Selon Golias, qui n’en manque pas une dans l’approximation et dans les raccourcis, la nomination du cardinal Ouellet, jusqu’ici primat du Canada et
archevêque de Québec, à la tête de la Congrégation pour le clergé serait une bonne nouvelle pour « les fidèles de l’Opus Dei » et « les
traditionalistes ».
Il est certain que le cardinal Ouellet a accueilli la Fraternité Saint-Pierre dans son diocèse (cf. ici) et
que sa théologie est généralement fidèle aux enseignements du magistère. Il n’a pas manqué non plus de courage dernièrement dans le domaine de la défense de la vie.
Proche de la revue Communio, consacré évêque le 19 mars 2001 par le Pape Jean-Paul II en personne, il ne semble pas, malgré les dires de ses
adversaires, que le cardinal Ouellet soit un « crypto-traditionaliste ». Il incarne plutôt cette « troisième voie » tentée par Jean-Paul II à l’échelle du monde, et par
le cardinal Jean-Marie Lustiger, à l’échelle de la France. Malgré d’indéniables succès, cette « troisième voie » souffre aujourd’hui et n’arrive pas à déboucher sur un renouveau de
l’Église. L’idée du Pape Benoît XVI semble d’avoir été de lui donner un supplément de dynamisme en l’associant à l’option traditionaliste. À ce titre, « Summorum
Pontificum » rétablissait non seulement un droit bafoué – celui de célébrer la sainte messe selon les livres liturgiques, en utilisant plus largement les « pédagogies
traditionnelles » qui vont avec –, mais aussi entrait dans une stratégie de renforcement de l’Église, retournant à ses fondamentaux et recouvrant son identité. En clair, ce que les
progressistes dénoncent, en parlant de retour à une Église d’avant-Vatican II, sans s’apercevoir un seul instant qu’ils ont, eux, les yeux fixés sur le rétroviseur et que l’Église continue son
chemin.
Que pourra faire le cardinal Ouellet à la tête de la Congrégation du clergé ? La question, en vérité, est mal posée. Elle devrait être : qu’est-il prêt à
faire ? Le grand drame des hommes de la « troisième voie » (ni progressiste, ni intégriste), et une grande partie de la raison de l’échec de cette tentative, ne repose ni sur la
bonne volonté, ni sur un manque d’intelligence théologique, ni même sur la claire perception de l’existence d’une crise de l’Église (avec des variantes et des exceptions, bien sûr !). Le
drame de la « troisième voie » se trouve dans l’incompréhension du jeu institutionnel et de ses logiques, d’une absence totale de vision politique, et de cet « imperium » qui
permet de passer à l’acte.
À ce titre, le « cas » français va être déterminant pour jauger de l’action du cardinal Ouellet. Au regard du nombre de nominations épiscopales dans les
années qui viennent, le profil qui se dégagera des nouveaux évêques français déterminera l’avenir de l’Église de France. Jusqu’ici, malgré les espoirs placés en lui, le nonce ne s’est pas montré
particulièrement libre vis-à-vis des pesanteurs françaises. Il aura l’avantage de bien connaître le cardinal préfet de la Congrégation du clergé. C’est à ce titre qu’une politique se dessinera
ou, au contraire, que l’on continuera à jouer au petit bonheur la chance, sans bousculer de fond en comble le profil de l’épiscopat français.
Sous le Pape Jean-Paul II, une politique de nominations d’évêques issus des communautés nouvelles s’était mise en place. Elle n’a pas cessé, donnant des
résultats disparates et, en attendant, aucune ligne de front bien claire. Même les meilleurs évêques, aujourd’hui, se surveillent pour ne pas en dire trop, en faire trop, aller trop loin.
La ligne de démarcation d’un autre épiscopat en France passe obligatoirement par l’application de Summorum Pontificum. C’est certainement l’un des actes
les plus forts du pontificat. Il lui manque seulement des hommes pour que son application soit réelle. À la génération d’évêques des communautés nouvelles doivent être associés désormais des
évêques Summorum Pontificum. Pas nécessairement des évêques issus des communautés traditionalistes. Il est trop tôt pour cela. Mais des évêques ayant clairement compris cet enjeu.
Un homme aurait parfaitement réuni en lui les qualités nécessaires pour cela. Il est malheureusement aujourd’hui malade. Il s’agit de l’abbé Christian-Philippe
Chanut. Nous avons besoin d’évêques de ce profil. Il est clair que la présence d’un cardinal Vingt-Trois à la Congrégation des évêques – que pèse à ce titre sa visite au pèlerinage de
Chrétienté ? – est à même de bloquer la montée de ce type de prêtres. C’est pourquoi l’émergence ou la non émergence d’évêques Summorum Pontificum jugera l’action du cardinal
Ouellet. Tout le reste n’est que baratin pour none débachée, effrayée par les délires de Golias…