Suite de l’article de Jean Rouvière dans Présent :
« L’Eglise n’a pas de solutions techniques à offrir », disait Benoît XVI dans son encyclique sociale, Caritas in veritate (2009). Mgr Minnerath force la note, me semble-t-il, en affirmant que la doctrine sociale de l’Eglise n’est pas « prescriptive », qu’« elle ne propose pas de solutions concrètes à la variété des situations que rencontrent les hommes dans l’organisation et le fonctionnement de la société » (p. 27). Pourtant, lui-même donne des exemples d’application de la DSE, sur des questions non secondaires telles que le travail (p. 99-107) ou la mondialisation des échanges (p. 115).
Un des grands principes de la DSE est celui de la subsidiarité, que Pie XI a définie ainsi dans Quadragesimo anno : « De même qu’on ne peut enlever aux particuliers, pour les transférer à la communauté, les attributions dont ils sont capables de s’acquitter de leur seule initiative et par leurs propres moyens, ainsi ce serait commettre une injustice, en même temps que troubler d’une manière très dommageable l’ordre social, que de retirer aux groupements d’ordre inférieur, pour les confier à une collectivité plus vaste et d’un rang plus élevé, les fonctions qu’ils sont en mesure de remplir eux-mêmes. […] Que l’autorité publique abandonne donc aux groupements de rang inférieur le soin des affaires de moindre importance où se disperserait à l’excès son effort ; elle pourra dès lors assurer plus librement, plus puissamment, plus efficacement les fonctions qui n’appartiennent qu’à elle, parce qu’elle seule peut les remplir : diriger, surveiller, stimuler, contenir, selon que le comportent les circonstances ou l’exige la nécessité ».
On voit beaucoup de circonstances et de domaines où un tel principe peut s’appliquer. Les domaines qui ne peuvent relever que du seul Etat ne sont pas si nombreux. L’application du principe de subsidiarité favorise l’existence de corps intermédiaires et les initiatives de la société civile et des familles.
Mgr Minnerath, en utilisant l’expression curieusement d’« Etat subsidiaire » (c’est-à-dire d’état qui met en application le principe de subsidiarité), montre justement combien un tel principe favorise l’équilibre : « L’Etat subsidiaire est volontariste. Il tente de freiner deux tendances naturelles mauvaises : celle des individus de demander le maximum de protection (Etat providence), celle du pouvoir d’envahir tous les domaines (Etat jacobin centralisateur). […] L’Etat subsidiaire se distingue de l’Etat providence (Welfare State). Ce dernier tend à prendre en charge tous les besoins de la société, en déresponsabilisant les instances intermédiaires. Sous prétexte d’égalité, l’Etat providence se méfie de l’initiative privée et associée. L’Etat subsidiaire favorise les prises de responsabilité aux échelons où les problèmes peuvent être résolus et se réserve d’intervenir à titre supplétif lorsque ces derniers ne sont pas capables d’assumer leur responsabilité. »