Dans sa dernière lettre (à lire sur son site), Paix liturgique donne la parole au Padre Manuel María de Jesús. Celui-ci est un prêtre espagnol, auteur d’un ouvrage paru récemment dans son pays et intitulé : Summorum Pontificum, un problema o una risqueza ? (Summorum Pontificum, un Problème ou une Richesse ?) Le Père Manuel María de Jesús est aussi le fondateur d’une association privée de fidèles, la Fraternité du Christ Prêtre et de Sainte Marie Reine (Fraternidad de Cristo Sacerdote y Santa María Reina) d’où sont nés les Missionnaires de la Fraternité du Christ Prêtre et de Sainte Marie Reine, institut religieux féminin en formation, et les Frères de la Fraternité du Christ Prêtre et de Sainte Marie Reine, association cléricale publique dont il est le supérieur.
Né en 1962, ordonné prêtre en 1988, le Père Manuel María de Jesús n’avait jamais célébré la forme traditionnelle de la messe jusqu’au motu proprio Summorum Pontificum. Il l’avait certes rencontrée au monastère du Barroux et au séminaire de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre. Mais la publication du motu proprio lui a donné la possibilité d’une célébration assidue. Il raconte dans l’entretien qu’il a accordé à Paix liturgique le fruit de cette expérience :
Mon expérience est très positive et même, à certains égards, passionnante. J’ai parcouru le chemin de la découverte de ce trésor merveilleux qui nous était caché en compagnie des Frères de ma communauté mais aussi de mes paroissiens. Pour les plus anciens, ce fut une redécouverte et pour les plus jeunes une totale nouveauté.
Dans mes différentes paroisses, je n’ai jamais rencontré la plus minime aversion ou résistance envers la messe traditionnelle. Cela pourra en surprendre certains, mais c’est ainsi. Mes fidèles et moi, ensemble, avons vécu dans notre chair cette expérience que raconte l’évangile, celle du père de famille qui tire du trésor familial du neuf et du vieux (Mt 13:51). Ce père de famille fut pour nous Sa Sainteté Benoît XVI, qui nous révéla et mit à notre disposition ce merveilleux trésor, ancien mais toujours renouvelé, qu’est la liturgie bimillénaire de l’Église, authentique monument de foi et de piété.
Dans ma vie de prêtre, cela a représenté un enrichissement à tous les niveaux : doctrinal, prière, identification au Christ Prêtre et Victime, etc. Et en tant d’autres aspects qu’il ne convient pas d’approfondir aujourd’hui. J’en profite pour souligner une erreur : certains reconnaissent que la liturgie traditionnelle peut enrichir le prêtre qui la célèbre, mais la jugent préjudiciable aux fidèles qu’elle appauvrirait spirituellement en diminuant sensiblement voire en interdisant leur participation et leur compréhension de la liturgie ; je dois humblement dire que cela ne coïncide pas avec mon expérience, bien au contraire.
La célébration de la liturgie traditionnelle oblige le prêtre à accorder une attention pastorale plus grande aux fidèles, dans le sens de se consacrer davantage à leur formation doctrinale et spirituelle : une formation permanente reposant sur l’enseignement de ce qu’est la véritable actuosa participatio [participation active – NDLR] – à savoir une disposition intérieure de s’unir au Christ Victime par l’intermédiaire du prêtre qui, comme ministre du Christ et de l’Église, renouvelle et offre le Saint Sacrifice –; un plus grand soin apporté à leur formation liturgique et mystagogique [initiation à la compréhension spirituelle des sacrements, comme la pratiquaient les Pères de l’Église – NDLR]. De quel droit et sur quelle base pouvons-nous sous-estimer la capacité des fidèles à participer dignement et avec fruit à la liturgie bimillénaire de l’Église ? Il y a des fidèles peu cultivés et issus de milieux simples qui pourraient en remontrer à bon nombre de ceux qui se croient doctes. Des fidèles qui n’ont jamais mis les pieds dans une faculté de théologie mais qui connaissent par cœur le contenu de la foi, vivant avec une profondeur étonnante le mystère eucharistique par leur profonde union au Christ Prêtre, tirant de leur participation au Saint Sacrifice la force et l’inspiration pour s’offrir ensuite, dans leur vie quotidienne, comme hosties vivantes, saintes et agréables à Dieu.
Aujourd’hui, grâce à Dieu, les fidèles savent lire et peuvent suivre les textes de la Sainte Messe dans leur missel, pour s’associer plus parfaitement aux prières de la Sainte Liturgie. Cela exige une concentration et une attention plus grandes de celles de ceux qui se contentent d’écouter.
Par-delà bien des objections au Motu Proprio, on trouve plus d’idéologie que de raisons fondées.
L’entretien publié par Paix liturgique est très riche et montre combien le manque de demandes d’application du motu proprio Summorum Pontificum repose principalement sur un manque d’informations. Les canaux officiels et habituels de l’Église ont peu transmis cette possibilité auprès des fidèles, la réduisant le plus souvent à un geste envers la Fraternité Saint-Pie X.