Dans le dernier Monde & vie, Claire Thomas analyse le fonctionnement “démocratique” du synode du diocèse de Versailles :
Autant le dire tout de suite, un synode diocésain, c’est une énorme usine à gaz. Je voudrais distinguer plusieurs étapes: il y a d’abord une phase d’enquête. Qui participe? Les paroisses et les mouvements d’Eglise, qui sont consultés. De cette consultation, qui peut durer plusieurs années, naissent une série de propositions. Dans le diocèse de Versailles, il y eut quelque 3500 propositions, parvenues aux organisateurs par le truchement d’Internet. C’est la matière première du Synode. Une Commission préparatoire a réduit ces 3500 propositions à six grands thèmes, comportant chacun vingt articles. […] Voilà l’ossature du synode.
C’est à ce moment, à Versailles, qu’interviennent les 400 membres du synode (dont 317 laïcs). Les laïcs doivent être à la fois représentatifs et disponibles, car le Synode prend beaucoup de temps. Ce sont donc, dans chaque paroisse et chaque mouvement, des « volontaires désignés » par l’autorité. « Il n’y a pas eu de vote pour désigner les membres du Synode » me dit-on. Il n’y aura pas de vote non plus pour les décrets d’application. C’est l’évêque, Mgr Aumônier, qui les promulguera, une fois tout mis à plat, le 8 octobre prochain. Il peut d’ailleurs ne rien promulguer du tout! Ces 400 personnes se partagent les six grands thèmes […]. Il y a trois équipes ou commissions pour chaque thème. Une vingtaine de personnes par équipe. Elles ne se connaissent pas entre elles. Leur rôle : prendre trois des vingt articles prérédigés et en modifier la rédaction ou même élaborer sur ce thème un nouvel article. C’est le travail du premier jour, qui a réuni les gens de 13 heures à 22 heures, pour l’Ascension. Le lendemain, un rapporteur nommé dans chaque équipe défend la nouvelle rédaction devant l’ensemble du corps électoral; l’article est alors voté ou non. Chacun dispose d’un boitier électronique qui simplifie le comptage et permet de conserver l’anonymat. Mais ce n’est pas fini! Vient le troisième jour, samedi après l’Ascension. A nouveau travail en commission. Le but cette fois: déterminer des actions concrètes, ayant rapport au thème. Le Synode, véritable marathon, s’est terminé sur le vote par l’ensemble des délégués synodaux de ces actions concrètes.
Ma correspondante souligne que tout ce qui avait été rédigé autour de la prière, du sens du sacré (par exemple: pour tout le diocèse, un jour commun d’adoration du Saint Sacrement chaque mois) a pu franchir la première étape, celle du travail en commissions, mais n’a pas été voté en plenum. En revanche, tout ce qui concerne l’organisation d’une bourse du travail pour les chômeurs ou l’aide aux personnes en difficulté a reçu un accueil favorable de l’ensemble des membres du Synode. Comment comprendre cette dichotomie ? Il fallait atteindre les 2/3 des suffrages ! Cela signifie que les plus conservateurs, attachés à la prière, ont voté pour l’entraide et que les plus progressistes, défendant l’entraide, ont voté… contre la prière ! Ensuite, le responsable de la synthèse le Père Bruno Valentin peut parader : « Au fond ces propositions disent la volonté de rester en prise avec les réalités du monde ». Et de souligner que « la question de la messe dans sa forme extraordinaire occupe moins de 1 % des propositions » retenues. On comprend pourquoi. Le synode est une vaste machine à broyer les opinions personnelles dans une mise en commun qui permet à ceux qui jouissent encore d’une position dominante dans l’Institution de se prévaloir de l’Opinion avec une majuscule, cette Opinion fabriquée par écrémages successifs qui représente la victoire merveilleuse du statu quo.
Combien est plus simple par comparaison le fonctionnement des deux Motu proprio sur la liturgie traditionnelle Summorum pontificum et Universae Ecclesiae. Il s’agit chaque fois de constituer des groupes stables, qui font valoir à l’autorité une chose objectivement toujours bonne, la célébration des saints Mystères selon la forme extraordinaire de la liturgie romaine. Pour faire valoir ce droit, le groupe, qui peut être constitué de personnes n’habitant pas la même paroisse, cela est précisé, doit d’abord s’adresser au curé du lieu où la messe extraordinaire peut avoir lieu. Puis, en cas de réticence, il contacte son évêque ; et enfin il s’adresse à la Commission Ecclesia Dei, qui a un vrai pouvoir judiciaire et peut juger même du silence de l’évêque en donnant raison aux fidèles. Oh! Certes il faut rentrer dans les arcanes du droit canon et donc se munir d’un avocat compétent. Mais il me semble que, dans ce registre, la prise de Parole des individus réunis en groupes stables est beaucoup mieux assurée que lorsqu’elle doit se diluer dans un Synode des laïcs représentatifs votant à la majorité des 2/3.
Il y a eu 69 synodes diocésains en France (sur 98 diocèses).