J’ai été abasourdi, la semaine dernière, en lisant, grâce à un ami lecteur de Riposte catholique, la recension qu’a faite “La Croix” du film “Amour”, palme d’or à Cannes voici quelques mois.
Cette recension s’intitule sobrement: “Amour: un appel à l’intelligence sur un sujet sensible”. On y lit que l’oeuvre est “exigeante et magnifique”. Au total, une page d’éloge – peut-être mérité par la qualité formelle du film dont je ne peux juger, puisque je ne l’ai pas vu – sans aucune réserve. Un seul passage fait une brève et discrète allusion aux débats qui ont entouré cette palme d’or:
Tout fait sens dans ce long métrage à la fois tendu par le drame d’une situation inéluctable et sous-tendu par un amour dont la puissance vient de loin. Jusqu’à cette mort, connue dès les images du prologue, sans qu’on sache encore quel geste tragique a pu être commis.Les interrogations auxquelles le spectateur se trouve alors exposé sont de celles qui alimentent les débats de société.
Il serait cependant bien injuste de réduire Amour à ce débat – et encore plus de vouloir s’appuyer sur le film pour conforter telle ou telle prise de position. Les espaces paradoxalement laissés au spectateur dans un film qui, à certains moments, peut se révéler suffocant, résonnent comme un appel à l’intelligence de chacun face à un thème d’une infinie complexité.
C’est tout ce que le quotidien officieux de l’épiscopat français trouve à dire du sujet du film. A tel point que je me suis demandé d’abord s’il s’agissait bien du film faisant l’apologie de l’euthanasie dont j’avais entendu parler. Vérification faite, c’est bien de ce film qu’il est question. Un lecteur de “La Croix” qui n’aurait lu d'”Amour” que cette recension serait logiquement conduit à courir voir ce “chef-d’oeuvre”. Pour qu’il soit bien clair que ce ne sont pas seulement quelques réactionnaires grincheux qui ont vu dans ce film (qui, encore une fois, est peut-être superbe, mais là n’est pas vraiment la question principale!) une apologie de l’euthanasie, je vous livre ce que l’ADMD, principal lobby pro-euthanasie de France, en a écrit:
Mais outre une oeuvre remarquable, Amour, avec sa palme d’or qui va lui conférer une place du choix au sein du cinéma international, a des chances de devenir un modèle pour ceux qui revendiquent le droit de mourir dans la dignité et pourrait peut-être faire bouger les lignes dans certains pays.
Ne rien en dire quand on parle d’un tel film me semble, pour rester euphémique, singulièrement imprudent…
Le monde manque tellement d’ amour que je vous avoue que moi, n’ allant jamais au cinéma, je désirerais voir ce film, ne fût ce que pour l’ excellente interprétation de Trintignant et Riva.
Mais je me réserve la critique car je suis contre l’ euthanasie…..
Je suis attéré par ce qu’est devenu la banlieu parisienne de mon enfance à chaque fois que je dois m’y rendre.
J’ai décidé de porter une petite croix Chrétienne tout les jours bien en évidence. Et je suis surpris par les réactions des gens. Certains amis me questionnent et me donnent raison quand j’explique que je porte cette croix pour affirmer mon éducation et que mon pays est issu de la civilisation Chrétienne. D’autres me disent que tous signes distinctifs d’une religion est interdit. D’autres parlent de provocation. Enfin certains craignent pour moi si je m’exibe dans certaines banlieus.
Voila ce que les Français sont en train de devenir.
Ce commentaire est pourtant normal pour un journal non-catholique, même si ledit journal le fut, il y a très très longtemps!
Mais qu’attendre d’autre de La Croix ( gommée)?
Un peu formé à ces sujets (je suis membre du conseil national de bioéthique), j’ai vu ce film – je préférérais dire: je l’ai contemplé – avec émerveillement. Perfection formelle, profondeur infinie du récit et du jeu des acteurs… Mais il me paraît clair, d’une part, que ce film ne plaide pour rien: il nous met sous les yeux la condition humaine, ce qui est déjà immense. Et s’il fallait en “tirer” des implications pratiques, elles iraient de toute évidence, d’abord vers une politique d’amélioration des conditions hospitalières, ensuite de l’aide médicale à domicile et du soutien des proches soignants, enfin des soins palliatifs. Le geste d’euthanasie désespérée du film, souvent seule solution apparente, aurait été évité par ces engagements pratiques qui permettent, dans l’immense majorité des cas, de vivre sa mort. Alors, PAR PITIE, pas de dualismes sommaires (agonie/euthanasie) ! Un peu de pensée et de coeur, et pas seulement des réactions nerveuses !