Le prochain numéro de Tu es Petrus, revue du district de France de la Fraternité Saint-Pierre, devrait faire parler de lui. Dans son éditorial, l’abbé Vincent Riberton évoque « l’éclipse du sens de Dieu et la menace de l’islam ». Des articles sont consacrés au voyage de Benoît XVI en Angleterre, à la Russie, à la généalogie de Jésus, au bienheureux Newman, à Joseph Fadelle et aux camps de la Fraternité ou en lien avec la Fraternité. Le dossier est consacré au « prêt à penser contemporain, des maîtres penseurs aux maîtres censeurs ».
Mais c’est surtout un article sur l’application du Motu Proprio qui risque d’entraîner des polémiques. Intitulé « Summorum Pontificum, entre opposition et pacification », signé Bernard Calmait, cet article s’en prend notamment aux analyses de Christophe Geffroy, directeur et fondateur de La Nef. Extraits :
Le navire du Motu Proprio s’est mis en route. Nous sommes donc au début de « l’aventure » mais pour Christophe Geffroy « l’aventure » est terminée avant même d’avoir commencé. Il y a « nonréception », nous dit-il, ce qui veut dire que nous sommes dans une impasse, dans un blocage qui empêche toute évolution. La cause d’une situation si déplorable se trouve, selon lui, dans l’antagonisme de deux collectifs présentés comme antithétiques : d’une part les évêques et de l’autre, ce qu’il appelle la « mouvance traditionnelle ». « Force est de constater, lit-on, que les évêques persistent globalement à se méfier d’une mouvance traditionnelle qu’ils ne parviennent pas à considérer comme une chance pour l’Eglise ». Mais cette mouvance que les évêques devraient considérer comme une chance est décrite quelques lignes plus tard comme « éclatée en sensibilités diverses » et touchée par un raidissement et un durcissement qui « ne sont pas de nature à atténuer la méfiance des évêques évoquée plus haut ».
L’argumentation développée ici ne manque pas de nous étonner sous la plume de Christophe Geffroy : la dialectique d’opposition. L’application du Motu Proprio se trouve comme enfermée dans un cercle vicieux avec, d’un coté les évêques méfiants, de l’autre la « mouvance traditionnelle » qui, avec ses attitudes bornées ne fait qu’accroitre la méfiance épiscopale. Mais heureusement- Dieu soit loué ! – il existe un troisième camp qui peut seul faire sortir de cette impasse. Il s’agit de ceux qui suivent l’esprit (sic !) du Motu Proprio.
Ces derniers se retrouvent, à leur tour, comme victimes de la justesse de leur compréhension, ballotés entre l’autorité et une partie des traditionalistes. Cela donne lieu à une nouvelle dynamique d’opposition, cette fois-ci à l’intérieur même du camp des destinataires du motu proprio, où en plus de ceux qui suivent l’esprit, on signale l’existence d’une autre partie composée, déduisonsnous, par ceux qui se limitent à suivre la lettre de Summorum Pontificum, « préférant des lieux de culte exclusivement dédiées à la forme extraordinaire, plutôt que de travailler à remettre la forme extraordinaire en usage dans les paroisses, pour qu’elle puisse être offerte à tous ».
On le voit, Christophe Geffroy a voulu un débat et il l’a. Acceptera-t-il de débattre, c’est-à-dire non seulement de répondre aux arguments de ces adversaires, mais aussi de les prendre-en compte vraiment ? L’avenir le dira.
Une autre question se pose : est-ce bien dans la revue officielle d’une Fraternité que doive avoir lieu un tel débat ? Personnellement, j’avoue ne pas avoir de réponse.
C’est bien confus tout cela…
Peut-on avoir des explications ?
De quel article de monsieur Geffroy ce monsieur Calmait parle-t-il ?
Il y avait l’esprit du Concile (et nous savons qu’il est souvent bien loin de la lettre du Concile). Qu’est-ce que “l’esprit du Motu proprio” ?
Pouvez-vous rentrer en contact avec monsieur Bernard Calmait, s’il vous plaît, afin qu’il explique un peu ces propos ?
En attendant je constate effectivement, comme monsieur Geffroy, que certains milieux “tradis” même “en pleine communion avec l’Eglise catholique” ont une fâcheuse tendance à se raidir : l’exemple du livre de Mgr Ghérardini en est une illustration.
