Dans un long texte publié sur le site du diocèse d’Avignon, Mgr Jean-Pierre Cattenoz veut “alerter tous les hommes de bonne volonté, sur plusieurs points de la campagne électorale qui portent sur des « principes non négociables » pour l’avenir de notre société“. Il explique ainsi que “il y a des « principes non négociables » sans lesquels toute société court à sa ruine et l’histoire montre combien les fins de civilisations se répètent avec leurs lots de dépravations, de barbarie et de décomposition de l’homme dans sa dignité d’homme.” Ces principes non négociables, sur lesquels nos évêques, à la suite du Pape, insistent de plus en plus (respect de la vie, promotion de la famille, liberté éducative) sont au fondement de la société. Cela signifie que, s’il existe bien d’autres problèmes (pauvreté, insécurité, désespoir…), il est illusoire de croire qu’il sera possible de résoudre ces problèmes si, à la base, les principes non négociables sont bafoués.
Croire que l’on peut ainsi résoudre le problème du mal-logement en France sans s’attaquer à sa cause première, à savoir l’explosion de la famille, la croissance des divorces et des séparations, c’est se fourrer le doigt dans l’oeil jusqu’au nombril. Et Mgr Cattenoz explique :
“Le nombre de séparations et de divorces s’accroît, rompant l’unité familiale et créant de nombreux problèmes aux enfants, victimes innocentes de ces situations. La fragilité des foyers monoparentaux devient très inquiétante. La stabilité de la famille est aujourd’hui menacée ; pour la sauvegarder, il ne faut pas avoir peur d’aller à contre-courant de la culture ambiante. Les diverses formes de dissolution du mariage, comme les unions libres ou les mariages à l’essai jusqu’au pseudo-mariage entre personnes de même sexe, sont l’expression d’une liberté anarchique qui se fait passer à tort pour une libéralisation de l’homme. Au contraire, reconnaître et soutenir l’institution du mariage est un des services les plus importants à apporter aujourd’hui au bien commun et au véritable développement des hommes et des sociétés, de même que la plus grande garantie pour assurer la dignité, l’égalité et la véritable liberté de la personne humaine. Malheureusement, bien des projets contenus dans les programmes électoraux sur le mariage, le divorce, l’adoption, tiennent certes compte des désirs des adultes, mais oublient l’intérêt des enfants. Le droit à l’enfant semble prendre le pas sur le droit de l’enfant. Comme le montre unanimement l’expérience, l’absence d’une maman ou d’un papa au sein d’une famille entraîne bien des obstacles dans la croissance des enfants. Comment des enfants, insérés dans des unions homosexuelles où manquent la bipolarité sexuelle et l’expérience de la paternité et de la maternité, pourront-ils grandir et mûrir humainement sans porter les séquelles de cette absence ? Comment assurer l’équilibre de la structure psychologique sexuelle de l’enfant dans un couple où il n’y a qu’un sexe ? La crise des banlieues a mis en lumière que la majorité des jeunes en difficultés sont issus de familles humainement et socialement fragilisées. L’affaiblissement de la cellule familiale est une des causes majeures des difficultés des jeunes. La crise de la famille est une cause directe du mal être des jeunes.”
Et ainsi, l’archevêque d’Avignon en vient à parler de la crise actuelle, qui ébranle notre système, et il en déniche la cause :
“la crise que nous traversons n’est pas d’abord économique, mais elle touche le cœur même de l’homme et de la société. L’économie est au service de l’homme et non l’inverse. Le droit au travail, le droit à sa juste rémunération, l’accès aux soins, l’accès à la culture relèvent de la justice, mais ils ne trouveront leur juste place dans la société sans une prise de conscience des conséquences de l’individualisme et de l’égoïsme dans le cœur de l’homme. Les racines de notre société sont chrétiennes : toute vie en société est impossible si elle n’est pas fondée sur l’amour. Aujourd’hui encore, cette dimension essentielle de la vie de l’homme demeure indispensable pour construire notre monde. Depuis trente ans, le droit consacre l’individualisme des droits. Le droit qui dicte et façonne les normes sociales, privilégie l’individu et la vie privée, il voudrait que les choix affectifs de chacun n’aient aucune conséquence sur les enfants et sur la vie civique, économique et sociale. Dans notre culture, la liberté de l’individu est exacerbée, comme si l’individu, sujet autonome, se suffisait à lui-même. Beaucoup voudraient organiser la vie sociale seulement à partir des désirs subjectifs et changeants des personnes, sans référence à une vérité objective, en particulier la dignité de tout être humain au service de laquelle les responsables de notre société doivent se mettre. Ainsi naissent et prospèrent au gré des gouvernements, des politiques à caractère social destinées à pallier les effets de cet individualisme qui gangrène la société. Cette conception individualiste de la société soumet notre pays aux dérives d’une opinion aux repères brouillés et aux groupes de pression qui pèsent de tout leur poids en cette période électorale.
Au nom de l’Évangile, je veux défendre la vie, l’évangile de la vie. Je ne peux fermer les yeux devant tant d’hommes et de femmes aujourd’hui en France qui se sentent blessés, exclus, mis sur le bord de la route pour de multiples raisons personnelles, économiques, sociales, politiques ou même religieuses.”
