La Cour de cassation a rejeté, mercredi, le pourvoi de la famille Mennesson demandant l’annulation du refus d’inscription à l’état civil de leurs jumelles nées il y a 10 ans d’une mère porteuse, aux Etats-Unis. C’était une décision très attendue par le lobby de la « parentalité » homosexuelle, puisque, positive, elle aurait très largement ouvert la porte au tourisme de la « gestation pour autrui » aux couples gays.
Fait nouveau : le 8 mars dernier, le ministère public avait devant la plus haute juridiction requis en faveur de la demande de M. et Mme Mennesson. C’était la première fois qu’un représentant des pouvoirs publics recommandait ainsi la création d’une brèche dans l’interdiction française du recours aux mères porteuses, pratique qui continue d’être rejetée à la fois par l’Assemblée et le Sénat alors qu’ils examinent le projet de révision des lois bioéthiques.
Sylvie et Dominique Mennesson, « atterrés » alors qu’ils avaient contourné l’interdiction en toute connaissance de cause, ont annoncé qu’ils porteraient l’affaire devant la Cour européenne des droits de l’homme en invoquant, sans doute, comme le ministère public l’avait d’ailleurs fait, le droit au respect de l’intimité de la vie familiale garanti par la Convention européenne des droits de l’homme.
Leurs jumelles, Isa et Léa, ont été conçues avec les spermatozoïdes de Dominique Mennesson et des ovules donnés par une amie du couple ; la mère porteuse américaine chez qui elles ont été implantées a reçu pour son concours quelque 8 500 euros. Leur filiation à l’égard de Dominique et de son épouse a été établie selon le droit américain, et c’est cet acte – qui leur donne des droits et un statut – qui n’a pas été transcrit dans les registres français. Techniquement, les deux petites filles peuvent donc être considérées comme des sans-papiers.
Les juges de Cassation ont estimé « contraire à l’ordre public international français la décision étrangère qui comporte des dispositions heurtant des principes essentiels du droit français », mais a souligné que les enfants n’étaient pas pour autant « privées d’une filiation maternelle et paternelle que le droit étranger leur reconnaît, ni empêchées de vivre avec » leurs parents.
Le pathos déployé pour faire reconnaître ce qui ne pourra jamais dépasser le stade de la fiction juridique – Sylvie Mennesson ne sera jamais que la mère nourricière de ces fillettes – était bien exagéré. C’est bien triste pour cette femme qui a certainement beaucoup souffert de son infertilité ; et cela ne minimise en rien l’amour qu’elle apporte à ces enfants.
Il n’est pas interdit, en revanche, de souligner l’invraisemblable « soupe » dans laquelle se noient les origines de ces fillettes. Il n’est pas conforme à leur bien qu’elles puissent se considérer à la fois comme les filles de leur père et de son épouse, d’une Californienne qui les a portées, et d’une amie de la famille qu’elles connaissent ou non (on ne sait quelle est la solution la moins perturbante). Elles en demanderont peut-être des comptes plus tard.
Mais il est clair, quoi qu’en dise le couple et au-delà de son désir subjectif d’apparaître comme une famille en tous points comme les autres, que son action judiciaire dépasse largement le cadre de son foyer – qu’il le veuille ou non.
Car enfin, quitte à avoir passé outre à l’interdiction française en toute conscience, pourquoi ne pas contourner ensuite la loi pour obtenir une reconnaissance de paternité après une confirmation de filiation par l’ADN ? L’affaire eût été réglée au moins mal pour les enfants. Apparemment, ce n’était pas le but.
En attendant, plusieurs cours et tribunaux français, et même la Cour de cassation, ont reconnu des filiations à la suite de « gestations pour autrui » à l’étranger dans la mesure où l’un des membres du couple pouvait justifier d’une nationalité étrangère et des documents d’état civil étrangers établissant ces mêmes filiations.
La Cour de cassation en a décidé autrement pour les Mennesson parce qu’ils sont français.
Est-ce de la discrimination ? Les arguments futurs des partisans des « mères porteuses » porteront certainement là-dessus.
• Article paru dans Présent daté du 7 avril 2011.