Une pieuse femme, prénommée Maxima, avait écrit au saint évêque d’Hippone pour lui exprimer sa tristesse en voyant sa province – probablement l’Espagne – livrée au travail de l’erreur ; notre bienheureux Père Saint Augustin, dans sa réponse publiée ci-dessous, lui dit ce qu’il a souvent répété : c’est que les œuvres du mal en ce monde profitent à l’avancement religieux des amis de Dieu.
Par le troisième et dernier paragraphe de cette lettre, on voit aussi que cette chrétienne demandait à Saint Augustin de confirmer la rectitude de sa foi, ou de corriger sa croyance s’il s’y était glissé quelque erreur sous l’influence des hérétiques qui répandaient leur poison dans sa province.
Dieu se sert de l’iniquité pour exercer et faire avancer les saints.
Lettre n°264 de notre glorieux Père Saint Augustin :
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Augustin à Maxima, honorable, illustre servante de Dieu et digne de louanges parmi les membres du Christ, salut dans le Seigneur!
1. Autant votre zèle religieux me fait plaisir, autant je m’afflige en apprenant quelles dangereuses erreurs envahissent votre province et l’exposent aux plus grands dangers. Mais, ces choses ayant été prédites, il ne faut pas s’étonner qu’elles arrivent : il faut être sur nos gardes pour que le mal ne nous atteigne point.
Dieu, notre libérateur, ne permettrait pas ces épreuves, si les saints ne devaient pas en tirer d’utiles instructions. Ceux qui font et propagent ainsi le mal par la perversité de leur volonté méritent l’aveuglement en ce monde, les supplices éternels s’ils persistent opiniâtrement dans leur voie et s’ils négligent de se corriger lorsqu’ils sont encore en cette vie.
Toutefois, de même qu’ils font un mauvais usage des biens de Dieu, qui fait lever Son soleil sur les bons et sur les méchants et pleuvoir sur les justes et les injustes (Matth. V, 45), et qui, par Sa patience les appelle au repentir, quand ils amassent un trésor de colère pour le jour de la colère et de la manifestation du juste jugement de Dieu (Rom. II, 4-5) ; de même, dis-je, qu’en ne se corrigeant pas ils font un mauvais usage de la bonté et de la patience, c’est-à-dire des biens de Dieu, ainsi Dieu Lui-même fait un bon usage du mal qu’ils font : ce n’est pas seulement en punissant les coupables, conformément aux lois éternelles de Sa justice, c’est aussi en Se servant de l’iniquité pour exercer et faire avancer les saints afin que les bons profitent de la perversité même des méchants et qu’ils soient éprouvés et qu’ils soient mis en lumière : « Il faut, dit l’Apôtre, qu’il y ait des hérésies, afin qu’on reconnaisse ceux d’entre vous qui auront été éprouvés » (I Cor. XI, 19).
2. Car si Dieu, dans Ses desseins, n’avait pas à faire un bon usage des méchants pour l’utilité de Ses élus, Lui qui a tiré de la trahison de Judas notre rédemption par le sang du Christ, Il pourrait ou ne pas permettre qu’ils naquissent, sachant d’avance qu’ils seront méchants, ou bien les faire mourir dès leurs premiers pas dans la voie de l’iniquité ; mais Il les laisse venir au monde dans la mesure qu’Il croit utile à l’avertissement et à l’épreuve de Sa sainte maison. C’est pourquoi Il console notre tristesse, car la tristesse que nous causent les méchants devient pour nous une force, mais elle accable ceux qui persévèrent dans leur perversité.
Mais la joie que nous éprouvons lorsque l’un d’eux, sortant de sa voie, entre dans la société des saints, n’est comparable à aucune autre joie en cette vie. Il est écrit : « Mon fils, si tu es sage, tu le seras pour toi-même et pour tes proches ; si, au contraire, tu tombes dans le mal, tu en porteras seul la peine » (Prov. IX, 12).
Quand nous nous réjouissons sur les fidèles et les justes, ce qu’ils ont de bien nous profite comme à eux ; mais quand nous gémissons sur les infidèles et les injustes, leur malice et notre affliction ne nuisent qu’à eux seuls : un grand secours auprès de Dieu nous vient aussi des tristesses miséricordieuses que nous ressentons pour eux, des gémissements et des prières que nous inspirent ces mêmes tristesses.
C’est pourquoi, honorable servante de Dieu et digne de louanges dans le Christ, j’approuve et je bénis tout ce que votre lettre renferme de tristesse, de vigilance et de prudence contre ces hommes ; et, puisque vous me le demandez, je vous exhorte, selon mes forces, à persévérer dans cette voie : gémissez sur ces méchants avec la simplicité de la colombe, mais tenez-vous en garde contre eux avec la prudence du serpent (Matth. X, 16) ; travaillez, autant que vous le pourrez, à retenir dans la vraie foi ceux qui vous sont unis, et à ramener ceux qui seraient tombés dans quelque erreur.
3. Je rectifierais votre doctrine sur l’humanité qu’a prise le Verbe de Dieu lorsqu’Il S’est fait chair et qu’Il a habité parmi nous (Jean I, 14), si j’y trouvais quelque chose de contraire à la vérité.
Mais vous n’avez qu’à continuer à croire que le Fils de Dieu, en Se faisant homme, a pris toute notre nature, c’est-à-dire une âme raisonnable et une chair mortelle sans péché. Il a participé à notre infirmité, et non pas à notre iniquité, afin que, par cette infirmité commune à tous les hommes, Il nous délivrât de notre iniquité et nous amenât à sa justice, buvant la mort qui Lui venait de nous et nous offrant à boire la vie qui venait de Lui.
Si vous avez quelque écrit de ces gens-là, où ils soutiennent quelque chose de contraire à cette foi, veuillez me l’envoyer, afin que, non-seulement nous exposions notre foi, mais encore que nous réfutions leur erreur. Sans doute, ils s’efforcent d’appuyer leur sentiment pervers et impie sur des passages des divines Ecritures ; il faut leur prouver qu’ils ne comprennent pas bien le sens de ces lettres sacrées écrites pour le salut des fidèles : semblables à des homme qui se feraient des plaies graves avec des instruments de chirurgie destinés à guérir et non pas à blesser.
J’ai beaucoup travaillé et je travaille beaucoup encore, autant que Dieu m’en donne la force, pour combattre diverses erreurs. Si vous désirez avoir mes ouvrages, envoyez quelqu’un pour les copier : Dieu a voulu que vous puissiez le faire aisément, en vous donnant tout ce qu’il vous faut pour cela.