Les commissions régionales de contrôle de l’euthanasie aux Pays-Bas ont rendu leur rapport pour 2011, rendant compte – mais sans le dire explicitement – de nouveaux glissements vers une libéralisation de la loi. On nous disait encore cet été que le nombre d’euthanasies aux Pays-Bas était stable, à peu près du niveau, désormais, de ce que l’on enregistrait avant la loi, et moins que des pic constatés au milieu des années 2000.
Affirmation un peu hâtive vu que nombre d’euthanasies ne sont pas déclarées et que par ailleurs la sédation palliative, qui peut être euthanasique, monte en flèche.
Mais en 2011, même les déclarations « classiques » d’euthanasie auront été en forte augmentation, avec 3695 déclarations d’euthanasie ou de suicide assisté soit 18 % de plus que les années précédentes. 159 du total étaient des suicides assistés, 53 des cas mixtes.
Seules 4 euthanasies déclarées ont été jugées non conformes, ce qui peut être le cas lorsque la décision d’euthanasier est jugée injustifiée ou que la procédure médicale n’a pas été bien menée.
Deux fois plus de personnes en voie de devenir démentes ont été euthanasiées que l’année précédente, une progression géométrique qui se maintient et atteint désormais 49 personnes pour la seule année 2011.
Avec, cette année, une nouveauté. Dans plusieurs cas, on a accepté, malgré une altération déjà présente, voire importante du libre arbitre au moment de l’euthanasie, de tenir compte d’un testament de fin de vie rédigé alors que le patient était encore en état d’exprimer sa volonté.
Ce point restait extrêmement douteux jusqu’ici.
Les euthanasies de personnes en voie de devenir démentes étaient justifiées notamment par la peur de les voir passer « de l’autre côté » et de ne plus pouvoir les mettre à mort, faute d’expression actuelle de la volonté. En laissant jouer, même si ce n’est pas dans des cas de démence installée, ces demandes antérieures, on a accompli en 2011 un nouveau pas, confirmé par les fréquentes références aux « émotions » exprimées par les malades, leurs mimiques, leurs yeux expressifs, le langage du corps. On a tenu compte aussi de l’état d’esprit de certain de ces malades tel que décrit par des proches.
C’était depuis longtemps une revendication du lobby du droit à une fin de vie volontaire ; il me semble qu’elle trouve ici un début de satisfaction savamment dosé et dont on saura profiter pour multiplier les campagnes déjà existantes, sur le thème très peu pour moi, visant à encourager les personnes à dire dès aujourd’hui ce qu’on pourra faire d’elles le jour où elles basculeront dans la démence complète.
Euthanasie sur des personnes déjà assez démentes mais ayant fait un testament de fin de vie en ce sens : voilà qui est tendance cette année.
Est frappante aussi l’acceptation de plusieurs dossiers où le patient présentait une dépression.
Ou encore – et c’est une autre tendance récente et à la hausse – des cas psychiatriques.
Je vous propose le résumé en style télégraphique de plusieurs cas présentés, en attendant de revenir plus tard vers d’autres cas, notamment psychiatriques ou concernant des personnes sans maladie particulière mais souffrant d’une série d’affections dues à la vieillesse.
• Cas d’un homme souffrant d’une maladie mentale portant légèrement atteinte à ses capacités de compréhension, cancer, douleurs au moment de se laver et d’aller aux toilettes, nausées et vomissements fréquents, assez lucide pour demander de manière répétée à mourir, douleur insupportable signifiée par le fait que l’homme saisissait sa tête avec ses mains en disant qu’il avait très mal à la tête : selon l’accompagnatrice, signe qu’il avait du mal à exprimer ses sentiments. La communication était possible avec ce patient pourvu qu’elle n’aborde pas de sujets profonds. Euthanasie : OK.
• Cas d’une patiente octogénaire ; pré-démente ; hospitalisée avec une infection urinaire, AVC à l’hôpital suivie d’hémiplégie et d’aphasie, les deux affections considérées comme constituant une souffrance insupportable et sans perspectives. Le neurologue propose aussitôt de ne plus nourrir ni hydrater, on n’a pas donné suite. Elle pouvait exprimer des réponses par oui ou par non. Elle a fait comprendre qu’elle ne voulait pas continuer ainsi et montrait une petite plaque qu’elle portait autour du cou avec l’ordre de « ne pas réanimer ». Au bout de six mois, ayant produit un récent testament de fin de vie et signifiant qu’elle ne voulait plus vivre. Le jour de sa mise à mort elle a été visitée par un médecin SCEN qui a constaté des escarres et vu qu’elle n’était ni nourrie ni hydratée depuis 48 h. Il a jugé qu’elle était en état d’exprimer sa volonté. Le médecin traitant, lui, s’était basé sur sa « communication non-verbale », rendant compte de son regard et de ses hochements de tête lorsque, de manière répétée, il lui proposait l’euthanasie. OK.
