Lorsque le Saint-Père propose un discours qui fait fond sur la nécessité impérative de lier les migrations avec l’évangélisation, il faut que les médias introduisent leur idéologie naïvement altérophile. Ça devient une habitude de déformer les messages du Pape. De l’extrémiste cathophobe (souvent gauchiste) au catholique mou (à tendance gauchisante), une même lecture superficielle. Nos journaux titrent, à propos de l’Angélus du 15 janvier 2012, de manière tout à fait interprétative : Benoît XVI affirme que « les immigrés ne sont pas des numéros, mais des personnes en recherche de paix », dans le journal La croix, ou encore Migrants et réfugiés ne sont pas des numéros !, dans – le pourtant excellent et neutre – Zenit. Sans compter le nombre de tweets du petit monde catholique sur internet qui titraient de façon tout à fait arbitraire : “Les communautés chrétiennes doivent accorder une attention particulière aux travailleurs migrants et à leurs familles“.
Je ne dis pas que cela est faux, mais cela est outrancièrement réducteur, et que cela dessert implicitement une opinion politique, en jouant sur la rapidité du flux d’information qui défilent sur internet. De là à manipuler les propos du Pape, il n’y a qu’un pas. Car le Pape ne parle jamais de l’accueil passif des migrants, comme le laisserait penser ces titres, mais d’un accueil actif et évangélisateur. Je suis bien désolé, chers journalistes, mais entre proposer l’Evangile et ouvrir les bras indistinctement à tous les migrants, il y a une sacré différence (une différence sacrée ?). Je vous le montre avec le texte de la journée mondiale des migrants et des réfugiés du 21 septembre 2011 :
Le discours commence avec saint Paul : «Annoncer l’Evangile en effet n’est pas pour moi un titre de gloire; c’est une nécessité qui m’incombe. Oui, malheur à moi si je n’annonçais pas l’Evangile !» (1 Co 9, 16). ; et se poursuit pas le mot d’ordre : « le moment présent appelle l’Eglise à accomplir une nouvelle évangélisation également dans le phénomène vaste et complexe de la mobilité humaine. » et non par un constat factuel sur les migrations de population qu’il faudrait accueillir.
Les migrations : une problématique humaine, éthique et religieuse
Car ce ne sont pas les migrations qui sont la Bonne nouvelle. Ne confondez pas. Bien au contraire, elles sont sources de difficultés, et pour les populations qui accueillent, et pour les migrants eux-mêmes. Je cite : « les migrations internes ou internationales, (…) ont produit un brassage de personnes et de peuples sans précédent, avec des problématiques nouvelles non seulement d’un point de vue humain, mais également éthique, religieux et spirituel.» ; plus loin : «Les migrant doivent se confronter à de nouveaux styles de vie et à des difficultés d’intégration ». Bref, rien à voir avec la grande fête multiculturelle que l’on voudrait nous vendre par ailleurs.
Le Pape ne s’adresse pas aux migrants de manière indistincte, mais de manière précise
1° D’une part les migrants chrétiens qui arrivent en Europe perdent bien souvent la foi, car « notre époque est marquée par des tentatives d’éliminer Dieu et l’enseignement de l’Eglise de l’horizon de la vie, tandis que progressent le doute, le scepticisme et l’indifférence, qui voudraient éliminer jusqu’à toute visibilité sociale et symbolique de la foi chrétienne.».
2° D’autre part, les migrants qui proviennent de pays non-chrétiens peuvent trouver une occasion de connaitre Jésus-Christ : “Des hommes et des femmes provenant de diverses régions de la terre, qui n’ont pas encore rencontré Jésus Christ ou ne le connaissent que de façon partielle, demandent à être accueillis dans des pays d’antique tradition chrétienne”
Il est aisé de comprendre en quoi l’immigration massive vers les pays européens “de souche chrétienne” est une aubaine pour l’Eglise. Souvent les paroisses de banlieue sont majoritairement remplies par des personnes d’origine étrangère, que les habituels paroissiens délaissent (pour cette même raison ?). C’est un fait. Et cela semble nécessiter cette remise au point, afin d’éviter un processus d’acculturation, préjudiciable aux pays qui accueillent comme à ceux qui sont accueillis, dans une perte totale d’identité pour l’un et pour l’autre.
Aussi, soyons « des porteurs infatigables de la Bonne Nouvelle », et non des optimistes béats ouverts à l’autre dans toute son étrangeté, auprès de nos« frères et sœurs réfugiés et migrants » dans nos pays, qu’il nous faut non pas aménager selon leurs réquisits et leur différence, mais dont il faut se saisir comme d’une opportunité pour maintenir le message chrétien à flot dans la société. Bref, d’être des accueillants actifs, au lieu d’être des victimes passives de la disparition du christianisme.
Merci Benoit XVI de n’être pas aussi naïf que nos chers médias !
© Vivien Hoch, pour Itinerarium
VOIR :
– L’immigration, ce que dit vraiment l’Eglise, par Ichtus, via Riposte catholique
– Discours de Benoit XVI pour la 98ème journée mondiale des migrants, 25, 10, 2011
– Benoit XVI met fin à un malentendu : les pays ont le droit de réguler leur immigration