Jeudi 25 octobre 2012.
Chers Amis du Refuge Notre-Dame de Compassion,
Ce prochain dimanche, dernier dimanche du mois d’octobre, sera célébrée – selon le calendrier liturgique traditionnel – la fête du Christ Roi.
J’insiste toujours sur la date normale à laquelle cette célébration doit avoir lieu et sur le sens que revêt cette date : le dernier dimanche d’octobre faisant comme une sorte de préparation à la fête de tous les Saints.
Frère Maximilien-Marie s’est déjà exprimé au sujet du déplacement de sens signifié et matérialisé par le déplacement de date de cette célébration dans le calendrier imposé par la réforme de 1969 : je ne vais pas réécrire ici ce qu’il a synthétisé dans le texte intitulé « De la Royauté du Christ à la gloire de ses élus », mais je vous engage à le relire (cf. > www) parce que ce qu’il met en évidence me semble capital et explique bien des choses.
Je ne vais pas non plus répéter ce que Monsieur l’Abbé Vannier a magnifiquement exprimé dans le sermon qu’il avait prononcé l’année dernière et que j’ai publié ici > www.
Je vous encourage cependant à relire et surtout méditer avant dimanche l’acte de consécration du genre humain au Sacré-Coeur du Christ-Roi (cf. > www) : il convient de s’en nourrir, d’en faire l’objet d’une prière personnelle fervente dès avant la fête, afin que justement, dimanche prochain lorsqu’il sera publiquement et solennellement lu devant le Très Saint-Sacrement exposé, vos coeurs soient mieux et davantage unis aux paroles et à l’esprit de la Sainte Eglise.
D’autre part, en cette année du sixième centenaire de la naissance de Sainte Jeanne d’Arc, les Français peuvent et doivent se souvenir avec une ferveur particulière de la très officielle donation du Royaume de France au Christ, Roi des rois et Seigneur des seigneurs, accomplie par le Roi Charles VII à l’instigation de la Pucelle.
Dans la basilique nationale du Bois-Chenu, à Donremy, la mosaïque de l’abside de la chapelle sud du transept, reproduite ci-dessus, célèbre cette donation et porte pour légende : « Messire Dieu vray Roy de France de qui Charles a reçu commende », rappelant que le pouvoir des rois, des hommes d’état, de tous ceux qui exercent un rôle dans la cité terrestre ne leur appartient pas mais leur est délégué par Dieu au service de l’ordre voulu par le Créateur et, à la fin de toute chose, au service du salut éternel de ceux sur qui ils ont reçu autorité.
Si Notre-Seigneur Jésus-Christ a enseigné à ses disciples à distinguer ce qui est de Dieu et ce qui est de César, afin de rendre à César en toute justice ce qui lui est dû, il n’a pour autant pas affranchi César de l’autorité de Dieu : comme tout un chacun, César doit en toute justice rendre à Dieu ce qui Lui est dû…
Malheureusement, nombre de chrétiens aujourd’hui, nombre d’ecclésiastiques et de pasteurs d’âmes n’osent plus affirmer la Royauté Sociale de Notre-Seigneur Jésus-Christ telle qu’elle a été solennellement définie par Pie XI dans l’encyclique « Quas primas » (on peut relire cette encyclique ici > www).
Le sel s’est affadi : la charité apostolique et le zèle pour le salut des âmes se sont refroidis par l’effet des hérésies modernistes.
