Le comité d’experts chargé de veiller au respect de la Convention sur l’élimination de toutes les formes de discrimination à l’égard des femmes (connue sous son acronyme CEDAW), a sanctionné lundi le Pérou pour non-fourniture d’un avortement « thérapeutique » sur une fillette de 13 ans tombée enceinte en 2007 à la suite de viols répétés. La non légalisation de l’avortement au moins dans certains cas est ici ouvertement présentée comme une « violation des droits humains ».
Sans que rien dans la lettre de CEDAW n’oblige en quoi que ce soit les Etats signataires à prévoir une dépénalisation ou une fourniture d’avortements dans quelques circonstances que ce soit, l’agence onusienne crée ainsi une obligation à travers la décision de personnes qui imposent leur interprétation unilatérale du droit international. C’est un exemple typique de la tactique d’intimidation utilisée à l’égard des Etats qui refusent de se soumettre aux lobbies du féminisme et de l’avortement. On fait croire à l’existence d’un « droit coutumier » et interprétatif imaginaire pour les faire apparaître comme des hors-la-loi qui refusent les règles de la communauté internationale.
L’affaire L.C. c/ Pérou est à cet égard tout à fait caractéristique. Aux côtés de la petite jeune fille dont le destin tragique est aujourd’hui exploité pour la culture de mort se trouvaient le Center for Reproductive Rights ainsi que Promsex, un organisme de défense des « droits sexuels et reproductifs » basé au Pérou, qui ont soutenu et sans aucun doute financé l’affaire jusque devant le pseudo-tribunal de CEDAW.
Ce sont aujourd’hui ces organismes qui crient victoire et se réjouissent bruyamment d’avoir obtenu une compensation pour la petite jeune fille, marquée à vie par la tragédie qui l’a frappée.
Car – j’avais presque oublié de vous le dire – comme dans bien des affaires de ce type, celle qui a été choisie pour attirer l’intérêt des médias internationaux et faire avancer le faux droit à l’avortement est un de ces fameux « cas limite » que l’on utilise pour tenter d’ébranler les convictions les plus solides.
La petite L.C., donc, avait été violée pendant deux ans d’affilée par un voisin de 34 ans, avant de s’apercevoir de sa grossesse en 2007, selon un premier document mis en ligne en 2009 par le Center for Reproductive Rights. Habitant un quartier pauvre, elle avait même été violée sur une période de quatre ans par plusieurs hommes, affirme le compte-rendu de la décision publié par CRR hier.
C’est cela, en réalité, l’énorme tragédie de sa vie, la méconnaissance de sa dignité, l’abominable abus qui ne mobilise pas, semble-t-il, les chantres des droits de l’homme. Qu’on ait pu ainsi abuser d’elle pendant deux, voire quatre ans sans qu’il ne se passe rien est en réalité bien plus grave que le fait qu’elle soit tombée enceinte.
En découvrant sa grossesse, la jeune fille a tenté de se suicider en sautant d’un toit d’immeuble. Elle a survécu à sa chute mais elle était gravement blessée à la nuque. Des voisins l’avaient emmenée d’urgence à l’hôpital.
A en croire le compte-rendu fait par les lobbies qui l’ont défendue, les médecins ont constaté que la colonne vertébrale de L.C. était endommagée et qu’une opération d’urgence s’imposait pour aligner immédiatement les vertèbres. Mais du fait de son état de grossesse, ajoute le dossier, et bien que la loi péruvienne autorise l’avortement en cas de danger pour la vie ou la santé de la mère, et de grossesse résultant d’un viol, les médecins et les autorités se sont refusés à réaliser l’opération. Les proches de la fillettes réclamèrent un « avortement thérapeutique » mais leur demande fut rejetée.
Il y a dans cette affaire un élément qui paraît pour le moins curieux : en l’occurrence, si l’opération sur la colonne vertébrale entraînait un risque pour le fœtus mais était à ce point urgente et nécessaire, rien n’empêchait de la pratiquer même si elle pouvait avoir pour effet indirect et non voulu de causer la mort de l’enfant. Ça, c’est le point de vue catholique, qui n’oblige même pas à s’appuyer sur une loi qui, abusivement, autorise la mise à mort d’un enfant à naître en vue d’une fin en soi bonne, sauvegarder la santé de la mère.
