Plusieurs lecteurs me demandaient plus d’informations sur le nouvel évêque de Rodez. Tout vient à point qui sait attendre.
La nomination épiscopale de Mgr François Fonlupt, il y a quelques jours, a littéralement tétanisé une partie du clergé français. En 2011, Benoît XVI étant Pape depuis 6 ans, le cardinal Ouellet étant Préfet de la Congrégation des Évêques, des hommes comme les cardinaux Rodé, Cañizares, Burke, faisant partie de la Congrégation des Évêques, Mgr Luigi Ventura, prélat passant pour classique, étant nonce apostolique en France, a été nommé à Rodez le prêtre le plus archéo-progressiste qu’on a pu trouver en magasin.
A Rodez qui, à la différence de bien des diocèses de France, n’est pas encore une terre chrétienne totalement morte. Curieusement, dans ce diocèse rural, il reste encore quelques possibilités de remontée dans le clergé et les fidèles, familles, mouvements, possibles vocations, les finances restant en outre convenables. A la différence d’autres diocèses du Sud-Ouest, comme Auch, Pamiers, Agen, Mende, ce n’est pas encore le coma, et on aurait pu encore tenter quelque chose.
Eh bien, on fait cadeau à ce diocèse d’un homme de 57 ans (autrement dit, pour 18 ans !), « fabriqué » par Mgr Simon, archevêque de Clermont, le chef de file de la gauche épiscopale. Chemise bleue et grosses bacchantes d’homme de terrain, Mgr François est notoirement connu pour son libéralisme : cérémonies à l’église à l’occasion du « mariage » des divorcés remariés ; pro-contraception-car-il-faut-être-réaliste-avec-les-gens ; pratique sans problème des absolutions collectives ; liturgie du genre j’ai-vendu-toutes-mes-chasubles-comme-le-pape-a-bradé-sa-tiare ; hostilité comme évidente à la liturgie traditionnelle.
Comment une nomination aussi aberrante a pu être possible aujourd’hui ?
Est-il exact que plusieurs candidats plus classiques ont fait savoir, avant ou après l’examen de la terna par la Congrégation, qu’ils ne voulaient pas du poste ? Il est vrai que ce cas de refus n’est pas aujourd’hui rarissime. On est sûr, en tout cas, que Mgr François Fonlupt n’est pas arrivé sur la terna par l’opération du Saint-Esprit. A la rigueur, par l’opération de l’Esprit du Concile, mais ce n’est pas le même.
Sûr aussi que Mgr Hyppolyte Simon, l’intello des évêques anti-restauration, qui a le sens politique, la fibre agitatrice, s’est démené comme un beau Diable – qu’on se garde de voir ici une association d’idée malséante de notre part avec l’Esprit du Concile. Cet homme de réseaux est à ce point obsédé par la peur de nominations épiscopales ratzinguériennes qu’il avait fait une véritable scène de psychodrame, à ce propos, lors du voyage du Pape en France, à l’encontre d’un des membres de la suite du Saint-Père. On cite parmi ses amis : Mgr François Kalist (Limoges), Mgr Maillard (Bourges), Mgr Bruno Grua (Saint-Flour), Mgr Jean-Luc Brunin (Ajaccio). Mais tout cela, avec ses nombreux voyages à Rome comme vice-président de la CEF, ne suffit pas à imposer un nom au nonce apostolique, puis à la plenaria de la Congrégation des Évêques, puis à la signature du Pape. Il lui fallait nécessairement l’aval et le soutien du cardinal Vingt-Trois.
Le vice-président Simon a pu faire sonner aux oreilles du président Vingt-Trois ce principe de la gastronomie politique italienne que l’on qualifie de lottizzazione (attribution d’un lot de charges publiques à chaque courant, en fonction de sa représentativité). Il est aussi probable que Mgr Bellino Ghirard, évêque « sortant » de Rodez, qui entretient d’excellents rapports avec le cardinal de Paris ait joué les bons offices.
Et le nonce, censé être au cœur du système des nominations épiscopales ? Ah, le nonce… Diplomatie, diplomatie : un évêque « à droite », ma non troppo (Mgr Jacques Habert, à Sées), trois évêques vingt-troisiens, un évêque « à gauche ». Un zeste de restauration, beaucoup de ménagement pour le président Vingt-Trois, un démarquage ostensible vis-à-vis des Français trop restaurationistes de la Curie. Viennent ensuite les pesages et dosages de solutions de transactions avec le cardinal Ouellet. Il faut dire que le Pape n’accorde pas une importance démesurée aux nominations épiscopales ordinaires. Quant au cardinal Secrétaire d’État, il ne s’intéresse qu’aux nominations italiennes.
La morale de cette histoire est que les plus hauts responsables restaurationistes aujourd’hui aux commandes (on aura compris qu’aux commandes est un peu flatteur) n’ont toujours pas pris la mesure de la sensibilité du jeune clergé, prêtres, séminaristes, familles, et du fait qu’elle va bientôt constituer le peu qui restera encore vivant dans l’Église de notre pays. Parler de « morale » est d’ailleurs inadéquat, quand il s’agit de condamner à la mort une partie du Peuple de Dieu.