Dans nos sociétés occidentales – jadis chrétiennes – le laïcisme se fait plus agressif, le sectarisme maçonnique devient toujours plus arrogant, l’intégrisme antichrétien est de jour en jour plus virulent, l’indifférentisme gagne du terrain, la saine formation intellectuelle et philosophique est en faillite et fait le lit des théories les plus opposées au bon sens et à la nature, l’erreur et les fausses religions sont favorisées par les pouvoirs publics…
Aussi, pour nourrir notre espérance surnaturelle et nous permettre en même temps de garder un sain recul par rapport à une actualité source de beaucoup d’inquiétudes, me semble-t-il judicieux de vous retranscrire ici un texte du grand cardinal Edouard Pie, évêque de Poitiers, vaillant défenseur des droits de Dieu et de Son Eglise, champion de la doctrine de la Royauté du Christ :
« (…) A mesure que le monde approchera de son terme, les méchants et les séducteurs auront de plus en plus l’avantage : Mali autem et seductores proficient in pejus (2 Tim. III, 13 : « les hommes méchants et séducteurs s’enfonceront toujours plus dans le mal »). On ne trouvera quasi plus la foi sur la terre (Luc XVIII, 8), c’est-à-dire, elle aura presque complètement disparu de toutes les institutions terrestres. Les croyants eux-mêmes oseront à peine faire une profession publique et sociale de leurs croyances. La scission, la séparation, le divorce des sociétés avec Dieu, qui est donné par saint Paul comme un signe précurseur de la fin : nisi venerit discessio primum (2 Thess. II,3 : « …avant que ne soit venue la séparation » – souvent traduit par « l’apostasie »), ira se consommant de jour en jour.
L’Eglise, société sans doute toujours visible, sera de plus en plus ramenée à des proportions simplement individuelles et domestiques. Elle qui disait à ses débuts : « Le lieu m’est étroit, faites-moi de l’espace où je puisse habiter : Angustus est mihi locus, fac spatium mihi ut habitem » (Is. XLIX, 20), elle se verra disputer le terrain pied à pied ; elle sera cernée, resserrée de toutes parts ; autant les siècles l’ont fait grande, autant on s’appliquera à la restreindre. Enfin il y aura pour l’Eglise de la terre comme une véritable défaite : « Il sera donné à la Bête de faire la guerre avec les saints et de les vaincre » (Apoc. XIII, 7). L’insolence du mal sera à son comble.
Or, dans cette extrémité des choses, dans cet état désespéré, sur ce globe livré au triomphe du mal et qui sera bientôt envahi par la flamme (2 Petr. III, 10-11), que devront faire encore tous les vrais chrétiens, tous les bons, tous les saints, tous les hommes de foi et de courage?
S’acharnant à une impossibilité plus palpable que jamais, ils diront avec un redoublement d’énergie, et par l’ardeur de leurs prières, et par l’activité de leurs oeuvres, et par l’intrépidité de leurs luttes : ô Dieu, ô notre Père qui êtes dans les cieux, que votre Nom soit sanctifié sur la terre comme au ciel, que votre Règne arrive sur la terre comme au ciel : sicut in caelo et in terra! Sur la terre comme au ciel…!
Ils murmureront encore ces mots, et la terre se dérobera sous leurs pieds. Et comme autrefois, à la suite d’un épouvantable désastre, on vit le sénat de Rome et tous les ordres de l’Etat s’avancer à la rencontre du consul vaincu, et le féliciter de ce qu’il n’avait pas désespéré de la république ; ainsi le sénat des cieux, tous les choeurs des anges, tous les ordres des bienheureux viendront au-devant des généreux athlètes qui auront soutenu le combat jusqu’au bout, espérant contre l’espérance même : contra spem in spem (Rom. IV, 18).
Et alors, cet idéal impossible, que tous les élus de tous les siècles avaient obstinément poursuivi, deviendra enfin une réalité. Dans ce second et dernière avènement, le Fils remettra le royaume de ce monde à Dieu Son Père ; la puissance du mal aura été évacuée à jamais au fond des abîmes (1 Cor. XV, 24) ; tout ce qui n’aura pas voulu s’assimiler, s’incorporer à Dieu par Jésus-Christ, par la foi, par l’amour, par l’observation de la loi, sera relégué dans le cloaque des immondices éternelles. Et Dieu vivra, et il régnera pleinement et éternellement, non seulement dans l’unité de Sa Nature et la société des Trois Personnes divines,, mais dans la plénitude du corps mystique de Son Fils Incarné, et dans la communion de Ses saints (Eph. IV, 12). » (*)
A vous tous, chers Amis, bonne, fervente et sainte fête du Christ-Roi!
Lully.
(*) Conclusion du discours prononcé le 8 novembre 1859 dans l’église cathédrale de Nantes à l’occasion de la réception des reliques de Saint Emilien – in « Oeuvres de Monseigneur l’Evêque de Poitiers », tome III, pp. 526-528.