Sous le titre « Subsidiarité, solidarité et mission du laïc », Mgr Robert Morlino, évêque de Madison (Wisconsin), a consacré son éditorial paru hier à midi (heure locale) dans The Catholic Herald, l’organe officiel du diocèse, à rappeler, en prenant de la hauteur, sa position sur le député catholique Paul Ryan qui a été choisi samedi dernier par Mitt Romney pour être son colistier. Je n’ignore pas qu’en qualité de principal auteur du projet de budget de la Chambre des Représentants des États-Unis, Paul Ryan a été violemment attaqué par certains secteurs catholiques et même par des évêques américains sur sa politique budgétaire. Tout cela m’est bien connu et est bien connu des lecteurs réguliers de ce blogue – je ne parle pas des visiteurs occasionnels, dilettantes et controuveurs qui croient toujours en savoir plus sans jamais s’être donné la peine de travailler les dossier : j’en ai récemment remis un à sa place. Bien sûr, les critiques de catholiques “progressistes” ont été pourfendues par d’autres catholiques plus “conservateurs”, et les évêques hâtivement critiques ont été à leur tour critiqué par d’autres évêques qui ont publiquement regretté les préjugés de leurs confrères dans l’épiscopat. Tout cela vient, en fait, d’un schéma inventé par le progressisme et qui est devenue un fil du temps une idée reçue et rarement discutée : les Républicains – la “Droite” – sont les amis des riches et les ennemis des pauvres, tandis que les Démocrates – la “Gauche” – seraient les amis des pauvres et les ennemis des riches. Ce simplisme éculé à la vie dure… Mgr Morlino a donc pris la peine d’expliquer un certains nombre d’évidences dans cet éditorial, avec un droit d’autant plus évident qu’il est lui l’évêque diocésain de Paul Ryan, qu’il le connaît personnellement et que le député s’entretient régulièrement avec son évêque… Ecoutons donc de qu’il a à nous dire – car ce qu’il dit intéresse évidemment au premier chef les Américains et plus particulièrement les baptisés catholiques qui ont le devoir de se forger un jugement correct en matière politique et électorale, mais aussi les catholiques français qui, bien que placés dans un autre contexte, doivent affronter des problèmes similaires voire identiques. Voici donc ma traduction de ce très intéressant éditorial.
Chers amis,
je n’ai pas été du tout choqué d’apprendre que notre fils né dans ce diocèse, Paul Ryan, avait été choisi pour être le candidat à la vice Présidence des États-Unis. Je suis fier de ses réussites comme fils né ici et frère dans la foi, et mes prières lui sont acquises ainsi qu’à sa famille qui doit supporter les incroyables exigences d’une campagne présidentielle [comme elle se déroule] ici aux États-Unis. Il ne revient pas à un évêque ou à des prêtres de soutenir des candidats particuliers ou des partis politiques. Tout effort d’un évêque ou de prêtres visant à le faire devrait être ignoré. Et vous pouvez être assurés qu’aucun prêtre qui soutiendrait un programme partisan ne pourrait dire agir en union avec moi ou avec l’Église universelle.
Le rôle des évêques et des prêtres est d’enseigner les principes de notre foi, de telle sorte que ceux qui sollicitent des mandats électifs, s’ils sont catholiques, ont le devoir de former leur conscience selon ces principes dans toutes les questions politiques particulières.
Toutefois, la formation de la conscience pour ce qui est des questions politiques particulières dépend de la manière dont nous estimons fondamentales l’écologie de la nature humaine ou la foi catholique sur un problème particulier. Voici quelques uns des plus fondamentaux problèmes pour la formation de la conscience : le caractère sacré de la vie humaine de la conception à la mort naturelle, le mariage, la liberté religieuse et la liberté de conscience, et le droit à la propriété privée.
Leurs violations induit un mal intrinsèque, c’est-à-dire un mal qui ne saurait jamais être justifié d’aucune manière. Ces maux sont exemplaires de la pollution directe de l’écologie de la nature humaine et peuvent être discernés comme tels par le seul usage de la raison humaine. Ainsi, toutes les personnes de bonne volonté qui souhaite suivre la raison humaine devraient déplorer toutes et chacune des violations dans les domaines précités, sans exception. Les violations seront : l’avortement, l’euthanasie, le suicide médicalement assisté, le mariage entre homosexuels, le laïcisme imposé par l’État et le socialisme.
Là où le mal intrinsèque n’est pas impliqué.
Dans ces questions des plus fondamentales, une conscience catholique convenablement formée, ou la conscience convenablement formée d’une personne de bonne volonté, suivra tout simplement les conclusions exigées par l’écologie de la nature humaine et le processus de raisonnement. Une conscience catholique ne peut jamais s’offenser de la prohibition d’actions qui sont intrinsèquement mauvaises. Une conscience bien formée par la raison ou la foi catholique ne pourra pas davantage voter pour quelqu’un qui clairement, systématiquement et avec persistance promeut ce qui est intrinsèquement mauvais.
