Le 19 janvier va ramener l’anniversaire du rappel à Dieu de notre cher et vénéré Gustave Thibon.
2001-2013 : voici que s’achève la douzième année après son départ de ce monde, après son entrée dans la Lumière – je n’en doute pas – , après avoir souffert pendant tant de longues années l’épreuve des ténèbres…
Ceux qui me sont proches savent à quel point la pensée et les écrits de Gustave Thibon constituent pour moi une nourriture quotidienne : j’y puise chaque jour des lumières et des forces.
Lumières de l’intelligence et du coeur, qui apportent aux situations actuelles l’éclairage de bon sens et de vraie sagesse nécessaire pour les considérer avec un recul convenable ; force morale et spirituelle pour éviter les écueils du pessimisme et du découragement d’une part, des enthousiasmes irréfléchis et des illusions optimistes d’autre part.
En ce début d’année 2013, il me paraît particulièrement adapté de vous recopier ci-dessous un texte, auquel je n’hésite pas un instant à attribuer le qualificatif de prophétique, qui fut publié en… 1940!
C’est la sixième (et très courte) partie de « Diagnostics » (éditions Librairie de Médicis – 1940) et elle s’intitule : « Libertés ».
Frère Maximilien-Marie du Sacré-Coeur.
« Libertés »
« Il y aurait autant d’horreur à détruire la liberté où Dieu l’a mise, que de l’introduire où elle n’est pas, a dit Pascal. Cette formule ramasse et stigmatise les deux attentats dont les tyrans (avoués ou masqués) menacent la vraie liberté des peuples : l’oppression et la corruption, la destruction par atrophie et la destruction par boursouflure.
En France, depuis plus d’un siècle (note : rappelons-le, ce texte fut publié en 1940), on introduit la liberté où elle n’est pas. On arrache le peuple à la nécessité nourricière, à l’humble et maternelle alvéole d’institutions, de coutumes et de devoirs, à l’intérieur de laquelle sa liberté peut se déployer sainement, pour faire jouer celle-ci hors de son lieu, dans un domaine adapté à sa nature et où elle se réfute elle-même : dogme de la souveraineté du peuple, avec son corollaire pratique, le suffrage universel… Autant vaudrait demander à un aveugle de choisir librement entre les couleurs! A l’idéal de la liberté, on immole les cadres de la nature. On dit à l’agneau : tu es libre d’être ou de n’être pas herbivore. Car c’est à cela que se ramènent en définitive les institutions qui entretiennent dans la cervelle de tous les hommes l’illusion d’être souverains, égaux à quiconque et de trancher, par leur bulletin de vote, les problèmes les plus étrangers à leur compétence.
Mais étirer, dilater ainsi la liberté, c’est encore la façon la plus sûre (et la plus perfide) de la supprimer. D’un bien dont on mésuse, on perd même l’usage. Qui veut trop courir aujourd’hui ne pourra plus marcher demain… Après avoir promené son désir et son choix parmi les aliments carnés, l’herbivore corrompu ne sait plus choisir sainement entre les plantes qui l’entourent ; – l’homme du peuple farci « d’idées générales » et d’ambition saugrenues perd la sagesse spécifique de son milieu social et professionnel. Il n’est pas libre hors de son ordre : là, il n’a que l’illusion de la liberté ; en réalité, il est mû par des mots creux ou des passions malsaines et sa souveraineté universelle se résout en fumée et en comédie. Mais ce qui est plus grave, ce qui est terrible, c’est que dans son ordre même, il n’est plus libre. Rien plus qu’un certain mythe de liberté n’a contribué à détruire, dans l’âme des masses, la vraie liberté, la vraie sagesse.
On peut modifier ainsi le mot de Pascal : en voulant mettre la liberté où elle n’est pas, on la détruit où Dieu l’a mise. L’homme qui n’accepte pas d’être relativement libre sera absolument esclave. »
Autres publications consacrées à Gustave Thibon dans les pages de ce blogue :
– « In memoriam » pour le 7ème anniversaire de sa mort (2008) > www
– Gustave Thibon : dix ans déjà – 19 janvier 2011 > www
– « Eloignement et connaissance » > www
– Pour le centenaire de l’apparition de Notre-Dame de La Salette > www
– « Le goût de l’aliment éternel » > www