Lors du premier dimanche de l’Avent 2011 entrera en application dans les pays de langue anglaise une nouvelle traduction du missel de Paul VI, dit de la forme ordinaire. Cette nouvelle traduction a mis plusieurs années avant de voir le jour, à cause des méthodes de travail utilisées et du consensus recherché.
Pourquoi une nouvelle traduction ? Ce problème est inhérent à l’utilisation des langues vulgaires dans la liturgie. Ces langues évoluent très vite. Mais dans le cas présent, il fallait aussi répondre à une grande distorsion entre l’original latin et sa traduction en langue anglaise, distorsion qui avait eu pour effet un manque de précision doctrinale important. L’exemple le plus courant – mais non le seul – est la traduction du « pro multis » de la liturgie (concernant les effets de la mort de Jésus). Jusqu’ici ce « pro multis » était traduit « pour tous » alors que la nouvelle traduction le traduit par « pour beaucoup », plus conforme à la doctrine de l’Église.
Mais les choses ne vont pas si simplement ! L’ACP – association of catholic priests –, une association irlandaise, vient d’émettre plusieurs critiques contre la nouvelle traduction et demande officiellement aux évêques du pays de ne pas la mettre en application pendant une durée de cinq ans, le temps de la revoir. Le principal reproche qui lui est faite est que cette nouvelle traduction sert de trop près l’original latin, débouchant sur un anglais trop éloigné de l’anglais quotidien et rendant donc, selon les responsables de l’association, la compréhension par les fidèles trop difficile.
À cette inadaptation, les responsables de l’ACP ajoute notamment un motif théologique, à savoir qu’en traduisant le « pro multis » par « pour beaucoup » et non « pour tous », la nouvelle traduction laisse dans le doute la certitude de l’étendue des effets de la mort du Christ. À ce titre, l’ACP reproche à ce texte d’être moins œcuménique que son prédécesseur, d’aller contre les femmes par l’utilisation du masculin et contre les prêtres qui n’ont pas été consultés. Précisons que la nouvelle traduction a été approuvé par Rome. Dans le détail des revendications de cette association, on note qu’elle demande que l’on s’inspire de l’attitude des évêques allemands qui avaient décidé de refuser la bonne traduction imposée par Rome.
Comme on le voit, la mise en place d’une réforme de la réforme, au plan très banal des traductions, rencontre une opposition. Elle montre la dérive doctrinale générée par des années d’utilisation de la forme ordinaire dans une mauvaise traduction. Elle démontre la nécessité absolue de recourir à la certitude doctrinale de l’usus antiquior et conduit à proposer d’éviter les traductions officielles dans la liturgie en recourant au latin, langue de l’Église, après tout, comme le rappelle un certain concile Vatican II…
L’ACP ne doit pas être très catholique…
Les mêmes questions vont se poser puisqu’une nouvelle traduction est en cours pour les pays francophones.
Ceci dit, même avant le Concile il y avait des traductions françaises de l’Ordo missae. Ce n’est pas parce qu’on célèbre en latin qu’il n’y a pas besoin de traduction en langue vernaculaire.
Cette histoire relève le fait que le mythe du salut universel déjà acquis (l’homme serait automatiquement sauvé par le sacrifice du Christ) a la peau dure !
Je profite de ce mail pour inviter monsieur st Placide à faire mention de l’excellent article du Père Basile osb sur la liberté religieuse. Article paru dans le dernier numéro de La Nef.
Il mérite d’être lu et étudié tant il éclaire le débat sur l’herméneutique de Vatican II.
Ah le latin, pas d’erreur de traduction, c’est parfait. Juste un petit problème, personne ne le comprend!
Et depuis Babel, les hommes s’expriment dans différentes langues qui ne sont pas seulement des moyens de s’exprimer mais qui structurent la pensée.
Au jour de la Pentecôte, les apôtres se sont mis à instruire dans toutes les langues de la terre, ce ne sont pas les foules qui tout d’un coup se sont mises à comprendre le latin (ou le grec, ou l’araméen, ou…)
La traduction de textes aussi complexes que ceux de l’Église ne sera jamais facile. Elle est toujours améliorable, mais il est faux de prétendre que sur le “plan très banal des traductions” il ne devrait pas y avoir de difficulté.
“(Le latin) Juste un petit problème, personne ne le comprend!”. Ah bon? Pourtant, il n’est pas interdit de l’apprendre. Il est à la base de votre langue maternelle, cher Yves, et de celle de centaines de millions d’Européens. Il s’enseigne dans pratiquement tous les collèges et lycées de notre continent. Le prendre pour une espèce de sabir relevant du sanskrit ou du tibétain médiéval est donc un peu fort de café. Ce n’est quand même pas la faute de l’Eglise si certains décident de jeter leurs racines aux orties (pardon pour la métaphore osée). Commençons pas ne pas renier notre patrimoine culturel, et le patrimoine de l’Eglise d’Occident ne nous sera plus étranger.
Que Dieu est patient…!Un excellent livre à recommander.”A l’écoute du Notre Père” du Père Carmignac ..!L’explication de la détestable traduction du Pater et en particulier de la demande à ce Père de ne pas nous “soumettre à la tentation”…Dieu est patient, mais …il ne faut pas se moquer trop longtemps.C’est une offense qu’il faudra expier..Ouvrons les yeux..Merci à Spo de permettre de rappeler des vérités qui fâchent…!