Bonjour à tous,
Je fais suite à une récente remarque, le 5 avril, dans “Face aux chrétiens”, du Cardinal Vingt-Trois :
” Pour « négocier », il faut être plusieurs. Je ne vois pas bien qui sont les partenaires dans ce cas. L’électeur ne négocie pas, il vote pour ou il vote contre. Comme Conférence épiscopale représentant l’Église en France, nous avons posé treize thèmes de discernement, des aspects de la vie des hommes qui sont pour nous plus importants, et par rapport auxquels nous conseillons les électeurs de se déterminer. ”
Je propose ou suggère, à toutes fins utiles, que l’on parle plutôt de principes non adaptables ni ajustables, ou non modifiables ni modulables, ou non “transgressables”, ou, de préférence, de “principes intangibles et inviolables”.
Pour une fois, je suis d’accord avec Monseigneur Vingt-Trois : c’est vrai, en la matière, qui négocie ou négocierait quoi avec qui ? Le pouvoir exécutif avec le pouvoir législatif ? L’un et l’autre, plus ou moins unis, avec les lobbies, économiques et sociaux et / ou intellectuels et moraux ? Les pouvoirs exécutif et législatif et les divers lobbies avec le monde associatif représentant la société civile ? Mais sur quelles bases et dans quel cadre ?
Par ailleurs, faire entendre qu’il y a des principes non négociables revient à laisser entendre qu’il y a des principes négociables, ce qui pourrait très bien être objecté à ceux qui mettent en avant les principes non négociables.
Je comprends bien quel est l’avantage qui réside dans le fait de recourir à l’expression principes non négociables : dans un monde dans lequel presque tout est ou semble “négociable”, cela met en avant le fait qu’il y a encore, par dessus tout, et plus que jamais, des principes que je préfère qualifier “d’intangibles” ou “d’inviolables”.
Mais en fait, ce qui est, le plus souvent, “négociable”, au coeur de ce monde, qui ressemble de plus à une “structure de péché”, comme disait Jean-Paul II, dans le chapitre 5 de Sollicitudo Rei Socialis, ce qui est “négociable”, ce ne sont pas des principes, ce sont des ambitions personnelles, des convictions subjectives, des positions tacticiennes, des intérêts égoïstes, individuels ou collectifs.
Il va falloir que les catholiques redécouvrent le sens de l’intransigeance chrétienne : la miséricorde est due aux personnes pensant et vivant dans l’erreur, mais elle n’est pas due aux principes dénonçables, car erronés, qui sont à l’origine de ces erreurs, ni aux pratiques déplorables qui sont les conséquences de ces principes.
L’autre avantage que je vois dans le recours à une expression telle que “principes intangibles et inviolables” est le suivant : sa mise en avant dans l’espace public devrait permettre de prendre conscience du fait que les ennemis de la loi naturelle et / ou de la foi catholique sont porteurs, eux aussi, de principes intangibles et inviolables, mais voilà, non seulement ce ne sont pas les mêmes, mais en plus, ils sont incompatibles et inconciliables avec ceux découlant de la loi naturelle et / ou de la foi catholique.
Je n’en appelle pas à une “guerre sainte”, dans l’esprit public, dans le corps social, mais j’en appelle à l’ouverture des yeux des catholiques sur le fait suivant : la logique qui prévaut souvent, dans les faits, depuis cinquante ans, est la logique, pour ainsi dire, de la “déploration dans la timidité”, dans le cadre de laquelle on a souvent dénoncé le moins possible les principes erronés, tout en déplorant le plus possible les abus, les excès, les pratiques qui en découlaient.
Cette logique a amplement contribué à la délégitimation et à la marginalisation de la parole publique officielle d’inspiration catholique explicite.
C’est un mythe qu’il nous dénoncer, et c’est à un mythe qu’il nous faut renoncer : c’est le mythe de l’incompatibilité “accidentelle”, “circonstancielle” ou “conjoncturelle”, “provisoire” ou “transitoire”, voire de la “convergence” “potentielle” et “tendancielle”,
– entre les principes et les pratiques conformes, pour aller vite, aux trois concupiscences, et à l’esprit du monde,
– et les principes intangibles ou inviolables découlant de la loi naturelle et / ou de la foi catholique.
En un sens, c’est ce mythe, et pas autre chose, qui constitue l’hérésie du XX° siècle, appliquée à la morale, qu’il s’agisse de la morale politique et sociétale, ou de la morale domestique et familiale.
Il va falloir que nous précisions et rappelions, à nous-mêmes puis aux autres, que le christianisme catholique, dans ses principes mêmes,
– n’est pas compatible ni conciliable avec le consensus libéral-libertaire, sensualiste et techniciste, faussement libérateur, vraiment asservissant,
– mais est, bien au contraire LE dissensus qui éclaire et qui libère, le dissensus incarné, incarné en Jésus-Christ, et inspiré par l’Esprit, qui est Seigneur et qui donne la vie.
Bonne journée à tous.
A Z