Il n’est pas demandé à ces “tradis” de trouver que tout Vatican II (la lettre !) est une merveille absolue mais il leur est évidemment demandé de recevoir Vatican II dans la Tradition de l’Eglise, comme appartenant à son Magistère ordinaire. Il semble que ce soit difficile pour certains aujourd’hui…
Si vous n’appelez pas cela “un raidissement” ou “un durcissement”…
Cher M. Fauche,
Mais où est donc le raidissement?
Est-ce trop demander d’ouvrir un débat sur certains points de l’enseignement de Vatican II difficilement compatibles avec le magistère précédent?
Est-ce trop demander d’exiger une démonstration convaincante de la continuité du magistère sur certains sujets?
Face à ces questions que chaque chrétien amoureux de la Vérité ne manquera pas de se poser, quelles réponses entend-on?
…Qu’on ne peut critiquer ni le concile, ni les Papes qui l’ont appliqué!
Où est donc le raidissement lorsqu’on absolutise un concile, même débarrassé d’un “Esprit” qui lui est étranger?
C’est peut-être en défendant telle ou telle décision pontificale contestable au regard de l’enseignement traditionnel (par ex. l’anaphore d’Addaï et Mari) en se basant uniquement sur des arguments d’autorité que l’on se “raidit”…
C’est sûrement en défendant la compatibilité d’enseignements étrangers l’un à l’autre pour appeler à une soumission de l’intelligence que l’on fait preuve de “raidissement” ou de “durcissement”.
Il y a donc bien un raidissement, oui, mais non pas là où vous le voyez.
Cordialement.
Gérard, pour trouver Vatican II dans la ligne de la tradition, il faudrait d’abord qu’il s’y inscrive.
Mais mon pauvre ami : comment voulez-vous qu’un Concile réuni par l’autorité compétente dans l’Eglise et donc relevant du Magistère puisse contredire le Magistère précédent ?…
Vous n’avez toujours pas lu le Motu proprio de 1988 (Ecclesia Dei) n°4 :
“4. A la racine de cet acte schismatique, on trouve une notion incomplète et contradictoire de la Tradition. Incomplète parce qu’elle ne tient pas suffisamment compte du caractère vivant de la Tradition qui, comme l’a enseigné clairement le Concile Vatican II, «tire son origine des apôtres, se poursuit dans l’Eglise sous l’assistance de l’Esprit-Saint: en effet, la perception des choses aussi bien que des paroles transmises s’accroît, soit par la contemplation et l’étude des croyants qui les méditent en leur coeur, soit par l’intelligence intérieure qui’ils éprouvent des choses spirituelles, soit par la prédication de ceux qui, avec la succession épiscopale, reçurent un charisme certain de vérité.
Mais c’est surtout une notion de la Tradition, qui s’oppose au Magistère universel de l’Eglise lequel appartient à l’évêque de Rome et au corps des évêques, qui est contradictoire. Personne ne peut rester fidèle à la Tradition en rompant le lien ecclésial avec celui à qui le Christ, en la personne de l’apôtre Pierre, a confié le ministère de l’unité dans son Eglise”.
Ou bien vous ne voulez pas croire que Vatican II appartienne au magistère ordinaire de l’Eglise et dans ce cas vous êtes totalement à côté de la plaque (voire pire).
Permettez-moi de vous renvoyer aux paroles de Benoit XVI juste après son élection :
“Alors que je me prépare moi aussi au service qui est propre au Successeur de Pierre, je veux affirmer avec force la ferme volonté de poursuivre l’engagement de mise en oeuvre du Concile Vatican II, dans le sillage de mes Prédécesseurs et en fidèle continuité avec la tradition bimillénaire de l’Eglise” (20 avril 2005, premier message du pape).
Vous pouvez aussi méditer son discours à la Curie du 22 décembre 2005. Juste un petit extrait : “La question suivante apparaît: pourquoi l’accueil du Concile, dans de grandes parties de l’Eglise, s’est-il jusqu’à présent déroulé de manière aussi difficile? Eh bien, tout dépend de la juste interprétation du Concile ou – comme nous le dirions aujourd’hui – de sa juste herméneutique, de la juste clef de lecture et d’application. Les problèmes de la réception sont nés du fait que deux herméneutiques contraires se sont trouvées confrontées et sont entrées en conflit. L’une a causé de la confusion, l’autre, silencieusement mais de manière toujours plus visible, a porté et porte des fruits. D’un côté, il existe une interprétation que je voudrais appeler “herméneutique de la discontinuité et de la rupture”; celle-ci a souvent pu compter sur la sympathie des mass media, et également d’une partie de la théologie moderne. D’autre part, il y a l'”herméneutique de la réforme”, du renouveau dans la continuité de l’unique sujet-Eglise, que le Seigneur nous a donné; c’est un sujet qui grandit dans le temps et qui se développe, restant cependant toujours le même, l’unique sujet du Peuple de Dieu en marche. L’herméneutique de la discontinuité risque de finir par une rupture entre Eglise préconciliaire et Eglise post-conciliaire”.
