Dans un article de jeudi dernier, le 22 septembre, je faisais état de la « rumeur Pansard » : l’évêque de Chartres ferait partie des candidats potentiels pour le siège métropolitain du Poitou. Ce diocèse attend la nomination du successeur de Mgr Rouet depuis le 13 février. Les noms circulent. Le nonce consulte, pèse. Mais, il se pourrait bien, qu’à ce jour, rien ne soit encore réglé. Et les rumeurs se lèvent, circulent, enflent.
C’est au point que Mgr Pascal Wintzer, évêque auxiliaire de Poitiers, administrateur apostolique, s’est cru obligé de publier un communiqué, le 27 septembre, sur le site du diocèse, repris le 29 septembre par La Croix (et Isabelle de Gaulmyn, folle de rage que des sites osent braver le prêt-à-penser de La Croix, en profite pour fustiger les poubelles d’Internet, allant jusqu’à évoquer le souvenir de La Sapinière…), communiqué dans lequel il rappelait l’engagement conciliaire irréversible du diocèse. Tout le monde a compris, à Poitiers, qu’il se faisait l’écho de la peur panique qui anime les hommes d’appareil du lieu devant la perspective d’une nomination vraiment ratzinguérienne. En réalité, rumeurs, communiqué, ont pour ainsi dire valeur de « votes » de la part de ceux qui les diffusent.
Il faut dire que Mgr Rouet a laissé derrière lui de véritables champs de mines :
– Le fameux « décret paroisses », dont tout le monde a entendu parler : une équipe de cinq responsables, (femmes et hommes laïques) est constituée comme noyau d’une « communauté chrétienne de base », à laquelle se joignent dix à vingt autres personnes ; des « ministères reconnus » sont conférés par l’Évêque aux cinq principaux responsables laïcs ; un prêtre « accompagne » toutes les communautés de base d’un secteur donné mais laisse à chacune le soin de se prendre en charge.
– Une situation financière particulièrement tendue (les finances sont dans le rouge, car comme on le sait, les prélats de gauche sont fort dépensiers).
– Une équipe de régents diocésains particulièrement conciliaires, que l’administrateur, qui fut nommé pour tenter d’« équilibrer » Mgr Rouet, s’avère incapable de dominer.
L’abbaye bénédictine de Ligugé, principale communauté religieuse du diocèse, ne serait semble-t-il pas fâchée d’une nomination « recentrée ». Mais la tendance traditionnelle est très bien représentée dans le diocèse, et elle sait qu’elle a pour elle l’avenir. D’où une attente très grande et une tension extrêmement forte : ces prêtres, dont un certain nombre sont des jeunes prêtres estiment qu’un redressement est encore possible et ils ne veulent en aucune façon que la démolition du diocèse continue. Ils le disent et le font savoir. Contre le « décret paroisse », un des meilleurs avocats ecclésiastiques de France a introduit les recours nécessaires en cour de Rome. Avec un appui inattendu : le P. Alphonse Borras, canoniste belge aux idées avancées, spécialiste du droit des paroisses, ne se prive pas de dénoncer le caractère fantaisiste du décret Rouet. Le nonce apostolique attend-il l’aboutissement de la procédure – c’est-à-dire, selon toute vraisemblance, l’annulation de ce texte épiscopal – pour enclencher la nomination d’un archevêque ?
Mgr Luigi Ventura, considéré lors de son arrivée en France comme un nonce franchement ratzinguérien, ne s’est en définitive véritablement réservé qu’une fraction de nominations « centristes » modérés (Sées, Albi, Montpellier), et il s’est plié, pour les autres nominations, au système d’autoreproduction de notre épiscopat. Mais depuis le faux pas retentissant de la stupéfiante nomination Fonlupt à Rodez, il se sait attendu, tant à Rome qu’en France, sur la nomination cruciale de Poitiers et sur le signe qu’elle va donner. Dans ce climat, elle finit par prendre une telle importance morale et symbolique, qu’elle pourrait devenir une nomination « réservée », c’est-à-dire faite concrètement par le Pape lui-même, comme pour les grands sièges, Milan, Paris, Lyon.
Un archevêque ratzinguérien pour le siège de saint Hilaire ? Il faudrait un héros, prêt à prendre le risque de s’enliser dans le marais poitevin.