En matière d’immigration, un certain discours ecclésial s’est souvent inscrit à l’unisson d’une vision à la fois idéaliste et fataliste du phénomène migratoire. Malheur à ceux qui osent remettre en cause les mouvements de population!
Il est vrai que l’Église appelle au respect des étrangers, tout en demandant à ces derniers de respecter le pays d’accueil. Ce n’est pas tant sur l’aspect migratoire du phénomène que l’Eglise se concentre que sur la dignité des migrants. Le respect de cette dernière est parfaitement normal. La charité et la justice ne sont pas optionnelles et concernent tous les hommes.
Pourtant, les conséquences négatives de l’immigration ne sont guère soulignées (déracinement des populations, individus perdus dans leur pays d’accueil, exploitation des êtres humains, etc.) par ses promoteurs. L’immigration reste un problème en ce sens qu’elle se traduit par une rupture entre l’homme et le territoire où il a ses racines. En soi, elle peut être même dramatique.
Avant de se demander si elle devrait être choisie par le pays d’accueil, il faut réfléchir à son caractère subi par le migrant lui-même. Si l’immigration n’est guère souhaitée et semble être vécue sous la contrainte par l’intéressé, ne faudrait-il pas logiquement faire en sorte que ce dernier ne soit pas dans l’obligation de quitter son pays ? Ne faut-il pas tout faire pour qu’un individu reste sur le sol natal et que ses conditions de vie soient positives ?
On peut concevoir une immigration de travail (expatriés), religieuse, ou touristique, dont la caractéristique est d’ailleurs d’être temporaire.
Les propos de Benoît XVI, dans son message du 12 octobre 2012 pour la 99ème Journée mondiale des migrants et réfugiés 2013, dont nous avons parlé hier et avant-hier, tranchent avec une certaine « béatitude » : « Avant le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre. » Citons la phrase dans on intégralité, elle mérite d’être analysée :
Dans le contexte sociopolitique actuel, cependant, avant même le droit d’émigrer, il faut réaffirmer le droit de ne pas émigrer, c’est-à-dire d’être en condition de demeurer sur sa propre terre, répétant avec le Bienheureux Jean-Paul II que « le droit primordial de l’homme est de vivre dans sa patrie : droit qui ne devient toutefois effectif que si l’on tient constamment sous contrôle les facteurs qui poussent à l’émigration » (Discours au IVème Congrès mondial des Migrations, 1998)
Le droit d’émigrer ne devrait-il finalement pas être vu comme une exception au droit fondamental qu’a l’homme de vivre là où il est ? L’immigration peut être un drame, car elle contredit la perspective selon laquelle nous devons vivre sur la terre qui nous a vus naître, sur celle de nos ancêtres…En soi, le droit d’émigrer ne devrait être lié qu’à des conditions objectives soit de nature dramatique (famine, guerre…), soit de nature optimiste (tourisme, nécessités professionnelles…).
Il ne saurait être un droit désincarné, sous peine de perdre toute signification. Il doit répondre à des exigences qui rendent impossibles la vie sur son propre sol.
Le déracinement est aussi une atteinte à la dignité de l’homme.
Celui qui émigre doit oublier sa langue son accent les moeurs de son pays d’origine l’empreinte des paysages et du climat; s’il trouve un clan pour l’accueillir il vivra à l’intérieur d’une communauté fermée; d’après B Cyrulnik:” les difficultés psychologiques avant l’immigration la rendent plus douloureuses . Paradoxalement les personnes heureuses dans leur pays d’origine retrouvent une manière de vivre heureuse dans le pays d’accueil”(Mourir de dire la honte)