L’AFP rapporte l’affaire du baiser de deux joueuses de l‘équipe de football lesbienne (sic) du quartier de La Floresta, à Quito, en Equateur : une scène intervenue en juillet 2009 dans ce quartier ouvrier du nord-est de Quito. A l’issue d’un match, les joueuses du Club Guipuzcoa, fondé en 2005 et en grande partie composé de lesbiennes, étaient montées dans les tribunes pour assister à la rencontre suivante.
Une fan d’une autre équipe avait alors filmé les membres du club qui, par défi – c’est-à-dire par provocation – s‘étaient embrassées devant la caméra. Le baiser – non pas « volé », comme l’écrit l’AFP, mais volontairement échangé pour choquer – avait déclenché la colère de spectateurs qui les avaient forcées à quitter les lieux.
« Elles en avaient assez (d‘être stigmatisées, NDLR) et ont décidé de faire parler d’elles. C‘était le baiser du repos face à tant d’agressions », explique Karen Barba, une étudiante en droit de 26 ans engagée dans la défense des droits des lesbiennes et capitaine de l’équipe amateur.
Les organisateurs du championnat de La Floresta ont alors décidé d’expulser le club pour un an, une sanction visant l’acte « obscène » de l‘équipe, un « attentat contre la moralité et les bonnes mœurs ».
Que n’ont-ils pas fait là ! Après son expulsion en 2009, le club a saisi la justice et le « défenseur du peuple » (institution chargée du respect des droits de l’Homme, NDLR), obtenant des décisions favorables à sa réintégration. La justice a aussi tranché en faveur de l‘équipe à plusieurs étapes de la procédure dont la dernière péripétie s’est produite il y a quelques jours : dans un arrêt rendu le 9 septembre le juge concerné a estimé que la ligue de la Floresta avait porté atteinte « au droit au sport » et aux articles de la Constitution qui interdisent la discrimination à l‘égard des femmes et des lesbiennes.
Mais la ligue continue à résister. Felix Zambrano, son avocat, affirme que les joueuses n’ont pas été expulsées en raison de leur orientation sexuelle, mais des actes obscènes commis, comme « s’embrasser et caresser des parties intimes de leur anatomie en public ».
Pour l’AFP, l’incident somme toute incroyablement mineur, mais que la presse mondiale monte en épingle, a surtout « mis en lumière les tabous qui affligent encore la société équatorienne, profondément catholique, pour ce qui touche à l’homosexualité, dépénalisée en 1998 ».
« Il y a un décalage entre le rythme socioculturel et le cadre légal. La jurisprudence existe, il faut maintenant travailler pour construire un nouvel imaginaire » collectif, explique l’anthropologue Maria Virgina Herdoiza.
En chasser, donc, toute idée de morale chrétienne. Ce fait divers se voudrait en effet le précurseur de bien d’autres, avec au bout la reconnaissance jurisprudentielle et légale de sanctions à l’égard de ceux qui se montrent incommodés par des manifestations d’affection explicites et publiques de la part d’homosexuels (et même « d’« hétéros », d’ailleurs, lorsqu’ils passent les bornes).
Source : www.present.fr