Cela donne à réfléchir n’est-ce pas ?
Enfin je finis avec Jean-Paul II (toujours le Motu proprio de 1988) n° 5:
“5. Devant une telle situation, j’ai le devoir d’attirer l’attention de tous les fidèles catholiques sur quelques points que cette triste circonstance met en lumière.
a) Le résultat auquel a abouti le mouvement promu par Mgr. Lefebvre peut et doit être une occasion pour tous les fidèles catholiques de réfléchir sincèrement sur leur propre fidélité à la Tradition de l’Eglise, authentiquement interprétée par le Magistère ecclésiastique, ordinaire et extraordinaire, spécialement dans les Conciles oecuméniques, depuis Nicée jusqu’à Vatican II. De cette réflexion, tous doivent retirer une conviction renouvelée et effective de la nécessité d’approfondir encore leur fidélité à cette Tradition en refusant toutes les interprétations erronées et les applications arbitraires et abusives en matière doctrinale, liturgique et disciplinaire.
C’est en premier lieu aux évêques, à cause de leur mission pastorale propre, que revient le grave devoir d’exercer une vigilance clairvoyante, pleine de charité et de fermeté, afin qu’une telle fidélité soit partout sauvegardée.
Mais tous les pasteurs et les autres fidèles doivent aussi avoir une conscience nouvelle non seulement de la légitimité mais aussi de la richesse que représente pour l’Eglise la diversité des charismes et des traditions de spiritualité et d’apostolat. Cette diversité constitue aussi la beauté de l’unité dans la variété: telle est la symphonie que, sous l’action de l’Esprit-Saint, l’Eglise terrestre fait monter vers le ciel.
b) Je voudrais en outre attirer l’attention des théologiens et des autres experts en science ecclésiastique afin qu’ils se sentent interpellés eux aussi par les circonstances présentes. En effet, l’ampleur et la profondeur des enseignements du Concile Vatican II requièrent un effort renouvelé d’approfondissement qui permettra de mettre en lumière la continuité du Concile avec la Tradition, spécialement sur des points de doctrine qui, peut-être à cause de leur nouveauté, n’ont pas encore été bien compris dans certains secteurs de l’Eglise”.
Jean-Paul II a écrit ce texte en 1988 mais il est toujours d’actualité !
Bonne réflexion et bonne conversion.
Gérard, le type de magistère dont relève Vatican II est très difficile à déterminer, et ce n’est pas ma autre: ce concile s’est voulu atypique. Qu’il en assume les conséquences. Quelle que soit la réponse à cette question précise, il est en tout cas clair que Vatican II (Vatican II, pas ses conséquences, ou “les mauvaise application” dont on nous rebat les oreilles) a provoqué un effondrement du magistère. Cessons de voir le monde à l’envers: imposer Vatican II au nom du magistère alors qu’il a signé un collapsus sans précédent de celui-ci.
Le Magistère existe toujours et comme le dit Jean-Paul II il est appelé à montrer la continuité de Vatican II et la non-incompatibilité de ses textes avec le Magistère antérieur.
Ce n’est pas chose facile mais c’est possible. Sinon le St Esprit a des défaillances fâcheuses (ce que personne ne croit évidemment).
Il ne s’agit pas de raidissement magistériel (de ma part) mais de cohérence dans la foi.
Un certain nombre de déclarations de la Congrégation de la foi (par exemple) sont revenus sur des textes ambigus (ou tendancieusement compris) afin de montrer cette continuité.
Il est justement intéressant de montrer ces éclairages et de chercher à montrer la continuité (ne serait-ce que pour nos frères de la FSSPX) plutôt que d’annoncer de façon péremptoire et “magistérielle” : “le Concile Vatican II est incompatible avec la Tradition ! Fermez le ban”.
Désolé, moi, je préfère défendre la Ste Eglise ma Mère. Même Vatican II. Mais toujours (évidemment) dans la Tradition de l’Eglise.
C’est une question de cohérence.
Pour répondre au “chrétien comme un autre” (dont je salue en passant la courtoisie et la charité) :
“Est-ce trop demander d’ouvrir un débat sur certains points de l’enseignement de Vatican II difficilement compatibles avec le magistère précédent?” Non. Comme vous, je souhaite ce débat. Mais je ne souhaite pas que l’affaire soit entendue avant d’être examinée par un jugement du type : “de toutes les façons Vatican II est incompatible avec la Tradition”.