Peut-être y a-t-il eu là erreur de jugement des médecins – mais elle porterait sur le refus d’une opération qui en soi, n’est pas un avortement.
Et peut-être pas. Car les détails médicaux de l’affaire ne sont évidemment pas disponibles et personne ne parle de rapports d’experts à propos de la suite.
Elle fut tout aussi dramatique. La fillette, du fait de la gravité de ses blessures, subit une fausse couche spontanée quatre mois plus tard. On l’opéra alors en expliquant que les chances de réussite seraient minimes. De fait l’opération ne fit quasiment pas d’effet et la jeune fille resta paralysée des quatre membres, et elle reste en fauteuil roulant.
Beaucoup de questions restent cependant ouvertes. Y avait-il une chance de sauver la jeune fille de la paralysie, même en l’opérant tout de suite alors qu’elle était enceinte ? Selon un médecin expert contacté par C-Fam en 2009, au moment où l’affaire était transmise à CEDAW selon une procédure quasi-judiciaire ouverte aux citoyens de pays signataires d’un protocole ancillaire, cela était douteux. Le Dr Edmundo Calva soulignait alors que les nerfs de la colonne vertébrale n’ont pas la capacité de se régénérer dès lors qu’ils ont été détruits.
L’état de santé de la fillette a-t-il été aggravé par le fait que des voisins l’ont transportée jusqu’à l’hôpital sans attendre des personnels de santé compétents ? Y avait-il seulement possibilité de disposer d’urgentistes qualifiés et ne serait-ce pas alors ce défaut qui a laissé le cas de l’enfant sans espoir ?
En quoi l’avortement thérapeutique aurait-il augmenté les chances de survie de la jeune fille ?
Y a-t-il eu raison précise – médicale – pour laquelle la chirurgie d’urgence n’a pas eu lieu ?
Autant de questions que les communiqués triomphalistes ne posent même pas.
On sait seulement que le Pérou se voit enjoindre de modifier sa législation sur l’avortement en cas de viol et d’agression sexuelle pour que les femmes puissent y avoir accès en s’abritant derrière une interprétation bien plus large, de mettre en place des mécanismes permettent dans les faits l’accès aux « services d’avortement » quand la vie ou la santé d’une femme est en danger, de mettre en place des services de « santé reproductive » pour les adolescentes.
Pour la jeune fille elle-même, CEDAW demande une compensation financière à la fois économique et morale, ainsi qu’une aide spécifique pour les soins qui pourraient lui permettre de recouvrer l’usage de ses membres.
Ce que les communiqués triomphalistes ne disent pas (il faut aller le lire sur C-Fam) c’est que les avis du comité de CEDAW ne lient nullement les Etats : ce sont précisément des avis. De fait une décision similaire a été rendue par l’organisme, également à l’encontre du Pérou condamnée en 2005 pour avoir obligé une adolescecnte, K.L., de mener à bien une grossesse alors que son bébé était anencéphale et qu’il est mort quatre jours après sa naissance. Il n’y a pas eu d’effet sur la loi péruvienne.
Mais le danger de l’avis de CEDAW est ici double. D’une part, celui – général – du message qu’il envoie de manière toujours plus insistante au monde : l’accès à l’avortement est un « droit humain » et les Etats sont juridiquement obligés de le mettre en œuvre, selon le principe du « Mentez, mentez, il en restera toujours quelque chose ». Et dans le cas particulier du Pérou, les récents changements à la tête de l’Etat laissent prévoir une utilisation de l’avis au service de la culture de mort : l’ex-ministre de la Santé, Oscar Ugarte, assure ainsi qu’il avait préparé une révision de la loi sur l’avortement thérapeutique que son gouvernement avait repoussé, mais le plan est prêt. L’avis de CEDAW pourra agir comme levier.