Un article de la fort peut cléricale Dépêche du Midi, du 8 juillet dernier, se fait l’écho alarmé et plaintif d’une situation qui devient commune dans les diocèses de France : une importante paroisse voit réduit au minimum son service sacerdotal. Il se trouve qu’en l’espèce, il s’agit de la paroisse la plus prestigieuse du diocèse de Cahors, celle de Rocamadour, lieu d’un pèlerinage marial des plus fréquentés. Le journal méridional apprend ainsi à ses lecteurs que par décision de Mgr Norbert Turini, évêque de Cahors (plus exactement évêque de Cahors-Rocamadour), les prêtres vivant sur la paroisse et les sanctuaires et qui les desservent, les PP de Gouvello, Nastorg, Durand et Dupré, vont quitter les lieux, remplacés par un seul jeune prêtre. Personne n’habitera plus désormais le château qui domine le rocher célèbre de Rocamadour : le pèlerinage n’aura plus d’ecclésiastique à demeure et les pèlerins seront priés de se prendre en charge eux-mêmes. Nous avions évoqué les plaintes des habitants de Rocamadour et la réponse de l’évêque de Cahors dans un article du 9 juillet. Mgr Turini rassurait (un peu) les Amadouriens : le P. de Gouvello reste recteur en titre et gardera à Rocamadour un bureau et une chambre ; quant au jeune prêtre nommé, le P. Jean-Malo de Beaufort, il sera là au moins pendant les vacances, car il achève ses études à Bruxelles.
En fait, ce train en cache un autre, plus inquiétant. Rocamadour était le plus connu des « grands travaux » auxquels s’était livré le diocèse sous l’épiscopat de Mgr Gaidon, prédécesseur de Mgr Turini. En bien d’autres diocèses de France, d’ailleurs, on s’était de même lancé dans des politiques un peu mégalos et fort dispendieuses de constructions d’évêchés tout neufs, qui voulaient rivaliser avec les nouveaux bâtiments administratifs, de rénovation des maisons des œuvres, etc., sans avoir pris la mesure de l’effondrement de la pratique religieuse, et par conséquent de la raréfaction des ressources financières issues des quêtes, du denier du culte, des legs.
Plus vite que d’autres, le diocèse de Cahors s’est engagé vers ce qui ressemble à une déconfiture. Alors, comme toujours dans ce cas dans le clergé, on a pensé aux immeubles, capital de réserve par excellence, constitué par les donateurs et légataires des générations chrétiennes d’hier. Bref, on fait fondre les investissements, pour pourvoir aux dépenses de fonctionnement (notamment les frais de rémunération des personnels qui, relativement, prennent de plus en plus d’importance). C’est l’adage mortifère des sociétés en décadence : du futur, faisons table rase. C’est d’abord la pire des politiques financières, comme on sait, ou comme on devrait savoir, mais l’« ouverture au monde » de Vatican II ne s’est pas étendue dans le clergé jusqu’au monde des réalités économiques basiques.
En raison du fait que l’Institut du Bon Pasteur s’était porté acquéreur, on a beaucoup parlé de la mise en vente de la Visitation de Saint-Céré. Mais le petit séminaire de Gourdon est aussi offert à qui voudra apporter de l’argent frais. Intégristes s’abstenir, mais sociétés hôtelières ou autres investisseurs sont bienvenus (on a de la morale, tout de même !). Une partie de l’évêché de Cahors pourrait être mise en vente, de même que la Maison des œuvres, immense et vénérable couvent bâti par le Bienheureux Alain de Solminihac pour les Chanoines réguliers de Chancelade, et qui a longtemps servi de grand séminaire (il abrite aujourd’hui des services diocésains, les archives, une bibliothèque).
Et ensuite ? Ensuite, logiquement, Rocamadour. L’économe de Mgr Gaidon avait transformé somptuairement le centre d’accueil et le château en structure hôtelière, activité couverte par une société si bien gérée qu’elle a été réduite à la liquidation. Du coup, le château n’abritant plus que les prêtres de Rocamadour, et ces prêtres étant utilisés ailleurs, il va être fermé. Et puis vendu ?
Ainsi, comme les diocèses et congrégations en cette situation, l’administration diocésaine n’imagine pas d’autre solution que de « vendre les bijoux de famille », politique financière qui ne fait que repousser les échéances.
Le diocèse de Cahors sera-t-il le premier cas d’une figure qui risque de se reproduire : celui d’une association diocésaine qui pourrait bien être réduite au redressement ou même à la liquidation judiciaire ? Bien sûr un diocèse existe canoniquement en dehors de son assise financière. Tout de même, un diocèse de France en faillite… Que l’on ne nous parle plus du « printemps de l’Église » de France !