Un ami juriste, lecteur de Riposte catholique, nous prie de publier cette étude fort intéressante sur les revendications de “Pacs +” qui se sont fait jour ces dernières semaines.
Alors que de nombreuses personnalités, à droite et quelquefois a gauche, ont exprimé leur opposition, on ne peut que regretter la profonde ambiguïté vis-à-vis de la question des unions homosexuelles. On affirme tout refus du mariage, mais on admet la nécessité, par d’autres voies, de reconnaître les unions homosexuelles et de leur donner des effets juridiques, dont certains n’ont rien de mineur. On pourrait même se demander ce qui distingue ces différentes unions (union civile, selon les uns, alliance civile, selon les autres) du mariage en ce sens qu’un bon nombre d’attributs qui relève de ce dernier finit par être transféré à ces unions homosexuelles. Il y a plusieurs manières de dénaturer le mariage. D’abord en le diluant. C’est effectivement la voie suivie par le projet « Taubira ». Mais il en est un autre plus subtil qui consiste à l’affaiblir en laissant prospérer des unions concurrentes qui partageraient avec le mariage certains de ces attributs. Des attributs assez importants.
Soyons honnêtes : la polémique actuelle ne saurait faire oublier que le souci d’une prise en compte large et étendue des unions homosexuelles a conduit aux difficultés actuelles. Le PACS adopté, on s’aperçut que cela n’était pas suffisant. Mais surtout parce qu’au delà des avantages matériels, il manquait une chose: le symbole même. Toute avancée dans le traitement des couples homosexuels débouche toujours sur la question de l’ultime étape. Le « mariage pour tous » n’est pas apparu par effraction. Il s’est manifesté parce que l’on ne s’est pas interrogé sur les unions homosexuelles et que l’on a considéré qu’elles devaient recueillir certains effets du mariage. On les a considérées comme non seulement légitimes, mais comme soulevant des questions qui devaient, sans restriction, être prises en compte (« je comprends parfaitement l’aspiration des couples homosexuels à la reconnaissance de leur union, et je suis sensible aux problèmes que ces couples rencontrent aujourd’hui », Laurent Wauquiez, entretien dans 20 minutes, 10 janvier 2013). Si un débat aurait dû être ouvert, c’est peut-être sur des droits qui ne relèvent pas de la vie familiale, mais, par exemple, du droit immobilier, patrimonial ou successoral. À cet égard, la question du droit au bail au profit du survivant peut même être soulevée chez des personnes qui ne sont pas unies affectivement. Or, la perversité du débat actuel est qu’il s’introduit ouvertement dans les questions afférentes au droit de la famille… Cela devrait être un signe d’inquiétude pour saisir le véritable enjeu.
En réalité, sous couvert d’union (ou d’alliance) civile, ce sont tous les droits qui peuvent découler du mariage que l’on étend aux couples homosexuels, à l’exception du nom même, ainsi que de l’adoption et de la filiation. Mises à part ces exceptions, le mariage perd quand même son monopole. Est-ce souhaitable ? Nous ne le pensons pas, car de telles mesures aboutiraient à une situation absurde: une situation où le mariage n’aurait plus aucun sens, parce que dépouillé de la plupart – je n’ose dire: de l’essentiel – de ses attributs. En réalité, c’est sa place même qui finirait par être fragilisée. Il ne pourrait, à terme, qu’être victime de la pression concurrentielle et corrosive de ces unions à moindre prix. Si le mariage doit être défendu, c’est aussi dans sa spécificité, parce qu’il est irréductible à d’autres formes d’union.
I. L’attribution aux couples homosexuels de la plupart des droits qui s’attachent aux mariages
Si l’on analyse les différents attributs que les partisans de l’union (ou alliance) civile proposent de « prélever » sur le mariage, il y a de quoi être inquiet. Prenons un exemple : celui des pensions de réversion. Il est assez inquiétant, car on y mesure pas les conséquences directes ou non.
En effet, certains promoteurs envisagent la possibilité pour le conjoint survivant d’un couple homosexuel de toucher une pension de réversion. Rappelons que le système de la pension de réversion mesure vise a aider le conjoint isolé qui se trouve démuni face a certaines charges, des lors que ses revenus sont inférieurs a un certain plafond. Or, on ne peut que craindre de la part de certains homosexuels des unions douteuses, qui permettraient au plus “jeune” de profiter de la situation d’un homosexuel âgé… Certes, cette situation se retrouve aussi dans des mariages hétérosexuels. Mais ne nous arrêtons pas à cet aspect.
