Pendant plus de dix ans, Mgr Giudici, actuel évêque de Pavie, a été le vicaire général de l’archidiocèse de Milan, alors gouverné par le cardinal Martini, l’un des derniers dinosaures du progressisme. Ce n’est donc pas un hasard si, dans un entretien récemment publié en Italie, il est présenté comme le plus “martinien” des évêques d’Italie.
Au cours de cet entretien, Mgr Giudici enfile les perles du progressisme, de l’œcuménisme à l’inculturation de la liturgie, de la situation des couples de fait à celle des divorcés, sans oublier la nécessité de donner plus d’espace aux laïcs dans l’Église et la critique de la “ligne Ruini”, l’ancien président de la Conférence épiscopale italienne qui avait privilégié l’affirmation des valeurs chrétiennes et du dogme catholique à l’écoute des bruits du monde si chère au cardinal Martini et à son successeur, le cardinal Tettamanzi.
Bien entendu, Mgr Giudici ne se défile pas non plus quand il s’agit de critiquer la réconciliation liturgique voulue par Benoît XVI. Voici donc, en direct du Jurassic Park des prélats de la pastorale de l’enfouissement, quelques lignes pour se rappeler le bon vieux temps du progressisme béat et sûr de lui.
Avec la libéralisation du missel tridentin, le pape Benoît XVI essaie de réduire le schisme avec les lefebvristes. Partagez-vous l’esprit du motu proprio Summorum pontificum de 2007 ?
Mgr Giudici : La lettre adressée par le pape aux évêques nous invitait à une attention et à un accueil majeurs de ceux qui avaient connu l’époque de la messe en latin. Et beaucoup d’entre nous, selon les circonstances, ont offert à ceux qui le demandaient l’opportunité de liturgies selon le missel de Pie V. Mais le motu proprio a changé certains aspects de cette demande du pape.
Que s’est-il passé ?
Mgr Giudici : Désormais, en vertu du motu proprio, quiconque peut demander de célébrer la messe dans la liturgie de Pie V et chaque prêtre est tenu de répondre positivement à la demande. Cela implique une certaine pression pour des prêtres déjà bien occupés par ailleurs. En outre, il devient possible de célébrer la liturgie de Pâques avec le rite de Pie V dans des paroisses où le Triduum pascal se célèbre déjà avec le missel de Paul VI.
Vous êtes perplexe ?
Mgr Giudici : Je me demande seulement quel sera l’avantage pastoral et spirituel que nous retirerons d’un style de prière qui se ressent de l’individualisme religieux caractéristique de l’époque à laquelle le missel de saint Pie V a été composé, avec le célébrant qui prie en tournant le dos à une assemblée facilement passive durant la liturgie.
Si besoin est, rappelons :
– que le motu proprio Summorum Pontficum est un don pour l’Église universelle comme le proclame l’instruction Universæ Ecclesiæ du 30 avril 2011. Dans la lettre du pape aux évêques du 7 juillet 2007, que cite Mgr Giudici mais qu’il semble avoir lue avec des œillères, Benoît XVI indiquait d’ailleurs très clairement vouloir répondre aussi au désir des « personnes jeunes » qui découvraient cette forme liturgique, « se sentaient attirées par elle et y trouvaient une forme de rencontre avec le mystère de la Très Sainte Eucharistie qui leur convenait particulièrement »,
– que le motu proprio peut difficilement changer les aspects d’une lettre qui accompagne sa publication, mais, au contraire, permet de mieux la comprendre.
Comment, en outre, ne pas demeurer éberlué en entendant un prélat réduire la célébration du saint sacrifice de la messe – occasion sans cesse renouvelée , pour le célébrant comme pour les fidèles, de rencontrer le Christ dans le mystère eucharistique – à une charge de travail supplémentaire pour un prêtre ? Quant aux avantages pastoraux et spirituels de la liturgie tridentine, des générations de saints, de missionnaires, de pieuses traditions populaires et de trésors artistiques témoignent en leur faveur. Mais Mgr Giudici, qui voit en la Contre-Réforme une période d’ « individualisme religieux » et méconnaît les raisons de la célébration “ad orientem” comme la réalité de la ferveur des fidèles qui y participent, semble incapable de le percevoir.
Nous nous contenterons donc d’inviter « le plus martinien des pasteurs italiens » à relire avec attention la lettre que Benoît XVI lui a effectivement adressée, comme à tous les évêques du monde, le 7 juillet 2007, et à s’arrêter quelques instants sur cette invitation du saint-père :
Il est bon pour nous tous, de conserver les richesses qui ont grandi dans la foi et dans la prière de l’Église, et de leur donner leur juste place.
On ne va pas signaler son cas aux associations qui luttent pour la survie des espèces menacées de disparition. L’espèce est en voie d’extinction, ouf!!