Bien qu’il ne soit plus directeur de la rédaction de Famille Chrétienne, Philippe Oswald écrit toujours pour cet hebdomadaire. On trouve sur le site de celui-ci un de ses articles qui s’attache à rapprocher deux événements : la visite du Pape en Grande-Bretagne et le bilan du Motu Proprio Summorum Pontificum. Même si l’on peut trouver un peu réducteur de focaliser le voyage papal sur la question anglicane – qui n’est pas d’abord le but de cette visite – on peut comprendre le désir du journaliste d’avancer ce thème pour faire de Benoît XVI le pape de l’unité. Une unité qui passerait également par le Motu Proprio.
Il n’est pas question de nier ici le fait que le Pape a pour mission de garantir l’unité des chrétiens et que, à sa manière, Benoît XVI y œuvre de façon efficace.
Il me semble pourtant qu’il faut se méfier de certains rapprochements qui apparaissent évidents aux premiers abords et qui le sont moins en y réfléchissant.
La question anglicane concerne la réintégration de chrétiens séparés de Rome dans l’unité catholique. Par héritage ou/et par choix, ils ont vécu jusqu’ici dans le schisme et l’hérésie.
La question soulevée par le Motu Proprio est plus complexe. Elle est liturgique et elle vise d’abord la vie interne de l’Église. L’unité n’est qu’un effet indirect du Motu Proprio, et c’est tellement vrai que la pensée de Joseph Ratzinger a toujours été de promouvoir la reconnaissance de la pluralité des rites dans l’Église. En rappelant que le rite traditionnel n’avait jamais été abrogé, en créant la distinction entre forme ordinaire et forme extraordinaire , le Pape Benoît XVI n’a pas promu une unité à tout prix. Il a réparé une injustice de fait, remis à l’honneur le rite traditionnel de l’Église latine et il a joué la diversité liturgique.
À sa manière lui aussi, c’est ce qu’écrit d’ailleurs Philippe Oswald :
« Il ne s’agit pas dans l’esprit du pape de « faire l’unité » à tout prix mais d’instaurer peu à peu dans les paroisses un véritable apprivoisement entre la majorité des fidèles pratiquant la messe dite de Paul VI et la minorité restée attachée à la forme ancienne du rite latin, qui n’ont eu que trop tendance à s’excommunier les uns les autres. »
Il ajoute cependant la considération suivante :
« Plus profondément encore, car la charité a sa source dans le don du Christ Eucharistie, le but poursuivi est celui d’un enrichissement mutuel des deux formes (« ordinaire » et « extraordinaire ») d’un même rite dont la célébration ne peut s’affranchir mais doit au contraire s’inscrire dans sa tradition bimillénaire. »
La question de l’enrichissement mutuel, abordé sous couvert d’unité, est une des difficultés impliquées par le Motu Proprio. L’idée circule dans certains milieux (La Nef, Le Barroux, la communauté de l’abbé Loiseau, les responsables des éditions Artège, certains évêques) que le missel traditionnel doit s’adapter en plusieurs points pour se rapprocher du missel de Paul VI et que celui-ci doit opérer le même mouvement en sens inverse. De ces deux mouvements conjoints devraient naître un missel pleinement catholique, fruit de l’évolution du temps.
Il faut rappeler que la question avait été abordée en 2001 aux Journées liturgiques de Fontgombault. Le cardinal Ratzinger y avait bien souligné que l’enrichissement du missel de saint Pie V concernait surtout le sanctoral et l’ajout des préfaces. Plus respectueux de la liturgie et de l’histoire que certains militants, il estimait qu’il ne fallait pas bousculer le missel traditionnel, fruit d’une évolution organique et qui restait le modèle de la messe catholique.
En d’autres termes, la réforme de la réforme concerne la réforme liturgique (pour ne pas dire la révolution liturgique) introduite par le pape Paul VI. Les questions doctrinales qu’elle soulève ne sont pas réglées – notamment quant à la manifestation claire de l’aspect sacrificiel et propitiatoire de la messe – et c’est dans ce sens qu’il lui faut s’enrichir des apports du missel traditionnel. D’où, par exemple, les propositions de l’abbé Barthe dans son récent petit livre qui préconise enfin des pistes concrètes. Mais de ces pistes, Philippe Oswald, par exemple, en parlera-t-il ?