1) Ce qui est vrai pour les origines latines du Français est loin d’être vrai pour toutes les langues du monde
2) il faut un sacré niveau en latin pour comprendre toutes les nuances des formules contestées de certaines traductions. On est là au niveau de linguistes, et même quelqu’un qui aurait appris le latin à un niveau scolaire, ne raisonnant pas en latin mais dans sa langue maternelle, ferait lui même une traduction, éventuellement encore plus fausse que celle proposée…
Le Latin est la langue commune et de référence de l’Église. C’est très bien. N’essayons pas d’en faire une langue unique et laissons les spécialistes traduire!
Les traductions de la nouvelle liturgie qui sont en train d’être corrigées dans certaines langues étaient une des étapes de la révolution du culte divin (l’aggiornamento). Autrement, les rites ont été saccagés d’abord dans leur editio typica romaine; puis les conférences ont à leur disposition de multiples possibilités d’adaptation, concédées par Rome, et elles ne se sont pas privées de démolir ainsi un peu plus, ces adaptations locales étant pour beaucoup agréées par Rome; quand tout cela a été traduit, le peu que les Bugnini & Co n’avaient pas réussi à obtenir dans les versions latines est passé dans l’édulcoration des traductions. Mgr Bugnini en parle ans ses mémoires, avec beaucoup de cynisme. Le seul petit problème pour les abonnées aux lamentations sur les “abus”, c’est que ces traductions en langues modernes ont été approuvées et sont officielles.
Si les révisions de traductions auxquelles nous assistons met en furie les progressistes, c’est sans doute parce que cela représente un retour en arrière d’une étape dans le processus aggiornamentiste. Pour un processus dialectique, tout retour en arrière, même minime, représente un danger.
J’ai appris récemment que le latin utilisé par l’Eglise n’est pas exactement le latin littéraire mais un latin “fixé dans le temps”, aux alentours du Moyen-Âge, de telle façon qu’il ne bougera pas et qu’on peut l’utiliser sans risque de mauvaise traduction.
Et puis le latin ce n’est pas si dur que ça, suffit de l’avoir appris au secondaire… Ah mais pour ça fallait vouloir l’apprendre ou au moins avoir des parents qui vous obligent à l’apprendre. On n’était pas des masses dans ma classe à apprendre le latin, 6 sur un total de 24 si je me souviens bien. On restait le soir après 4H quand d’autres allaient jouer au foot… Je ne remercierai jamais assez mes parents pour m’avoir poussé à apprendre le latin.
En plus ça ne coutait pas un sous de plus, ça faisait partie du cursus de l’école. Latin ou pas latin, les frais d’école étaient les mêmes. Alors pourquoi s’en priver, hein ? J’ai des bons souvenirs de cette école privé de religieuses.
Pour finir, un texte en anglais, analyse d’un prêtre sur l’usage du latin dans la liturgie :
http://www.chantcafe.com/2011/02/latin-intelligibility-of-unintelligible.html
Il explique que même si Dieu est devenu Verbe pour nous parler directement, la parole ultime de Dieu est inatteignable pour notre propre compréhension, ce qui rend le latin approprié pour exprimer la liturgie : comme un voile sur le mystère de Dieu.
Merci Jacques de cette référence au mystère.
Le sens du mystère, c’est le sens de l’illimitable, et de l’inépuisable.”La vocationde notre âme est double: vocationà la vérité intelligible”Logique de la raison”
Vocation à la Vérité Mystérieuse Logique de l’amour.Il faut unir les deux vocations,d’où la croix.Vocation horizontale croisant la vérité verticale.((“Ernest Hello”)L’Amour n’a pas d’autre r
Pardon suite…L’Amour n’a pas d’autre raison d’être que lui-même.C’est tout le mystère divin.Car Dieu Un et Trine est Amour incréé.Le bonheur de la vie éternelle, c’est de jouir de cet Océan inépuisable d’amour, de vérité.Voilà pourquoi le langage humain est si limité.Ce qui est infini en notre âme ce doit être le désir de jouir à jamais de ce don infiniment gratuit.Voilà pourquoi le latin est si utile, car il permet l’accès à l’universalité, à la catholicité, à la sainteté,à l’unité des esprits et des coeurs de tout l’univers.C’est la robe blanche qui recouvre nos insuffisances individuelles .C’est la langue de nos pères et elle sera celle de nos descendants,car elle ne passera pas,malgré les efforts de l’enfer contre elle.Merci encore.Mais que le Saint Esprit d’amour et de vérité guide laes traducteurs!c’est une immense responsabilité
Il me semble que la Trinité, ou l’incarnation, où la présence réelles, même en français, restent des mystères, des réalités de foi que l’on reçoit sans les comprendre.
Et si je respecte totalement le Latin comme langue de référence de l’Église, je ne vois aucune justification à son utilisation généralisée pour la liturgie. Et cela d’autant moins s’il s’agit, comme l’a noté un commentateur précédent d’un latin figé, c’est à dire mort.
Je ne suis d’ailleurs pas très sûr de cette assertion. Il me semble au contraire que l’Église est surement la seule institution qui fait vivre le latin et qui enrichit son vocabulaire pour parler d’Internet ou de procréation médicalement assistée dans les encycliques et autres textes du magistère…
Yves a dit: “si je respecte totalement le Latin comme langue de référence de l’Église, je ne vois aucune justification à son utilisation généralisée pour la liturgie”.
Eh bien, j’y vois une très bonne raison: les innombrables prises de position du magistère en ce sens. En particulier, celle, très solennelle, du bienheureux Jean XXIII, signant sur l’autel de la confession de Saint-Pierre l’encyclique Veterum Sapientia, en présence d’une grande partie du collège cardinalice. Ce n’était pas un acte du magistère infaillible mais c’était incontestablement un acte du magistère, qui lie tous les catholiques.