Je viens de lire cette nouvelle à la fois effarante et tristement prévisible: l’université de Louvain, la plus vieille université catholique du monde à être encore en service comme université et comme officiellement catholique, vient d’entamer un “débat” pour savoir si elle devait garder “l’étiquette” catholique…
Après tout, si elle l’abandonnait, les choses seraient plus simples et plus claires, car, sur le fond, on voit mal comment prétendre qu’elle est dévouée à l’intelligence de la foi! Mais cela risque de faire un peu de bruit dans le Landerneau de l’Eglise belge, déjà “légèrement chahuté” ces derniers mois!
“L’université de Louvain”… Laquelle?
Il y a deux institutions appelées “universitas catholica lovaniensis”: l’Université catholique de Louvain (à Louvain-la-Neuve) et la Katholieke Universiteit Leuven (à Louvain/Leuven). Depuis la scission de 1969, ce sont deux institutions non pas autonomes mais indépendantes et totalement distinctes.
En l’occurrence, la presse belge se fait depuis quelques jours l’écho d’une possible décatholicisation de la KUL, ce qui est une relative nouveauté par rapport à l’UCL, où cette question est sur le tapis depuis longtemps.
M. Ganimara est en général bien informé sur la Belgique mais en l’occurrence il n’est pas à la hauteur de sa réputation. encore un effort!
Ce n’est pas d’aujourd’hui que l’Université Catholique de Louvain veut discuter de sa “catholicité”. Puisque j’y suis moi-même enseignant, je me permets de vous éclairer sur certains points :
– ce qui fait problème, c’est la liberté des chercheurs particulièrement en faculté de médecine (puisque l’Université Catholique de Louvain est la seule Université “complète” au monde, c’est-à-dire, qui couvre l’intégralité des savoirs, elle possède aussi l’une des meilleures facultés de médecine au monde). Les professeurs et chercheurs en médecine doivent pouvoir assurer librement leurs recherches et leurs compétences, en mettant d’eux-mêmes les limites à celles-ci, dès lors qu’ils sont catholiques, mais ils ne se laisseront jamais dicter de l’extérieur des limites à la recherche, ce qui est contraire à l’esprit même d’une Université digne de ce nom.
– Si cette recherche reste libre, c’est-à-dire si l’on fait confiance à la liberté de conscience des professeurs et des chercheurs au sein de l’UCL, sachant qu’ils écoutent volontiers les recommandations du Magistère Romain, mais sans avoir à son endroit une révérence telle qu’elle devienne une soumission a priori (encore une fois contraire à la liberté académique), alors l’Université restera catholique.
– Sinon, elle perdra son “C” sans regret ni remords, au grand dam de l’épiscopat et de l’Eglise qui possède là l’une de ses plus anciennes institutions académiques (l’Université de Louvain a été fondée en 1425 à l’initiative du pape Martin V).
– Ajoutons encore que l’Université Catholique de Louvain n’est pas pontificale, mais catholique (contrairement au Latran, ou à d’autres dans le monde). Elle se réfère donc à la foi catholique, mais ne se sent pas le devoir a priori d’obéissance “aveugle” à l’autorité pontificale.
Amicalement,
B. Lobet
L’abbé Lobet saisit l’occasion d’en rajouter une couche sur l’indépendance de Louvain (et Louvain-la-Neuve) par rapport au magistère.
Il y a évidemment une différence entre une université pontificale et une université “simplement” catholique, mais il suffit d’être simplement catholique pour savoir qu’il est immoral de pratiquer des avortements, des expériences sur les embryons et encore plus de supprimer ceux-ci.
Il suffit d’être catholique pour savoir que la conscience morale est première dans l’établissement d’un jugement – y compris chez les professeurs de médecine de l’UCL et de la KUL.
Il suffit d’être catholique pour savoir que vous devez l’assentiment religieux et prudent aux enseignements du magistère non marqués du sceau de l’infaillibilité, conformément au canon 752 CIC 1983 qui suffit à attester de quel esprit vous êtes.
L’assentiment prudent et religieux aux enseignements du Magistère romain ne remet pas en cause le primat de la conscience morale personnelle droite et éclairée, unique juge de la culpabilité morale. Voir, à ce propos, les considérations de la Constitution Pastorale Gaudium et Spes, n°16, du Concile Vatican II, qui reprend la Tradition unanime de l’Eglise depuis saint Paul en passant par St Thomas d’Aquin (par exemple, Somme Théologique, Ia IIae, Q.19, a.5)…
Le primat de la conscience morale personnelle droite et éclairée, unique juge de la culpabilité morale,est en effet incontournable dans la tradition unanime de l’Eglise catholique, même si cela est rarement souligné.