Premier vendredi du mois 5 octobre 2012.
1797 – 5 octobre – 2012
Deux-cent-quinzième anniversaire de la « liquidation »
du comte François-Dominique Cavey de La Motte.
« (…) Il se revêtit de la cuirasse, comme un géant, et il se ceignit de ses armes guerrières dans les combats, et il protégeait le camp de son glaive. Et il devint semblable à un lion dans ses hauts faits, et il était comme le petit d’un lion rugissant à la chasse. Et il poursuivit les iniques, les cherchant de toutes parts ; ceux qui troublaient son peuple, il les livra aux flammes ; et ses ennemis furent repoussés par la crainte qu’il inspirait, et tous les ouvriers d’iniquité furent troublés, et le salut fut dirigé par sa main. (…) Sa mémoire sera à jamais en bénédiction. »
(1er livre des Machabées, III, 3b-6. 7c)
François-Dominique Cavey de La Motte est né le 15 septembre 1759, à Neauphe-sur-Dive, village sis à environ 7 lieues et demi au sud-ouest de Lisieux, dans l’actuel département de l’Orne.
La famille Cavey de La Motte avait été anoblie en 1700 et les ancêtres de François-Dominique avaient exercé des fonctions dans la magistrature et l’armée (son grand’père et son père avaient été faits chevaliers de Saint-Louis).
François-Dominique fut militaire dans l’artillerie, au célèbre régiment de la Fère, de 1780 à 1791 : élève en août 1780, il est lieutenant en second en juillet de l’année suivante, puis lieutenant en premier en janvier 1785 et capitaine en août 1789.
Son parcours est exemplaire : les rapports d’inspection sont très élogieux sur sa conduite, sur ses moeurs et sur ses capacités.
En août 1791, il rejoint l’armée de Condé. Il est aide de camp du marquis de Thibaudot, commandant en chef de l’artillerie des Princes. Il participe aux campagnes de 1792 dans le régiment de la Reine.
Mais à Lauterbourg, à la fin du mois de décembre 1792, il est blessé au bas-ventre. C’est après cela qu’il décide de rentrer en France et d’y mener le combat d’une autre manière.
Peut-être se trouve-t-il à Lyon au moment du soulèvement de la ville contre la Convention.
A l’armée des Princes, il s’était lié d’amitié avec Pierre Charles Marie Duclos, marquis de Bésignan (1759 – 1806), habituellement considéré comme l’un des « fondateurs » des Compagnons de Jésus, improprement appelés « Compagnons de Jéhu ».
C’est Bésignan qui détermina le comte de La Motte à venir en Vivarais et en Velay pour y coordonner et y développer, sur le terrain, la lutte contre-révolutionnaire.
Peu de temps après, François-Dominique fut rejoint par son frère puîné, Pierre-Dominique Cavey de La Motte, dit le chevalier de La Motte (un certain nombre de révolutionnaires – et après eux d’historiens républicains – n’ont pas compris pas qu’il y avait deux frères La Motte et ont ont cru que c’était le même personnage qui était appelé tantôt « comte » et tantôt « chevalier »).
La prise et l’incendie de la Commanderie de Jalès en juillet 1792
(cliquer sur l’image pour la voir en grand)
François-Dominique de La Motte arrive donc « chez nous », après les terribles évènements du mois de juillet 1792 qui ont vu l’échec de Monsieur de Saillans dans le sud du Vivarais et les massacres qui s’en sont suivis (cf. > www).
Le comte de La Motte et son frère vont être aussitôt en relations étroites avec les survivants des Camps de Jalès, au premier rang desquels il faut citer Dominique Allier, frère de l’abbé Claude Allier (prieur-curé de Chambonas qui avait été l’inspirateur et l’âme des Camps de Jalès).
Ils seront aussi en étroite collaboration avec Joseph-Etienne de Surville (qui n’était pas à Jalès) et avec tous les nombreux chefs chouans qui mènent le combat en Gévaudan, Margeride, Vivarais, Velay, Brivadois, Forez, jusqu’en Limagne et dans les monts du Lyonnais.
Nous savons de manière certaine que « notre » Grand Chanéac (cf. > www) était en contact avec les frères La Motte.
Le comte de La Motte était relativement grand (pour l’époque et en comparaison avec les montagnards de ces contrées) puisqu’il est décrit comme ayant une taille de cinq pieds et cinq pouces, soit environ 1,75m.
