Mardi prochain, 23 novembre, une chambre de la Cour européenne des droits de l’homme (5e section) examinera l’affaire Koch contre Allemagne, visant à faire reconnaître l’obligation pour les Etats du Conseil de l’Europe de permettre l’acquisition d’une dose létale de médicament en vue de fournir aux intéressés le moyen de se suicider.
L’affaire a été engagée par Ulrich Koch, de Braunschweig, homme de nationalité allemande dont la femme avait souhaité mourir après avoir fait une chute accidentelle depuis la marche d’entrée de sa maison en 2002. Presque entièrement paralysée, elle était sous ventilation artificielle et avait besoin de soins constants. Elle voulait « donc » – rapporte le communiqué de presse de la Cour européenne des droits de l’homme – mettre fin à ses jours et elle s’était adressée à l’Institut fédéral du médicament pour obtenir une autorisation qui la mette en mesure d’acquérir une dose létale de pentobarbital de sodium pour pouvoir se suicider chez elle.
L’Institut fédéral avait refusé au motif que son vœu de se suicider était contraire à la Loi allemande sur les narcotiques dont le but est d’assurer les soins médicaux nécessaires à la population par l’autorisation exceptionnelle d’accès à des drogues normalement interdites ou réglementées. Il s’appuyait explicitement sur le devoir de l’Etat de protéger la vie. M. et Mme Koch ont fait appel de la décision.
Entre-temps, le 12 février 2005, Mme Koch allait se faire suicider en Suisse dans une clinique Dignitas.
Le 3 mars suivant, l’Institut confirma sa décision de refus – un peu tard. Faisant preuve d’un véritable acharnement euthanasique, Ulrich Koch engagea une procédure visant à faire reconnaître l’illégalité du refus, et donc en creux la reconnaissance d’une obligation d’avoir eu à fournir l’autorisation demandée à sa femme. La cour administrative, fort logiquement, rejeta la demande au motif qu’il n’avait subi aucune violation de ses propres droits. Les divers appels et procédures devant la Cour constitutionnelle ont abouti à des décisions similaires, constatant qu’il ne détenait pas un droit posthume à la dignité humaine de sa femme ni de droit comme son héritier légal.
Que la Cour européenne ait jugé l’affaire recevable est à cet égard déjà étrange.
Lors de l’audience, mardi prochain, Ulrich Koch sera donc autorisé à soutenir que le refus opposé à sa femme a porté attainte à son droit au respect de sa vie familiale et privée, en particulier son droit à une mort digne, et que le refus à prote atteinte à son propre droit au respect de la vie familiale et privée dans la mesure où il a été « contraint » de prendre le chemin de la Suisse pour permettre à sa femme de se suicider.
Les implications de cette affaire sont importantes, puisque ce qui est demandé vise à assurer un droit général au suicide assisté, un droit d’accès, garanti par l’Etat, aux moyens nécessaires à l’accomplissement du suicide, et aussi le droit d’un hériter ou d’un ayant-droit d’une personne de se voir dédommagé en raison, non pas d’une non-assistance à personne en danger, mais d’une non-assistance au suicide de son proche.
Vu le contexte, il s’agit en même temps d’une tentative d’étape vers la reconnaissance d’un droit à l’euthanasie.