• Cas d’une patiente atteinte d’un cancer ne cédant plus à aucun traitement, à près de 80 ans, elle avait indiqué dans un testament de fin de vie vouloir une fin de vie digne. Alors qu’elle avait des symptômes difficiles à vivre – vomissements, etc. – le médecin de garde le week-end avait commencé à lui appliquer une palliation sédative : endormissement profond accompagné d’ordinaire du retrait de la nourriture et de l’hydratation. Elle était dans le coma lorsque son médecin traitant est revenu ; sa famille a fait savoir qu’elle n’aurait jamais voulu de cela, mais d’une « mort digne », comme en attestait son testament de fin de vie. Elle avait une respiration bizarre pendant son coma, crachait du sang avec risque d’étouffement, montrait des signes d’agitation par moments : le mari a fait savoir qu’elle aurait préféré en finir vite. Le médecin a estimé devoir tenir compte de son testament de fin de vie alors qu’elle n’était plus en état d’exprimer sa volonté. La commission a jugé que même si la femme, du fait de son coma induit par la sédation palliative, n’avait pas conscience de son état, il suffisait de noter qu’elle avait précédemment et par écrit indiqué que le genre de situation où elle se trouvait était pour elle une « situation indigne », l’euthanasie a été pratiquée de manière conforme à la loi. « L’euthanasie est alors autorisée parce qu’il est jugé inhumain de faire sortir quelqu’un d’un niveau de conscience amoindri réversible afin de lui faire confirmer qu’il souffre de manière insupportable », affirme le rapport.
• Cas de démence. Une femme de près de 70 ans montrant les symptômes d’un début d’Alzheimer. A la suite d’une opération à la hanche et un épisode de délire la maladie a progressé beaucoup plus vite : elle ne fonctionnait plus de façon autonome, perdait ses capacités cognitives et perdait le contrôle de son esprit. Elle avait le sentiment de perdre sa personnalité et de ne plus avoir prise sur la réalité. Elle a commencé à demander l’euthanasie pour être sûre de ne pas se trouver dans un état où elle n’aurait plus conscience de la réalité, ni même de sa maladie. C’est la peur de cette situation qui a constitué la « souffrance insupportable ». Elle était encore en mesure de comprendre ce qu’était la démence. Euthanasie : OK.
• Cas d’un cinquantenaire atteint de la démence de Lewy Body – mouvements incontrôlés et dégradations des capacités cognitives – qui n’avait aucune perspective d’amélioration. Il souffrait d’hallucinations et d’insomnies, et était conscient de la dégradation de son état. Il ne voulait en aucun cas de retrouver en maison de soins. Il a exprimé son désir d’euthanasie en précisant au médecin à quel stade précis de dégradation il voulait être piqué. Une consultation de spécialiste, quinze jours avant sa mort, lui permit de dire que son état lui causait beaucoup de tristesse ; réactions lentes, paroles hachurées, peu de contact visuel. Il avait conscience de plus pouvoir faire de voiture ou de moto. Il ne voulait pas ne pas reconnaître femme et enfants. Il estimait indigne de souffrir d’impulsions qu’il ne pouvait plus maîtriser. Le médecin a jugé qu’il souffrait assez pour être euthanasié ; la commission a estimé que le médecin s’en était enquis de manière suffisamment sérieuse pour le justifier.
• Cas d’une sexagénaire atteinte d’Alzheimer qui après 5 ans de relative légèreté, avait progressé rapidement à la suite d’un épisode épileptique. Elle se savait malade, et ayant travaillé dans un centre pour déments, ne voulait en aucun cas être mise dans une telle institution, récusant de telles suggestions avec violence et tristesse. Elle a indiqué qu’il y avait du chaos dans sa tête et qu’elle avait le sentiment d’être prisonnière d’un corps étranger. Ne reconnaissait souvent ni mari ni enfants, son intelligence tournait en roue libre. Son neurologue a estimé qu’elle ne souffrait pas de dépression. Le placement en institution devenait inévitable, mais son médecin a parlé d’un testament de fin de vie rédigé 6 ans plus tôt, un an après une première conversation sur l’euthanasie ; demande réactualisée 2 ans avant sa mort. Sa situation s’est ensuite dégradée de manière à ne plus lui permettre d’exprimer pleinement sa volonté. Seule revenait l’idée qu’elle préférait mourir que d’aller en institution. Le côté insupportable de la souffrance a été jugé établi par les émotions montrées par la patiente qui ne pouvait plus les exprimer en paroles. A partir du contexte, du testament de fin de vie et des conversations entourant la signature de celui-ci on a jugé qu’elle était alors très probablement en mesure d’exprimer sa volonté. Lors de la visite d’un second spécialiste elle répétait : « Je ne veux pas partir d’ici, je ne veux pas devenir complètement démente ! » Le consultant a jugé qu’en ce qui concernait la maison de soins et la démence elle était encore en état d’exprimer sa volonté. Le refus répété de quitter sa maison et l’indication qu’elle préférait mourir, exprimée en mots et par le langage du corps, ont été pris en compte par le médecin le jour où il a pratiqué l’euthanasie. Euthanasie : OK.
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