Sous le titre « Autours de la messe », le Père Laurent Jestin analyse dans le dernier numéro de la revue
Catholica deux ouvrages consacrés de près ou de loin à la « réforme de la réforme ». Le premier de ces
livres est français et sous le titre Le théâtre divin. Une histoire de la messe XVIe/XXe siècle (CNRS éditions), il est
signé Philippe Martin. Même s’il y trouve une mine d’informations, le Père Jestin se montre plutôt critique envers cet ouvrage, qui manque d’ordre : « D’une page à l’autre il arrive
que l’on passe d’une amorce théologique à une sorte d’études des mœurs purement descriptive ».
Plus intéressant, en revanche, est la présentation qu’il fait d’un livre italien, consacré lui très clairement à la réforme de la réforme : La riforma
della Riforma liturgica. Ipotesi per un “nuevo” rito della messa sulle tracce del pensiero di Joseph Ratzinger (Fede &Cultura). Signé Don Claudio
Crescimanno, l’ouvrage bénéficie d’une préface de Mgr Malcolm Ranjith, actuel archevêque de Colombo et ancien secrétaire de la Congrégation pour le Culte divin. L’auteur célébre la messe selon
forme traditionnelle et se montre sévère, en s’appuyant sur les écrits de Joseph Ratzinger, envers la nouvelle messe. Toujours derrière Joseph Ratzinger, il se place clairement dans la
perspective d’une « réforme de la réforme » et précise la raison de ce choix : « La réforme postconciliare doit être à son tour réformée dans la mesure où elle a opéré des
césures substantielles avec la tradition liturgique précédente ; la forme liturgiue en vigueur jusqu’en 1969 représente non pas le rite d’une époque déterminée (l’époque post-tridentine),
mais la dernière étape dans l’ordre du temps d’un développement cohérent et naturel de la tradition liturgique romaine ».
Partant de ce constat qui forme la prémisse de son argumentation, l’auteur entend qu’il faut reprendre la réforme conciliaire en s’appuyant sur le document du
Concile sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium et d’y intégrer les aspects de la messe de Paul VI qui ont été fidèles à ce texte conciliaire. Comme
l’écrit le Père Jestin, il ne s’agit pas d’un bricolage liturgique, ni d’une tentative de sauvetage de la messe de Paul VI, mais « d’une hypothèse de toilettage de la liturgie
traditionnelle fondée sur la lettre strictement interprétée du premier texte produit par Vatican II, et telle que le missel de 1965 avait commencé d’en être la traduction
effective ».
Point intéressant de la pensée de Don Claudio Crescimanno, en quoi il rejoint d’ailleurs Mgr Gherardini, il estime qu’il ne peut y avoir de véritables distinctions
entre texte du Concile et esprit du Concile : « Nous devons reconnaître que cela n’a plus aucun sens de parler d’abus, mais qu’il convient plutôt de parler d’institutionnalisation
d’une créativité sauvage ; et, d’un côté, cela est et demeure en tout contraire aux directives du Magistère, il faudra bien en même temps admettre que tout cela n’aurait pu avoir la même
ampleur ni la même diffusion – sans obstacle – ni cette longévité, si la situation actuelle n’était pas, à un certain degré, la fille de l’esprit de la réforme “officielle” ».
Les lecteurs de ce blog auront tout intérêt à aller lire plus en détail l’analyse du Père Jestin, ses points d’accord et ses critiques. Il remarque notamment
ceci : « la réforme qu’il propose vise aussi le missel de 1962. Or, pour autant qu’on puisse en juger, il semble bien que ce missel doive servir de référence et dès lors ne pas être
touché, au moins jusqu’à ce que la réforme du missel de 1969 soit bien en route ». Sur ce dernier point, il y a urgence…