“Est-ce trop demander d’exiger une démonstration convaincante de la continuité du magistère sur certains sujets?” Non. vous avez raison : il faut ces démonstrations convaincantes. “Dominus Jesus” en est une. Les déclarations de la congrégation pour la doctrine de la foi en sont (exemple sur la question du “subsistit in”). “Apostolos suos” en est une.
“Face à ces questions que chaque chrétien amoureux de la Vérité ne manquera pas de se poser, quelles réponses entend-on?
…Qu’on ne peut critiquer ni le concile, ni les Papes qui l’ont appliqué!”
Ce n’est pas ce que je dis… On peut critiquer mais de façon intelligente et démonstrative; pas avec des a priori anti-magistériels.
Le st-Siège ne refuse pas les critiques mais il ne veut pas des critiques sans fondement. Je vous invite donc à donner des exemples d’incompatibilité (au moins apparente) de Vatican II avec le magistère antérieur.
“Où est donc le raidissement lorsqu’on absolutise un concile, même débarrassé d’un « Esprit » qui lui est étranger?”
Je n’absolutise rien. Je dis que Vatican II fait partie du Magistère et donc qu’il n’est pas incompatible avec la Tradition. Par principe. Histoire de ne pas accuser l’Esprit Saint de défaillances…
Je n’ai jamais dit que “Vatican II” est le plus achevé des conciles de l’Histoire de l’Eglise et qu’il n’avait besoin d’aucune explication et précisions ultérieures.
Ce serait nier la réalité : l’Eglise explicite avec le temps les formulations de Vatican II.
“C’est peut-être en défendant telle ou telle décision pontificale contestable au regard de l’enseignement traditionnel (par ex. l’anaphore d’Addaï et Mari) en se basant uniquement sur des arguments d’autorité que l’on se « raidit »…”
Là j’avoue ma faute : je défends l’autorité de l’Eglise. Mea maxima culpa !
Mais je n’ai aucune contrition…
Et puis ne me faites pas dire ce que je n’ai pas dit : je n’ai pas dit que cette anaphore était géniale.
Vous avez le droit d’élever une critique mais elle doit rester dans des limites acceptables et autant l’adresser à qui de droit plutôt que “sur la place publique” sans dire en plus en quoi cette anâphore est critiquable.
“C’est sûrement en défendant la compatibilité d’enseignements étrangers l’un à l’autre pour appeler à une soumission de l’intelligence que l’on fait preuve de « raidissement » ou de « durcissement ».”
Je durcis ma défense du Magistère, oui, car il est attaqué.
Montrez (encore une fois) qu’il y a incompatibilité. S’il vous plaît.
“Il y a donc bien un raidissement, oui, mais non pas là où vous le voyez.”
Si, je vois un raidissement dans des milieux “en pleine communion” contre le Magistère.
Et oui je veux bien que l’on m’accuse de raidissement dans ma défense de l’Eglise ma Mère. J’accepte mais je pense devoir continuer.
Moi aussi : bien cordialement.
Oui, Jean-Paul II a écrit (plus exactement, signé), dans le motu proprio “Ecclesia Dei afflicta” ce passage bien connu sur la notion de tradition.
Il a aussi dit, en Allemagne, en 1980: “Je viens comme un pèlerin vers l’héritage de Martin Luther”. En 2001, il s’est écrié, à la mosquée des Omeyyades: “Que saint Jean Baptiste protège l’islam!”. Après ça, on peut toujours essayer de parler de cohérence et de lien avec la tradition apostolique…
Merci aussi pour ces exemples concrets. Pouvez-vous, s’il vous plaît, donner tout le texte de Jean-Paul II de 1980 et de 2001 ? Ou bien nous donner les références afin que nous puissions les retrouver ? Merci.
Cher M. Fouche,
Mes remarques ne s’adressaient pas à vous, mais à l’article du Père Basile paru dans la Nef (dans sa version longue). Votre défense du Magistère est tout à fait louable et remarquable.
Ce que demandent beaucoup de personnes, à la suite de Mgr Gherardini, c’est qu’une discussion ait lieu sur certains points de Vatican II difficilement conciliables avec des enseignements antérieurs. Il ne s’agit pas du tout d’une condamnation globale, péremptoire ou “a priori” de Vatican II, ne serait-ce que parce que le concile reprend bon nombre d’enseignements ultérieurs.
Bien Cordialement.