Nous n’avons pas de portrait de lui mais, dans un avis de recherche lancé par les autorités révolutionnaires, on trouve précisé qu’il a « peu de cheveux, châtains, négligés et en partie flottants sur chaque côté du front » ; que le visage est plein, la peau fine, les yeux gris, « le front et le nez ordinaires, le menton rond, l’air riant ».
D’autres rapports reconnaissent ses qualités intellectuelles, son savoir-vivre aristocratique, l’aisance et la netteté avec lesquelles il s’exprime ; ils mentionnent en outre le grand respect que lui témoignent les royalistes et la déférence dont il est entouré.
Chef charismatique, il était en effet très aimé de ses chouans, qui l’appelaient Monsieur François ou parfois même familièrement « père François ».
Alors qu’il n’est âgé que de 36 ans en 1795, les révolutionnaires du Puy-de-Dôme lui donnent presque dix ans de plus!
Il utilisait des noms de guerre : ainsi, lorsqu’il sera arrêté, il sera réputé s’appeler François Gendre, si bien que les révolutionnaires du Puy hésiteront longtemps avant d’avoir la conviction d’avoir pris le comte de La Motte.
Il reste encore aujourd’hui de nombreuses hésitations ou zones d’ombre pour tout ce qui concerne son activité, faute de documents : on comprend bien qu’en une telle période – avec les nécessités de la clandestinité et d’une très grande mobilité – François-Dominique de La Motte, ses lieutenants et ses chouans ne remplissaient pas des pages de documents et ne tenaient pas des conférences de presse pour informer l’ennemi de leurs mouvements, de leurs projets et sur la manière dont fonctionnait leur réseau, qui était toutefois remarquablement bien organisé!!!
Paysage du Meygal : zone volcanique accidentée du Velay, aux confins du Vivarais, terre de chouannerie.
Avec Dominique Allier et le marquis de Surville, le comte de La Motte dirige la « Compagnie de la Ganse Blanche », ainsi nommée parce que les Compagnons arborent à leur chapeau un ruban blanc disposé en forme de croix de Saint-André.
Après l’échec de la constitution d’une Armée Catholique et Royale du Midi en Vivarais (évènements de Jalès sus-évoqués), les contre-révolutionnaires n’avaient pas perdu l’espoir – en s’appuyant sur les fortes convictions des populations du Gévaudan, du Vivarais et du Velay, très largement hostiles à la révolution – de constituer une véritable armée qui s’emparerait du Puy, « ville sainte » à partir de laquelle pourrait être entreprise la reconquête militaire du Royaume.
Le général-comte de La Motte parvint à rassembler, au cours des années 1795 et 1796, un camp d’environ trente mille hommes dans les environs du col du Pertuis, sur la paroisse de Saint-Hostien.
Les hommes venus de toutes les paroisses du Velay, et parfois de plus loin, y reçurent une formation et un entrainement militaires, furent organisés en bataillons et régiments.
Des prêtres réfractaires assuraient la Sainte Messe quotidiennement et entretenaient la flamme d’une véritable croisade.
Ce Camp du Pertuis, établi en un point charnière de communication (sur la route qui relie Le Puy-en-Velay à Yssingeaux), en bordure du massif du Meygal où il était aisé de se cacher, fit trembler de peur les soldats et les autorités révolutionnaires (les 5 et 6 octobre 1795 en particulier un corps armé composé d’environ 400 hommes fut mis en déroute par les chouans).
Toutefois, à la fin de l’année 1796, La Motte décida la dispersion du camp : il semblait préférable de continuer l’action contre-révolutionnaire au moyen de petits groupes de chouans, plus mobiles, capables d’agir très rapidement et de se disperser tout aussi rapidement, pour contrer les « crapauds bleus » et soutenir les prêtres réfractaires sur l’ensemble du territoire.
Le village de Lanarce près duquel fut pris le comte de La Motte.
Le 12 juin 1797, François-Dominique Cavey de La Motte fut arrêté avec son aide de camp, nommé Vialle (originaire de Langeac et âgé de 19 ans).
C’était à Lanarce (village sur le territoire duquel est sise la légendaire « auberge rouge » de Peyrebeille), et celui qui procéda à son arrestation était le juge de paix de Coucouron, Enjolras.