Quand un député la réclame dans le cadre d’une éventuelle l’union civile (Gérald Darmanin, entretien sur le site Atlantico, 11 janvier 2013 : « il faut améliorer le Pacs sur un certain nombre de points, comme les pensions de reversions pour les couples homosexuels »), il oublie que la pension ne bénéficie même pas aux concubins hétérosexuels ou aux pacsés ! Son attribution est soumise à une condition de mariage entre les deux partenaires. Une telle proposition pèche par absurdité. En effet, assez curieusement, on étend aux couples homosexuels des droits auxquels les couples hétérosexuels non mariés ne bénéficient pas… Actuellement, la pension de réversion ne peut être attribuée que s’il a existé un mariage entre la personne décédée et le conjoint survivant. Elle ne s’applique pas entre personnes unies par un PACS, même hétérosexuelles. Certes, l’union civile serait applicable à tous, mais l’extension de la pension de réversion se ferait désormais dans un cadre non matrimonial. La conséquence prévisible est l’attribution de la pension de réversion à tous les couples, avec d’ailleurs un risque évident : celui de fragiliser davantage les comptes de la sécurité sociale ! Ce qu’institue une telle proposition, ce n’est rien d’autre que la course aux pensions de réversion pour tous…
II. La conséquence prévisible: le mariage dilué pour être à terme miné
Loin d’être sauvé, le mariage est dilué au nom d’une démarche mimétique qui finit par doter tous les propositions d’union de droits et attributs qui n’étaient attachés qu’au mariage. À coup sur, c’est la destruction programmée et la création non d’un « mariage pour tous », mais d’une panoplie de formules juridiques, où le mariage est sûr d’être fragilisé.
Cette, le nom serait préservé. Soit. Mais pour combien se temps alors ? Les partisans des unions civiles et autres formules de même acabit écartent l’adoption. Mais en quoi y a-t-il réel échec dans la mesure où l’adoption individuelle reste possible ? Il suffit à l’homosexuel de réclamer une adoption à son égard. Le seul « pan » à être véritablement préservé serait la filiation. Il ne serait effectivement possible d’établir qu’une seule filiation – de nature biologique – avec le géniteur réel de l’enfant. Mais on peut se demander si, à terme, le verrou tendant à établir la filiation avec le conjoint non géniteur ne serait pas admise. On voit mal comment la pression concurrentielle des alternatives proposées ne risquerait pas de récupérer les différents attributs du mariage ? Et puis si l’on regarde bien, certains proposent un statut de coparent (d’autres parlent de statut de beau-parent), formule plus discrète qui permet l’entrée par la grande porte… Un homme politique n’a-t-il pas, en effet, déclaré qu’« au regard de l’intérêt de l’enfant, pour préserver ses droits, je serais également ouvert à ce que l’on réfléchisse au statut de coparent, ou second parent. Ce nouvel arsenal juridique permettrait de répondre aux attentes légitimes des couples et parents homosexuels sans bouleverser l’héritage de notre modèle de société » ? (François Fillon, « Lettre ouverte au président de la République », Le Figaro, 11 janvier 2013)
Quel serait l’intérêt de se marier si les droits se retrouvent ailleurs, dans des formules moins contraignantes ? Or, si le mariage confère des droits, c’est parce qu’il institue aussi des devoirs: devoirs d’assistance et de fidélité, secours mutuel, etc. Quant à sa dissolution, même si elle est regrettable, le droit civil prévoit des formalités et des procédures qui visent justement à éviter que le lien ne soit rompu sur un simple coup d’humeur. Or, le mariage, s’il veut garder sa signification, ne doit être pas dessaisi de tout ce qu’il confère, car la logique de la formule la moins contraignante l’emporterait à coup sur.
Certains de nos lecteurs connaissent la loi de Gresham : de même que la mauvaise monnaie chasse la bonne, l’union la plus précaire chassera celle qui exige le plus de sacrifices. L’opposition au mariage homosexuel mérite une réflexion sérieuse, non des réactions épidermiques qui se satisfont des causes au lieu même de les combattre.
Camille LUCÉ
Docteur en droit