écriture et la Tradition, s’élèveront contre l’Antéchrist « les deux grands témoins » (Ibid. XI, 3) de Jésus-Christ, réservés pour ces derniers jours, à savoir le Patriarche Hénoch et le Prophète Élie, qui ne sont pas morts, comme l’enseigne expressément l’Écriture.
Ils viendront prêcher les voies du Seigneur. Ils prêcheront Jésus-Christ et le règne de Dieu pendant douze cent soixante jours, c’est-à-dire pendant la durée presque entière du règne de l’Antéchrist. La vertu de Dieu les protégera et les gardera. Ils auront le pouvoir de fermer le ciel et d’arrêter la pluie pendant tout le temps de leur mission. Ils auront le pouvoir de changer les eaux en sang et de frapper la terre de toutes sortes de plaies (Ibid. 3-6). Ils feront des miracles sans nombres, semblables à ceux de Moïse et d’Aaron, lorsque ceux-ci combattirent en Égypte l’impie Pharaon et préparèrent la délivrance du peuple de Dieu. Comme Moïse et Aaron, les deux témoins de Jésus-Christ ébranleront l’empire et le prestige du Maudit.
Celui-ci néanmoins parviendra à s’emparer d’eux, et ils subiront le martyre, « là où leur Seigneur a été crucifié » (Apoc. XI, 8), c’est-à-dire à Jérusalem ; ou bien peut-être à Rome, où le dernier Pape aura été crucifié par l’Antéchrist, suivant une tradition immémoriale.
Après trois jours et demi, les deux grands précurseurs du Roi de gloire ressusciteront à la face de tout le peuple ; et ils monteront au ciel, sur une nuée, pendant qu’un terrible tremblement de terre jettera partout l’épouvante (Ibid. 11-13).
Pour relever sa puissance, l’Antéchrist, singeant la triomphale ascension du Fils de Dieu et des deux grands Prophètes, tentera, lui aussi, de monter au ciel, en présence de l’élite de ses adeptes.
Et c’est alors que Notre-Seigneur Jésus-Christ, « semblable à la foudre qui de l’orient à l’occident déchire le ciel, apparaîtra tout à coup sur les nuées, dans toute la majesté de Sa puissance » (Matth. XXIV, 27-30), frappant de Son souffle et l’Antéchrist (2 Thess. II, 8) et Satan et les pécheurs. Tout ceci est prédit en termes formels (1 Thess. IV, 15).
Comme nous l’avons dit, l’Archange Michel, le Prince de la milice céleste, fera retentir toute la terre du cri de triomphe qui ressuscitera tous les élus (Matth. XXIV, 31). Ce sera le « Consummatum est » de l’Église militante, entrant pour toujours dans la joie du Seigneur.
Cette « voix de l’Archange » sera accompagnée d’une combustion universelle, qui purifiera et renouvellera toutes les créatures profanées par Satan, par le monde et par les pécheurs. La foi nous apprend, en effet, qu’au dernier jour, Jésus-Christ doit venir juger le monde par le feu (Rituel Romain). Ce feu vengeur et sanctificateur renouvellera la face de la terre et fera « une nouvelle terre et des nouveaux cieux » (Ps. CIII, 30 & Apoc. XXI, 1). Comme au Sinaï, comme au Cénacle, l’Esprit-Saint se manifestera ainsi par le feu, en ce jour redoutable entre tous.
Telle sera la fin terrible et glorieuse de l’Église militante ; telle sera, autant du moins que la lumière toujours un peu voilée des prophéties nous permet de l’entrevoir, telle sera la Passion de l’Église ; telle sera sa résurrection suivie de son triomphe.
Corps mystique du Fils de Dieu, elle aura suivi son divin Chef jusqu’au Calvaire, jusqu’au sépulcre, et par cette fidélité elle aura mérité de partager sa gloire à tout jamais.