La suite de la fameuse note prêterait à sourire, si l’affaire n’était pas grave, puisque nos évêques remettaient en cause ce qui est aujourd’hui l’une des deux formes de l’unique rite romain :
B. Il a été question d’une prélature personnelle
* La question du rite :
Une prélature personnelle peut-elle d’abord et principalement « reposer » sur le rite de Saint Pie V tel qu’il est revendiqué par Mgr Lefebvre et les membres de la Fraternité Saint-Pie X ? Ce rite ne repose pas sur une réalité culturelle comme les rites orientaux par exemple. Les mentalités et les activités des communautés lefebvristes sont cependant profondément marquées par un comportement social particulier. Loin de constituer une culture proprement dite, qui apporterait des valeurs positives à la société, cette manière d’appréhender la réalité sociale se situe en « contre-société ». L’attachement actuel au rite de Saint Pie V ne signifie pas non plus une manière positive de vivre sa foi ; il est la manifestation du refus d’une expression de la foi proposée à toute l’Église par le Concile Vatican II. Le rite de Saint Pie V est ainsi considéré par les « lefebvristes » comme un « contre-rite ». Le nombre restreint de fidèles assistant à la messe de Saint Pie V, concédée selon l’Indult de Jean-Paul II en 1984, en est la preuve : seul un petit nombre de catholiques vivent de façon positive le culte eucharistique selon le rite de Saint Pie V.
Ce “petit nombre” fournit aujourd’hui plus de 20% des vocations sacerdotales en France… Les demandes de messe se comptent pas centaine. Selon Paix Liturgique, au moins 30% des catholiques souhaitent que cette forme soit célébrée dans leur paroisse, ce qui est loin d’être le cas. Mais voyons la suite :
* La mission de la prélature
La prélature personnelle regroupe des clercs par la voie de l’incardination, en vue de la poursuite d’objectifs apostoliques déterminés. Ces objectifs devront être soigneusement précisés afin de permettre la collaboration des clercs de la prélature à l’action pastorale des Évêques. La prélature personnelle ne peut en effet assurer par elle-même un ministère pastoral complet comme le fait une paroisse. Des laïcs peuvent être associés individuellement par voie contractuelle et collectivement par la constitution d’associations dépendant de la prélature. Les associations s’appuieront sur la position théologique de Mgr Lefebvre et de la Fraternité Saint-Pie X concernant le lien entre l’Église et l’État. Leur coloration sociale et leur action politique seront évidentes. Elles se feront alors sous l’aval de l’Église auprès des pouvoirs politiques et de la majorité de la population. De ce point de vue une « Église » ainsi politiquement asservie à des groupes d’extrême-droite légitimera de nouveau son opposé : l’adhésion organique de prêtres et de mouvements apostoliques à la gauche militante ou au parti communiste. Cette éventualité n’est pas une chimère… Il nous a fallu les quatre décennies d’après-guerre pour dégager l’Église de France des conflits politico-religieux. L’implantation des maisons de la prélature devra avoir l’aval de l’Ordinaire du lieu, comme pour les maisons des Instituts de vie consacrée (cf. I.C. 609 § 1). Le « ius possidentis » peut jouer mais à la condition de ne pas scandaliser les fidèles. En tout état de cause, accorder les paroisses de Port-Marly et de Saint-Nicolas du Chardonnet à la Fraternité Saint-Pie X créerait un grand scandale. Il faut en effet rappeler la douloureuse fidélité des paroissiens de Saint-Nicolas du Chardonnet qui, depuis plus de dix ans, ne pouvant entrer dans leur église, se rassemblent sous un préau. L’injustice commise par les membres de la Fraternité Saint-Pie X envers les paroissiens de Port-Marly et de Saint-Nicolas du Chardonnet devra être réparée.
Pour rappel, ce texte a été écrit en 1988. Or quand je lis que “Il nous a fallu les quatre décennies d’après-guerre pour dégager l’Église de France des conflits politico-religieux“, je m’étrangle. Quand on sait que le CCFD, organe proche de la gauche marxiste, a pignon sur rue dans la majorité des diocèses de France, encore aujourd’hui, que l’épiscopat français cède facilement aux sirènes du politiquement correct, déclarer que cette Fraternité est “politiquement asservie à des groupes d’extrême-droite“, c’est l’hôpital qui se moque de la charité ! Quant aux pauvres fidèles qui “se rassemblent sous un préau”, je pense bien que ce n’est plus cas : il y a suffisamment d’églises désormais vides en France. Eglises qu’il faudra bien confier aux instituts traditionalistes, de toutes tendances, un jour ou l’autre si on ne veut pas les faire dépérir.
C. Les autres solutions envisageables (Société de vie apostolique, Institut de vie consacrée, Association cléricale de droit public) n’habilitent pas la Fraternité Saint-Pie X à assurer par elle-même tous les services ecclésiaux envers les fidèles catholiques.
Il faudra l’accord de l’Évêque diocésain. Celui-ci ne pourra être donné que s’il y a une communion de foi et la reconnaissance explicite du Concile Vatican II. Le risque de voir s’établit une Église parallèle, « équiparée » à une Église particulière, semble être le plus grand danger. La juridiction des Évêques résidentiels ne pourrait s’exercer. Leur autorité doctrinale se verrait largement entamée.
Etant donné que la solution la plus souvent envisagée dans les arcanes romaines est celle de la prélature, il me semble que ces autres solutions n’ont aujourd’hui plus lieu d’être. Mais il est nécessaire toutefois de les avoir à l’esprit, tant que cette affaire n’est pas résolue. (A suivre)