Remis mardi dernier à François Hollande, le rapport Sicard est l’exemple-type du document ambigu qui ouvre certaines portes, sans le dire… ouvertement, mais en faisant comprendre que ces dernières l’ont bien été. Il faut noter autant sa prudence que sa résolution. Côté rue, c’est effectivement le refus de l’euthanasie, mais côté cour, c’est un son de cloche différent, pour ne pas dire inquiétant. En fait, c’est lorsque l’on passe de la rue à la cour, par le hall d’entrée, que l’on comprend la profonde ambiguïté du rapport Sicard.
Côté rue : le refus apparent de l’euthanasie…
Le rapport dit écarter explicitement l’euthanasie dite “active” au motif que « la barrière d’un interdit serait franchi ». Les rédacteurs du rapport ont pris le soin de ne pas adopter une option aussi franche, au grand dam de certains promoteurs de l’euthanasie, comme Jean-Luc Romero et autres partisans du « droit de mourir dans la dignité ». Cela suffit pour susciter des déceptions et, peut-être, pour rassurer les esprits inquiets qui craignent qu’une tournure aussi radicale ne soit prise ; il est vrai que les déconvenues du mariage dit pour tous ne sont pas là pour rassurer… Engager un deuxième chantier sociétal, c’est prendre le risque de trop charger la barque gouvernementale et de faire chavirer une équipe qui peine à gérer différents dossiers. Autre aspect intéressant : le rapport Sicard exclut toute modification législative, ce qui ne manque pas de surprendre quand on sait que les partisans de l’euthanasie souhaitent modifier le cadre normatif. Dans ce cas, pourquoi demander au législateur de trancher, alors qu’on semble s’en remettre à la pratique… A priori, la perspective radicale est donc écartée. Complètement ? Pas véritablement. Le rapport Sicard veut quand même ne pas se contenter de reprendre les griefs prudents exprimés précédemment. On le voit sur la question des soins palliatifs.
Côté hall d’entrée : l’ambiguïté sur les soins palliatifs
Le rapport Sicard est autant le promoteur de la loi « Leonetti » que son contempteur. C’est sur cette question que l’on peut comprendre le ton du rapport qui veut développer les soins palliatifs tout en estimant qu’ils ne suffisent pas à résoudre la question de la souffrance en fin de vie. En effet, le rapport entend ne pas toucher à la loi et cherche même à faire la promotion des dispositifs. Tout paraît raisonnable. Pas totalement. Le rapport précise que les soins palliatifs ne pourront « jamais résoudre la totalité des situations, même si ces structures devaient être en nombre plus important ». C’est là que le bât blesse. Comment ne pas noter une certaine contradiction ? S’il fallait évaluer à leur juste mesure les soins palliatifs, il aurait au moins fallu que leur couverture soit suffisante, ce qui n’est pas le cas. Or, le rapport Sicard se permet de juger l’efficacité d’un dispositif qui reste encore insuffisamment développé. Pire : il juge l’efficacité à partir d’une situation hypothétique. Or, si les soins palliatifs étaient plus répandus, la question du traitement de la fin de vie ne prendrait-elle pas une tournure différente ? Ce n’est qu’une question. Mais avant de critiquer une orientation (le choix des soins palliatifs), faisons en sorte qu’elle puisse être évaluée objectivement.
Côté cour : le choix de la sédation terminale et la possibilité du suicide assisté
Dénonçant le recours aux sédations légères, le rapport Sicard ouvre néanmoins une brèche d’importance : celle du recours à la sédation terminale. Or, administrer un traitement qui aboutit au décès est ni plus, ni moins, un acte d’euthanasie. À la différence de la sédation légère, dont l’intention n’est pas de mettre fin à une vie, la sédation terminale a bien pour objet principal la fin de vie. Ce n’est pas parce que la sédation légère est délicate pour le patient qu’elle équivaut intentionnellement à une euthanasie ou à un homicide. Dans ce cas, la légitime défense devrait être requalifiée en meurtre pur et simple et faire l’objet de poursuites pénales. Cela est absurde : la finalité est bien de préserver une vie innocente, non d’en supprimer une. Ce n’est que par contrecoup, de manière non intentionnelle, qu’elle aboutit à ce résultat. De même, l’Église ne prohibe pas l’usage des contraceptifs lorsque la fin n’est plus d’interrompre le processus qui conduit à la vie, mais de nature médicale (régulation du cycle menstruel). Pour ces différentes raisons, on ne peut dire que l’administration de sédations légères aurait pour objet la fin de la vie. En revanche, la sédation terminale aboutit bien au meurtre du patient. Son effet est directement voulu. Il n’est nullement accidentel, mais bien substantiel. Enfin, timidement, le rapport admet la possibilité d’un suicide assisté « à la mode Oregon » (nota : référence à une législation d’un État américain) : le patient en phase terminale pourrait se voir remettre un produit létal qu’il pourrait d’ailleurs ne pas utiliser. Ainsi, le médecin n’administrerait pas le traitement mortel, ce qui permet de ne pas l’impliquer dans l’acte de mourir qui revient au seul patient. Mais cette option constitue déjà un pas considérable. Malgré la dissociation entre l’acte médical d’accompagnement le fait de se donner la mort, cette option suscite des réticences de spécialistes comme Jean Leonetti . Enfin, comment justifier la réanimation des suicidés, dans un cas, et la non-intervention sur une personne, dans un état incurable, ayant absorbé un produit létal, dans l’autre cas ? Même si le corps médical n’agit pas directement, rien n’exclut la voie de la complicité. L’assistance est déjà susceptible de conséquences juridiques.
La technique de la subversion…
Une brèche a bien été ouverte par le rapport Sicard. Comme dans la légalisation relative à l’avortement, on invoque des situations d’extrême détresse. On prétend les circonscrire des autres situations. Comme dans les années 1970, on invoque l’insatisfaction de la situation actuelle (à ce sujet, le rapport Sicard s’appuie sur ce que penserait l’opinion publique et invoque l’insatisfaction des français). Comme dans le dispositif même de loi « Veil », on prétendait ne pas ériger un quelconque droit. Mieux : on affirmait que la vie devait être respectée « dès le commencement » ( !) et que l’avortement devait constituer l’exception. Faut-il relire l’article premier de ladite loi ? « La loi garantit le respect de tout être humain dès le commencement de la vie. Il ne saurait être porté atteinte à ce principe qu’en cas de nécessité et selon les conditions définies par la présente loi. » Aujourd’hui, on peut dire que ça c’était avant…
On tue bien des bébés dans le ventre de leur mere pourquoi pas les vieux ! dont je suis…..