Cet Enjolras était un prêtre apostat. D’abord prêtre-professeur au collège d’Aubenas, il avait prêté le serment constitutionnel, puis avait fini par renier son sacerdoce ; devenu juge de paix, il était un révolutionnaire fanatique et n’avait de cesse de contrer les chouans et l’apostolat des prêtres réfractaires, ayant constitué pour cela un réseau d’espions et de traîtres.
Envoyé à la prison du Puy, le général-comte de La Motte, nous l’avons vu, ne fut tout d’abord pas identifié de manière certaine par les révolutionnaires, puisqu’il prétendait se nommer François Gendre.
Les efforts entrepris au cours de l’été 1797 par les autres chefs de la contre-révolution en vue de le délivrer finirent par convaincre les révolutionnaires qu’ils avaient bien affaire au comte de La Motte.
Mais cette même certitude les empêcha aussi de le transférer à Riom comme ils l’eussent dû faire normalement : La Motte avait en effet déjà été condamné à mort par contumace par le tribunal criminel du Puy-de-Dôme. Les prétendus « patriotes » savaient très bien qu’ils n’étaient pas maîtres des campagnes et des routes ; un convoi de transfert serait attaqué par un si grand nombre de chouans qu’ils ne pourraient les contenir et que Monsieur François serait nécessairement libéré par les siens!
Le Puy-en-Velay : ce bâtiment sis sur la place de la Plâtrière fut aux XVIIe et XVIIIe siècles
la chapelle du monastère de la Visitation.
La révolution vida le couvent et en fit la prison
tandis que le tribunal révolutionnaire siégeait dans la chapelle elle-même
(c’est là en particulier que furent jugés les célèbres Compagnons de Jésus).
La mort de La Motte reste entourée d’un certain mystère.
Les révolutionnaires feront tout d’abord courir le bruit que le général-comte aurait été assassiné par les siens (dans la prison – ancien monastère de la Visitation – qui jouxtait le tribunal révolutionnaire qui siégeait dans la chapelle!!!) afin de l’empêcher de révéler les secrets de la contre-révolution!!!
Puis les autorités républicaines se rabattront sur une prétendue attaque de la prison menée par les royalistes dans la nuit du 14 au 15 vendémiaire (soir du 5 octobre 1797) au cours de laquelle les gardiens, se voyant sur le point d’être égorgés, auraient pris le parti de tirer sur La Motte!!!
Il est certain que les terroristes révolutionnaires – craignant une évasion du général-comte et dans leur peur panique d’une attaque conjointe des troupes d’Allier, Surville et La Motte cadet – avaient intimé aux sentinelles qui le gardaient l’ordre d’exécuter le prisonnier s’ils entendaient tirer des coups de feu à l’extérieur de la prison.
François-Dominique Cavey de La Motte fut effectivement tué dans sa prison par plusieurs coups de fusil ayant touché les organes vitaux, mais on ne peut en aucune manière prouver qu’il y avait eu ce soir-là une tentative des chouans pour investir la prison.
Le procès-verbal établi après la mort de La Motte témoigne d’une grande confusion et ne permet pas d’établir avec certitude ce qui s’est réellement passé.
L’enterrement furtif de sa dépouille, le 6 octobre quand il fit nuit, ne fait que renforcer l’impression d’une « bavure » sur laquelle les républicains ont cherché à jeter un voile.
Sur le registre de la prison, le concierge Giraud, qui était lui aussi un prêtre renégat, écrivit : « Le nommé général Lamothe a cessé de vivre ce jour d’hui 14 vendémiaire an IV de la République vers 9h du soir. Il a été enterré vingt-quatre heures après son décès. »
François-Dominique de La Motte, lorsqu’il fut exécuté, était âgé de 38 ans et vingt jours.
Pierre-Dominique Cavey de La Motte, frère puîné du général (il était né le 4 mai 1761), avait fait partie des gardes du corps du Roy avant d’émigrer en 1791. Peut-être avait-il été mêlé à l’évasion de la famille royale le 21 juin 1791.
Il était revenu en France un peu plus tard que son aîné, qu’il avait rejoint en Velay et Vivarais, et se dissimulait souvent sous le pseudonyme de Pougard.
Il fut arrêté à Lablachère, dans le sud du Vivarais, le 27 novembre 1797, à peine deux mois après la mort de son frère.
Emmené à Montpellier, il y fut condamné à mort par une commission militaire et fusillé en 1798.