La dernière lettre de Paix liturgique revient sur le colloque de ReuniCatho et notamment sur les déclarations de l’abbé Spriet, voyant dans l’annonce faite ce jour une
opposition entre les avancées promues par le cardinal Barbarin (photo) et la mauvaise volonté de Mgr Aumonier.
Mais de quoi s’agit-il exactement ?
Lors de ce colloque, l’abbé Laurent Spriet annonce que l’association Totus Tuus ouvrira l’an prochain une
année de propédeutique à Lyon sous la responsabilité de Mgr Jean-Pierre Batut (photo), ancien curé de Saint-Eugène à Paris et aujourd’hui auxiliaire de Lyon.
Bonne nouvelle ? En soi, pourquoi pas ! Dans le projet de l’association Totus Tuus, il s’agit de mettre sur pied, en France, un séminaire
« bi-ritualiste » ou, plus exactement si l’on veut reprendre le vocabulaire mis en place depuis le Motu proprio, un séminaire « bi-formaliste ».
Le projet n’est cependant pas dénué de sous-entendus. Les prêtres qui ont lancé l’association Totus Tuus sont tous d’anciens membres de la Fraternité
Saint-Pierre. Ils sont tous devenus prêtres diocésains, ne se reconnaissant plus dans les statuts et la vie de la Fraternité Saint-Pierre. Comment les blâmer ? Tous les prêtres ne sont pas
destinés par vocation à vivre en communauté ou au sein d’une « fraternité » qui oblige au-delà de la vie habituelle du prêtre diocésain.
Mais la chose la plus étonnante est que critiquant le « confort pastoral » dans lequel se trouvent leurs confrères de la Fraternité Saint-Pierre ou de
l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, ces prêtres se sont créés une niche encore plus luxueuse. Et le plus frappant à ce sujet est que la critique la plus dure à leur encontre vient de
prêtres diocésains « crypto-tradis » qui reprochent à ces « ex-Saint-Pierre » de prendre le beurre et l’argent du beurre. Autrement dit, d’être dans les diocèses sans rester
des parias à l’instar des prêtres de communautés Ecclesia Dei tout en conservant des paroissiens acquis à la cause et sans avoir pour leur part besoin de se plier à la pastorale diocésaine.
Situation, on en conviendra, quand même assez confortable aujourd’hui ? Parmi les laïcs qui l’assistent à Saint-Germain du Chesnay, l’abbé Spriet n’a pas trouvé d’opposition, sauf pour avoir
récemment déplacé le jour de réunion au jeudi, jour de répétition de la chorale dont certains membres sont aussi parmi les laïcs membres du conseil. Pas grand chose en vérité, donc !
Mais, revenons au projet de séminaire ? En quoi, direz-vous n’est-il pas dénué de sous-entendus ?
D’abord parce qu’il s’agit de montrer qu’est possible, pour peu qu’on y mette de la bonne volonté, ce que n’a pas réussi la Fraternité Saint-Pierre et l’Institut du
Christ-Roi : à savoir un séminaire en France.
Deuxièmement, parce que les évêques diocésains trouveront dans ce séminaire un réservoir pour aller chercher des prêtres qui, pouvant célébrer dans les deux formes,
répondront aux besoins, en fonction des circonstances. Plus besoin de s’embêter en négociations et accords avec les Fraternités et Instituts traditionalistes. Pas besoin demain de faire appel –
horreur – aux prêtres de la Fraternité Saint-Pie X. Aux spécialistes du rite traditionnel, englués qui plus est dans une théologie réactionnaire, nos évêques préféreront les
« saltimbanques » de la messe, hommes orchestre capables de jouer toutes les partitions rituelles de l’unique rite romain.
Enfin, il s’agit d’attirer les jeunes des milieux traditionnels qui ont l’étrange habitude d’avoir des vocations et qu’il faut bien tenter de récupérer d’une
manière ou d’une autre.
Mais sur ce point, la manœuvre n’a pas totalement (encore) réussie. La fameuse année de « propédeutique » annoncée par l’abbé Spriet pour la rentrée
prochaine aurait dû en fait s’ouvrir à la rentrée 2009 et non à celle de 2010. Et, malheureusement, les candidats n’étaient pas là. D’où le besoin de publicité que l’abbé a ressenti et qu’il a
fait directement chez les tradis lors du colloque de ReuniCatho. Ces tradis que l’on n’aime pas beaucoup d’habitude chez Totus Tuus car ils sont restés réactionnaires, avec une volonté
farouche à ne pas croire toutes les paroles épiscopales. Mais, sans eux, comment lancer ce fameux séminaire ?
L’erreur de Paix liturgique est de croire qu’il y a opposition entre le cardinal Barbarin, archevêque de Lyon et Mgr Aumonier, évêque de Versailles.
L’opposition n’existe absolument pas. L’abbé Spriet est prêtre du diocèse de Versailles et il n’agit pas sans l’autorisation de son évêque. Celui-ci a accepté le passage au clergé diocésain des
abbés de la chapelle Notre-Dame des Armées qui alors même qu’ils étaient encore prêtres dans la Fraternité Saint-Pierre faisaient quêter pour le séminaire de cette fraternité et pour le séminaire
diocésain. La stratégie est la même pour le cardinal de Lyon et Mgr de Versailles : il s’agit de contourner la place grandissante des communautés Ecclesia Dei en créant une troisième voie
« mi-tradi-mi-diocésaine », contrôlée par les évêques. Une troisième voie conservatrice, résolument conservatrice comme l’indique le nom même de l’association qui prend en charge cette
affaire.
arrêtée à ce Pape, qui avait lui aussi tenté la stratégie d’une troisième voie à l’intérieur de l’Église, laquelle tentative au final ne s’avère pas une réussite aussi éclatante que prévue. Les
prêtres qui s’occupent de Totus Tuus savent-ils qu’un nouveau pape est sur le trône de Pierre ; que le Motu proprio de 2007 a remplacé celui de 1988 ; que la majorité des
évêques freine le bouleversement apporté par Summorum pontificum ?
Oui, ils le savent ! Et ils pensent que la crise de l’Église est terminée. Ce sont des apôtres, souvent remarquables comme «
curé », véritables missionnaires, se donnant sans compter. Mais ils risquent d’être demain de simples saltimbanques qu’on appelle pour remplir tel ou tel vide, ici ou là. Il ne suffit pas de
n’être pas « tradi ». Encore faut-il être quelque chose ! Que sont-ils exactement ?