Toutefois, une conscience bien formée conformément à la raison ou à la foi catholique, doit aussi faire des choix dans lesquels le mal intrinsèque n’est pas impliqué. Comment prendre au mieux soin des pauvres est probablement le meilleur exemple actuel sur cette question, bien qu’un autre pourrait être comment s’y prendre au mieux pour créer des emplois en un temps où ils sont si nombreux ceux qui souffrent des ravages du sous-emploi. Dans des questions comme celles-là, là où le mal intrinsèque n’est pas impliqué, les principes rationnels de subsidiarité et de solidarité entrent en jeu. Le principe de solidarité, exprimé succinctement, signifie que chaque être humain sur la surface de la terre est mon frère et ma sœur, mon “prochain” au sens biblique. En même temps, la meilleure manière, éprouvée par le temps, d’aider nos prochains dans le monde entier serait de suivre le principe de subsidiarité. Cela veut dire que le problème qu’on a sous la main devrait être traité au plus bas niveau possible, c’est-à-dire au niveau le plus proche des gens dans le besoin. Cela, encore une fois, est simplement la loi de la raison humaine.
On peut ne pas être d’accord sur une application.
Quand on considère les problèmes comme les deux évoqués plus haut et qu’on cherche à appliquer les principes de subsidiarité et de solidarité, des catholiques ou des personnes de bonne volonté pourront aboutir à des conclusions différentes. Ce sont des conclusions sur les meilleurs moyens de promouvoir l’option préférentielle pour les pauvres, ou sur les meilleurs moyens d’atteindre un bas pourcentage de chômage dans l’ensemble de notre pays. Personne ne conteste ici le droit de chacun à la satisfaction des besoins fondamentaux que sont la nourriture, les vêtements, un toit, les soins médicaux, etc. Personne ne conteste aussi le droit au travail pour subvenir à ses besoins et à ceux de sa famille. Cependant, on peut avoir des différences d’appréciation sur la manière de suivre au mieux les principes que l’Église propose.
Prendre des décisions en vue des meilleures stratégies politiques, des meilleurs moyens politiques pour atteindre un but, c’est la mission des laïcs, pas celle des évêques ou des prêtres. Comme le pape Benoît XVI l’a lui même déclaré, une société juste, un État juste c’est l’objectif de la politique, pas celui de l’Église. Et par conséquents, les laïcs, hommes et femmes, qui sont familiers des principes commandés par la raison humaine et l’écologie de la nature humaine, ou les non catholiques qui sont également liés par ces mêmes principes, peuvent arriver à des conclusions qui diffèrent sur les meilleurs moyens d’appliquer ces principes, autrement dit : la « mission des laïcs » pour les catholiques.
Il ne m’appartient pas, et il n’appartient à aucun évêque ou prêtre, d’approuver les prescriptions budgétaires particulières du député Paul Ryan pour trouver les meilleurs moyens dont nous avons parlé. La où des maux intrinsèques ne sont pas impliqués, les choix politiques particuliers et les stratégies politiques relèvent du domaine de la mission du laïcat catholique. Mais, comme je l’ai dit, le candidat à la vice Présidence Ryan est conscient de la Doctrine sociale de l’Église et il est très attentif à façonner et à former ses conclusions conformément aux principes mentionnés ci-dessus. De cela, je n’ai aucun doute (je mentionne cela par obéissance à la loi de l’Église concernant le droit de chacun à une bonne réputation [Can. 220 – Il n’est permis à personne de porter atteinte d’une manière illégitime à la bonne réputation d’autrui, ni de violer le droit de quiconque à préserver son intimité]).
La paix et la réconciliation dans les mois qui viennent.
Évidemment, ce n’est pas moi qui ai choisi la date à laquelle a été annoncée la candidature à la vice Présidence de Paul Ryan et alors que j’exprime ma fierté pour sa personne et pour ce qu’il a réussi, j’ai cru qu’il était préférable d’aborder la discussion des questions ci-dessus, plus tôt que trop tard. Aucun doute qu’il faudra revenir au commentaire de ces principes dans les jours qui viennent au profit d’une clarification ultérieure, et soyez assurés que je m’y emploierai.
Par dessus tout, implorons le Seigneur pour que les divisions dans notre électorat ne s’aggravent pas jusqu’à avoir une influence négative sur des divisions déjà préexistantes dans l’Église au cours de cette période électorale. Que la paix et la réconciliation qui découlent de la charité viennent sur chacun d’entre nous.
Merci de m’avoir lu. Que Dieu bénisse chacun d’entre vous ! Loué soit Jésus-Christ !
© Riposte Catholique pour la traduction.