Le dernier numéro de Correspondance européenne publie un article de Roberto de Mattei qui revient sur l’homélie prononcée par le pape Benoît XVI lors de la messe Chrismale le 5 avril dernier. Cette homélie a marqué plusieurs commentateurs par l’autorité avec laquelle le Pape en personne aborde la crise de l’Église. Le professeur de Mattei fait notamment ressortir une phrase de Benoît XVI, prononcée lors de cette homélie :
« La situation souvent dramatique de l’Église d’aujourd’hui »
Il s’agit, selon lui, du cœur de son intervention. Elle visait très clairement le mouvement des prêtres autrichiens qui appellent à la désobéissance. Ce mouvement s’insère d’ailleurs, comme le remarque Roberto de Mattei, dans un cadre plus large puisque le propre archevêque de Vienne, le cardinal Schönborn, qui fait parler de lui en ce moment en raison de son soutien à un homosexuel notoire, a eu comme vicaire générale Mgr Schüller, aujourd’hui « à la tête du mouvement des prêtres désobéissants de la Pfarrer-Iniziative ».
Et, ajoute le professeur de Mattei, le rôle joué aujourd’hui par l’archevêque de Vienne l’a été longtemps par l’archevêque de Milan, le cardinal Martini :
« Dans son livre, intitulé Credere e conoscere (Croire et Connaître), écrit Roberto de Mattei, le cardinal Martini, présenté par le journaliste comme l’“une des plus grandes autorités spirituelles de notre temps”, affirme que le comportement homosexuel “ne doit être ni démonisé ni ostracisé”. “Je crois que la famille doit être défendue (…). Toutefois, il n’est pas mauvais qu’à la place de rapports homosexuels occasionnels, deux personnes aient une certaine stabilité et, par conséquent, en ce sens, l’État pourrait aussi les favoriser. Je ne partage pas les positions de ceux qui, au sein de l’Église s’insurgent contre les unions civiles. Je soutiens le mariage traditionnel avec toutes ses valeurs et je suis convaincu qu’il ne faille pas le remettre en question. Mais si certaines personnes de sexe différent, ou même de même sexe, souhaitent signer un pacte pour donner une certaine stabilité à leur couple, pourquoi vouloir absolument que cela ne soit pas ?” (“Corriere della Sera” du 23 mars 2012) ».
Cependant, l’enjeu aujourd’hui n’est pas seulement moral ; la crise au sein de l’Église est beaucoup plus étendue. Le motu proprio Summorum Pontificum permet, selon une pédagogie de la lenteur propre à toute reconstruction, d’insérer à nouveau dans l’Église le sens de la liturgie catholique. L’Usus antiquior s’installe dans le paysage catholique et sa présence touche jusqu’à la célébration de la messe selon la forme moderne. En Espagne, par exemple, voici comment don Miguel Angel Barco a célébré pendant la Semaine Sainte.
À Rome, l’ordination de diacres du Collège Irlandais pour les diocèses de Armagh, Clogher et Derry s’est effectué en recourant à des vêtements liturgiques traditionnels. C’est peu ; ce n’est pas assez encore ; mais le chemin emprunté est le bon.
Je sais bien que les derniers nouvelles touchant l’Institut du Bon-Pasteur (IBP), avec le texte qui circule sur Internet de la conclusion de la visite canonique (mis en circulation selon certaines rumeurs par des opposants français à l’action de Mgr Fellay… tout n’arrive pas au hasard !) tempère cet optimisme. Nous ne sommes effectivement pas dans un monde de bisounours et il y a bien un combat qui est engagé (mais voulons-nous le gagner vraiment ?). Mais, dans ce cas, il faut aussi savoir distinguer entre l’incompétence de certains et les difficultés propres à une congrégation, lesquelles n’ont pas à voir directement avec leur attachement à la Tradition.
En revanche, il est certain qu’il reste encore un chemin important à faire en matière doctrinale. Certes la déclaration Dominus Iesus, signé en 2000 par le cardinal Ratzinger, a corrigé le flou interprétatif entourant le « subsistit in » contenu dans la constitution dogmatique Lumen Gentium. Un travail similaire reste encore à effectuer pour d’autres passages de Vatican II et l’on aurait pu penser que la méthode utilisée par le cardinal Ratzinger vis-à-vis de Lumen Gentium – c’est-à-dire des déclarations précisant et corrigeant au besoin des éléments flous – serait utilisée par le Pape Benoît XVI. Cela n’a pas encore été le cas.
Jeudi prochain, le Saint-Père fêtera le septième anniversaire de son élection au suprême pontificat. Si cet anniversaire offrait l’occasion d’un accord doctrinal avec la Fraternité Saint-Pie X, Benoît XVI pourrait peut-être passer à cette seconde phase de précision doctrinale qui marquerait les dernières années de sa présence sur le Siège de Pierre. Dans ce sens, l’Année de la Foi serait aussi une période tout indiquée pour commémorer Vatican II tout en le corrigeant.