Je vois que la nouvelle commence à circuler : un film pro-vie, The Life Zone, du réalisateur-juge-candidat au poste de sénateur du New jersey Kenneth Del Vecchio, ne trouve pas de distributeur. Mais de vous à moi, je ne suis pas sûre que ce soit une mauvaise nouvelle.
Ce film d’horreur – Del Vecchio en a d’autres à son actif – a été présenté le week-end dernier au festival international de cinéma de Hoboken, fondé par… Del Vecchio soi-même. L’argument du film est simple : trois femmes ont été kidnappées dans des cliniques d’avortement et sont maintenues prisonnières, le temps de mener à bien leur grossesse et d’accoucher. Les longues nuits et journées de captivité seront ponctués de rêves terrifiants, de rencontres avec un geôlier prompt à les avertir des conséquences de leurs actes si elles refusent de coopérer, et de relations difficiles avec une obstétricienne, « Dr Wise », qui va leur imposer de réfléchir, pendant sept mois, au débat autour de l’avortement.
« Vous étiez, chacune d’entre vous, prêtes à commettre un meurtre », leur lance la gynécologue. « Vous avez commis un péché terrible », annonce le geôlier. Les trois femmes se retrouvent dans une atmosphère oppressante, une salle d’hôpital décorée de chromos de la Divine Miséricorde, de croix, de chapelets : à l’autre bout de la pièce, trois tables d’accouchement les attendent. De cette salle, elles ne sortiront pas tant qu’elles n’auront pas donné la vie, les avertit le médecin.
Peu à peu, de cauchemar en cauchemar, de hurlement en révolte, deux des jeunes femmes finissent par accepter qu’elles portent un enfant, et désirent lui donner la vie. La troisième, Staci, ne cessera d’exiger son « droit constitutionnel » à l’avortement, ne découvrant enfin le sentiment maternel qu’en acccouchant de jumeaux.
Alors, happy end ?
Non, loin s’en faut. Car à la fin du film – attention, je vous dis tout ce que je sais – on comprend que l’action s’est déroulée au purgatoire, les trois « héroïnes » étant toutes mortes au cours de leur avortement. Au purgatoire, leur accouchement est tout sauf une partie de plaisir… Les deux femmes qui ont fini par accepter d’elles-mêmes de donner la vie vont – suppose-t-on – au ciel.
La troisième, Staci, tente de se provoquer une fausse couche en se blessant elle-même. Elle est la forte tête qui s’opposera jusqu’au bout à ses geôliers. Comme elle ne reconnaîtra son tort d’avoir voulu avorter qu’au moment d’éprouver la joie physique de donner la vie et de voir ses enfants pour la première fois, elle apprend qu’elle est condamnée à une éternité de souffrance en enfer, où elle devra sans fin être enceinte et accoucher, sous la houlette du médecin Dr Wise (Blanche Baker) punie non moins éternellement pour s’être suicidée à la suite d’un divorce résultant de son incapacité à avoir des enfants. Par sa propre faute : on comprend qu’elle n’a pas suffisamment pris soin de son corps pendant sa vie terrestre pour pouvoir donner la vie.
Quant au geôlier, interprété par Robert Loggia, on apprend qu’il est en vérité le diable, le satan chargé d’informer les deux femmes de leur damnation.
On peine à imaginer comment un tel scénario peut porter le message pro-vie. Il ne nous appartient pas – et il n’appartient certainement pas à un réalisateur de cinéma – de distribuer des tickets pour l’enfer, de juger en somme. C’est l’absence de bienveillance, d’humanité, de rappel que le pardon est toujours possible qui est le ressort tragique de ce film d’horreur. Menacer de l’enfer est toujours dangereux sans rappeler en même temps l’infinie miséricorde de Dieu. La désespérance, on le sait bien, est la meilleure arme du démon : ce film la fomente, l’alimente, s’y complaît, s’y délecte.
On voit mal d’ailleurs comment il pourrait donner une image aimable du mouvement pro-vie.
Or celui-ci n’a de sens s’il n’est pas l’expression d’un amour vrai, et pour les enfants à naître, et pour leurs mamans.
Même et surtout pour celles qui passent à l’acte.
Ce ne sont pas des monstres à vouer aux flammes éternelles, mais des âmes qui ont besoin de retrouver le chemin de Dieu : non en niant la réalité de ce qu’elles ont fait, mais en montrant que la miséricorde divine est infiniment plus grande.