Un observateur hâtif pourrait croire que l’épiscopat français, cinq ans après l’élection de Benoît XVI, est resté identique à ce qu’il était précédemment. Et
il en donnera pour preuve l’attitude pour le moins réservée de cet épiscopat par rapport au Motu Proprio Summorum Pontificum.
C’est largement une illusion d’optique. Certes, les choses ne changent que très très lentement au sein de ce corps particulièrement conservateur qu’est celui des
évêques de notre pays. Corporation forte, gratifiée de pouvoirs bien plus importants qu’elle n’en avait avant le Concile (on ne dira jamais assez que les curés de paroisse sont les grandes
victimes du post-Concile qui leur a ôté toute protection canonique en face de leurs évêques), mais groupe corseté par un système conformant qui est, d’un côté, celui de l’appareil de la
Conférence des Evêques, et de l’autre, celui des conseils de tous ordres entourant l’évêque de chaque diocèse.
Mais si le changement est lent, très lent, il se manifeste pourtant, spécialement sur un point essentiel, celui des nominations épiscopales : si on ajoute aux
évêques (timidement) ratzinguériens – on les compte sur les doigts des mains, lesquels sont tout de même dix comme chacun sait – les évêques qui « sentent le vent », on peut dire que
l’épiscopat français de 2010 n’est plus exactement celui de 2005. D’autant que la situation comateuse d’un nombre de plus en plus grand de diocèses français plonge NNSS dans une espèce d’état
dépressif latent. Vatican II « Printemps de l’Église » est devenu « Boussole pour notre temps », mais en fait tout le monde lorgne vers les canots de sauvetage.
L’époque des Gilson est amplement révolue, mais il reste pourtant des évêques franchement et activement idéologues. Le plus intelligent d’entre eux – appelons-le
Mgr H, évêque de F – a pris depuis longtemps la mesure de cette situation. Homme d’autorité, il a le sens politique, la fibre agitatrice, et se refuse à baisser les bras. Lors du débat sur la
constitution européenne, alors que la France était à la pointe du combat contre l’introduction des racines chrétiennes de l’Europe dans ce texte, à la COMECE (Commission des Conférences
Episcopales européennes), H s’est distingué en prenant position contre lesdites racines chrétiennes, ce qui lui d’ailleurs valu d’être « remercié » de la COMECE. S’il était cardinal –
mais il n’a aucune chance – H deviendrait un nouveau Martini.
Son examen de l’offensive restaurationiste en France repose sur trois constatations :
1/ L’influence française à Rome est désormais, croit-il, franchement ratzinguérienne. Depuis le remplacement comme chef de la section francophone de la
Secrétairerie d’État, par le strasbourgeois Mgr Speich, de Mgr Duthel, enterré dans une cure du diocèse de Lyon, cela ne fait pour lui aucun doute.
2/ Les évêques français de tendance ratzinguériennes se sont organisés – estime-t-il, en fonction de rumeurs invérifiables – en groupe de réflexion, autour d’un
évêque que l’on appellera Mgr D, bête noire de H.
3/ Enfin, le « marais » des évêques français, massé autour du cardinal
Vingt-Trois, tempère progressivement sa pugnacité conciliaire, à l’image de l’archevêque de Paris lui-même que l’on a vu, de nos yeux vu, rendre visite au pèlerinage « intégriste » de
Chrétienté.
A suivre…