La discussion du texte de révision des lois de bioéthique s’est déroulée à l’Assemblée nationale les 24 et 25 mai 2011. A travers la révision de ces lois, l’Eglise catholique rappelle qu’un choix de civilisation est en jeu. Eclairage de Mgr Bernard Podvin, Porte-parole de la conférence des évêques de France.
Comment peux-tu être de trop, toi de qui nous venons ? Comment peux-tu être encombrant, toi l’infiniment petit ? Cher embryon humain, tu pèses, hélas fort peu dans le zapping médiatique, mais tu pèseras toujours dans la conscience de ceux qui t’aiment et veulent te protéger.
Certains ténors de la recherche promettent des prouesses thérapeutiques si on libéralise la recherche te concernant. Ces hérauts deviennent étrangement aphones quand on leur suggère d’explorer d’autres voies scientifiques ne portant pas atteinte à ton intégrité. Pourquoi ce décalage ? Des lois économiques non avouables sous-tendraient-elles les choix ? Il n’est pas naïf de le penser. Il n’est pas honnête de ne jamais le dire à l’opinion. Pauvre embryon humain, dire qu’en ce moment même, Bruxelles et l’Europe ont tant de prévenance envers ton…”homologue” animal ! Fera-t-il donc demain, en notre occident, une météo éthique plus favorable à devenir animal qu’à devenir humain ? Pauvre embryon, tu es tellement vulnérable que toutes les puissances du monde peuvent, “sans problème” disposer de toi. Rien de glorieux à cela ! Ce qui est fort n’est pas d’exercer sa toute puissance, mais de la convertir. La civilisation s’honore à préserver le petit. A te préserver.
Les députés votent cette semaine. Ce ne sont pas des textes parmi d’autres ! En un quart d’heure de suffrage parlementaire, ils peuvent, comme dit le Cardinal Vingt-Trois “nous faire changer de civilisation”. Sans que nous ne nous en rendions compte. Oui, ni plus ni moins, selon le statut accordé au vulnérable des vulnérables.
Pendant que la plupart des Français s’affairent à leur quotidien, leurs représentants démocratiques décident de choses qui engagent vivement la conscience! Le ministre Xavier Bertrand a ainsi résumé la position du gouvernement : « L’interdiction de la recherche sur l’embryon avec dérogations, reste la bonne et la meilleure position. Elle ne verse pas dans l’obscurantisme. Elle prend en compte la dimension particulière de l’embryon. Elle n’empêche pas la recherche de progresser ». Cette position relativement équilibrée résistera-t-elle aux assauts ? Rappelons qu’il y a déjà eu 69 dérogations depuis 2004.
La grandeur d’une nation n’est pas seulement de mettre un tyran hors d’état de nuire, aussi courageux et nécessaire que cela soit en respect des résolutions des Nations-Unies. La grandeur d’un pays est aussi d’ériger en politique, l’intangible défense de celui qui est sans défenses. Se nommant ici embryon…
Je n’oublierai jamais ces lignes d’Emmanuel Mounier, homme politique s’il en est ! Sa fille est gravement malade. Lui, homme des grands projets collectifs, est tout petit devant sa fille souffrante. Lui, homme des grandes audaces, livre sa méditation émouvante: “Quel sens aurait tout cela, écrit-il en 1940, si notre petite gosse n’était qu’un morceau de chair abîmée, un peu de vie accidentée ? Et non pas cette blanche petite hostie qui nous dépasse tous. Une infinité de mystère et d’amour qui nous éblouirait si nous le voyions face à face ?… Je veux bien endetter mon existence entière pour un regard d’enfant !” La fragilité nous éblouit-elle comme elle bouleversait Mounier? Une vie sans défense ne vaut-elle pas tout l’or du monde?
Puissent nos parlementaires tenir une cohérence plus grande que toute stratégie à courte vue. Cher embryon, tu n’es quasiment rien ? Mais rien de notre mystère ne s’écrit sans toi!