Dans un entretien au quotidien La Croix, le cardinal-archevêque de Lyon, Primat des Gaules, se montre un père pour ses frères, primus inter pares, le premier d’entre eux. En effet, il donne des conseils fraternels aux autres évêques du pays, en vue des prochains évènements, à commencer par les visites ad limina, à Rome. Du 20 au 29 septembre, aura lieu la visite ad limina des évêques des provinces de Rennes, Rouen, Poitiers, Tours et Bordeaux. Alors que le journaliste Frédéric Mounier lui demande ce qu’il va demander au Pape, le cardinal Barbarin répond adroitement sur ce que le pape va apporter aux évêques :
“Il va nous aider à trouver l’harmonie entre la nature institutionnelle de l’Église, dont nous ne devons pas rester prisonniers, et tout ce qui nous tire vers l’avant. Il faut laisser naître et grandir des initiatives mais aussi discerner : tout ce qui est nouveau n’est pas bon. Il ne faut pas déchirer le tissu ! Quels critères adopter pour faire ce discernement ?”
Et refusant de mettre la tête dans le sable, il ne cache pas les difficultés que connaissent de plus en plus de diocèses en France :
“en France, il y a de nombreux diocèses en grande difficulté et quelques-uns en pleine vitalité. Je souhaite que les évêques se parlent comme des frères et que les diocèses s’entraident. Nous formons une même famille. On ne peut pas laisser 80 % du territoire devenir un désert. Comment arriver à partager nos forces et à rebattre les cartes pour donner des chances à tout le monde ? Le pape peut nous aider à aborder ensemble ces sujets difficiles.”
Plutôt que de sombrer à son tour dans les solutions destructrices de paroisses, par des regroupements forcés, le cardinal émet une idée de bon sens à propos de l’incardination des prêtres :
“Pour un homme de 30 ans qui devient prêtre aujourd’hui, être incardiné quelque part, c’est bien. Mais cela ne doit pas signifier enfermer son horizon aux limites d’un seul diocèse. Il faut de la respiration, de la mobilité. Vatican II, dans le décret Presbyterorum ordinis (§ 10), demande que cela soit revu. Il nous revient d’y travailler ensemble. Un homme jeune qui donne sa vie doit avoir des perspectives pastorales attirantes devant lui. C’est au Seigneur et à l’Église qu’il donne sa vie, pas à un territoire. Moi, prêtre de Créteil, j’ai été envoyé à Madagascar, et je suis revenu heureux et enrichi, puis dans le Bourbonnais, lorsque j’ai été nommé évêque. On pourrait imaginer, au niveau d’une province, davantage de circulation et de collaboration fraternelle. Bouger, élargir l’horizon… ça fait toujours du bien.
Enfin, le cardinal ne se désintéresse pas des graves questions politiques qui nous menacent :
“Je sais bien que le Parlement a le pouvoir de changer les lois définissant le sens du mariage, mais je pose la question de savoir s’il est légitime de décider de tout, de changer le sens des mots… […] Nous pouvons, nous devons peut-être, interpeller nos responsables. N’est-il pas dangereux de se mettre à redéfinir l’homme, la femme, le mariage… ? De même, on voudrait pouvoir supprimer la vie parce qu’elle ne vaut plus la peine d’être vécue, parce qu’elle coûte trop cher, parce qu’on se demande à quoi elle sert… On invoque le désir de la personne, qui veut elle-même se supprimer. Mais le jugement d’une personne sur sa propre vie ne peut pas être la référence absolue. En outre, je ne vois pas comment on peut inscrire dans la loi le droit de faire mourir autrui.”