Dans un texte publié sur le site du diocèse d’Arras, Mgr Jean-Paul Jaeger aborde de façon originale (comment parler de ce sujet en écrivant de nouvelles choses, après tout ce qu’ont dit ses confrères) l’analyse du projet de loi sur le mariage. Visiblement, Mgr Jaeger avait préparé son texte et a attendu que le projet soit validé par le conseil des ministres pour le publier.
“Même lorsque le citoyen lambda n’est pas particulièrement versé dans le droit, ce qui est mon cas, il est toujours instructif de lire un projet de loi et surtout de s’attarder sur l’exposé des motifs qui précède le texte lui-même. Comme beaucoup, j’ai pu prendre connaissance de l’avant-projet de loi « visant à ouvrir le mariage et l’adoption aux couples du même sexe. » Dans l’exposé des motifs, nous lisons les passages suivants : « Prérogative de l’église [La minuscule est dans le texte] durant l’Ancien régime, le mariage civil, révocable et enregistré en mairie a été institué par la loi du 20 septembre 1792 … Ce mariage laïc, qui pour l’essentiel transpose les règles du droit canon, n’a pas été défini par le code civil … »
Le document reconnaît explicitement que le mariage civil constitue en quelque sorte un jumeau du mariage religieux tel qu’il est défini et pratiqué dans l’Église catholique. Il est superflu de rappeler ici les textes de l’Écriture et la théologie sur lesquels repose le droit canon. Il est clair que ceux-ci n’envisagent pas le mariage autrement qu’entre un homme et une femme. Cette complémentarité allait tellement de soi au moment de l’institution du mariage civil que, toujours selon le rédacteur de l’avant-projet de loi, « ni les rédacteurs du Code, ni leurs successeurs n’éprouvèrent le besoin de le dire expressément. » On ne peut pas mieux écrire pour affirmer que le mariage civil est l’héritier direct du mariage religieux tel que l’Église l’enseigne et le célèbre.”
Et Mgr Jaeger montre que le législateur, en faisant table rase du passé, veut créer un nouveau monde (Mme Taubira parle même d’un changement de civilisation) :
“Ce dessein n’est possible qu’en reniant totalement le sens même du mariage civil reçu du mariage religieux. Le législateur ne veut ni ne peut faire du catholicisme sans le catholicisme et du mariage sans le mariage ! Il lui appartient de donner et de fonder sa signification de l’union qu’il instaure puisqu’il entend rompre avec la logique rappelée par l’exposé des motifs. Il devient alors trompeur de parler de mariage. Dans ce cas, il est indispensable de dire clairement ce que font et ce que sont deux personnes quand elles s’unissent civilement ! Or l’avant-projet est muet à ce sujet !”
Et Mgr Jaeger enfonce le clou en indiquant que lorsque les fenêtres sont ouvertes, il n’y a plus de frontière :
“Il serait aussi nécessaire qu’intéressant de voir sur quels arguments repose l’union civile au sein d’un couple. Elle reçoit une justification naturelle lorsqu’elle concerne un homme et une femme. Mais pourquoi donc être obligatoirement unis à deux lorsque disparaît cet impératif ? Est-il bien indispensable d’honorer encore ce vieux reste de judéo-christianisme ?”
Conséquence : la loi va supprimer les références au père et à la mère. Question logique de Mgr d’Arras :
“Assisterons-nous à la naissance d’une nouvelle forme de laïcité qui dans la sphère publique ne s’adressera plus qu’à un ou plusieurs des parents ?”