Le discours d’ouverture du Cardinal Vingt-Trois lors de l’assemblée de la CEF ce matin avait une tonalité particulièrement politique. Période électorale, loi bioéthique (actuellement discutée au Sénat), débat sur la laïcité et la place de l’islam, tels sont les thèmes abordés par l’archevêque de Paris. On regrette simplement qu’il n’ait pas rappelé les 3 principes non-négociables formulés par Benoît XVI (respect de la vie, défense de la famille, liberté de l’éducation) :
Dans une période préélectorale, – et qui devient de plus en plus électorale tout court -, cette peur latente et diffuse peut devenir un levier démagogique puissant, surtout quand l’apparence tient lieu de réalité et la formule de raisonnement. Je n’ai pas évoqué ce contexte trouble pour noircir le fond de tableau, mais pour nous exhorter à la lucidité et au calme. La dramatisation de chaque événement, l’amplification des faits, les concessions aux rumeurs sont autant de soutiens objectifs aux aventures les plus extrémistes. La chasse médiatique aux personnalités emblématiques, le passage en boucle des petites phrases, – pour ne pas dire simplement d’un mot malheureux ou choquant -, ne constituent pas un programme politique ni une aide à réfléchir sur les enjeux des échéances électorales prochaines. […] Nous devons aider notre société à évaluer les personnalités politiques non en raison de leur place au « hit parade » des journaux à sensation mais en raison de leur courage pour dire honnêtement ce qu’ils comprennent de la situation et les remèdes qu’ils préconisent, même si ces remèdes peuvent ne pas être plaisants. […]
De plus en plus souvent, nous voyons se substituer à la réflexion politique et au débat démocratique, une sorte de puritanisme social qui remplace la contestation des projets par l’attaque des dirigeants économiques ou des personnalités politiques. Internet permet de propager rumeurs et accusations sans vérifier l’authenticité des faits. Cette permanente inquisition sur la moralité des personnes répand un climat de suspicion généralisée et affaiblit la confiance qui est le socle d’une société civilisée. Certains s’étonnent de cette aspiration à la vertu et à l’intégrité des dirigeants dans une société qui fait du libéralisme moral la règle des comportements individuels. Faut-il s’en étonner ? À mesure que faiblit l’intégration personnelle des normes morales par l’éducation et par la référence à une reconnaissance objective du bien et du mal, on voit s’accroître le nombre des procureurs qui organisent des procès en moralité publique. Faute d’une éducation à la responsabilité devant sa propre conscience, on déploie un système de contrainte par la législation. Si nos contemporains semblent affranchis d’une loi morale intériorisée, ils sont loin d’être libérés du conformisme imposé par le recours de plus en plus fréquent à la loi et à ses contraintes.
Durant notre assemblée plénière deux événements vont marquer la vie publique et médiatique de notre pays. Ces jours-ci, le projet de loi sur la bioéthique va être examiné par le Sénat. Nous espérons que les sénateurs n’aggraveront pas les dispositions votées par la majorité des députés et n’ouvriront pas la voie à un eugénisme d’État, notamment à propos du dépistage de la trisomie 21, ni à l’autorisation générale d’utiliser l’embryon humain comme un matériel de recherche, ni à l’instrumentalisation du corps des femmes, celles de France ou d’autres pays. Céder à ces tentations ferait violence au respect du à toute être humain. Ce serait une agression envers les principes fondamentaux du respect qui garantissent le pacte social. […]
D’autre part, le débat sur la laïcité organisé par l’U.M.P. va se dérouler cette semaine. Avec les responsables des autres religions, réunis depuis novembre 2010 dans la Conférence des responsables de culte en France (bouddhistes, catholiques, juifs, musulmans, orthodoxes et protestants), nous avons exprimé ensemble nos réserves devant un nouveau débat dont les risques ne sont pas minces. Il ne nous appartient pas de juger des initiatives d’un parti politique, mais nous avons voulu exprimer nos craintes sur les conséquences de ce débat. Non seulement il risque de cristalliser les malaises devant un certain nombre de pratiques musulmanes minoritaires, mais, paradoxalement, il risque aussi d’aboutir à réduire la compréhension de la laïcité à sa conception la plus fermée : celle du refus de toute expression religieuse dans notre société.
Nous avons parfois à souffrir de pratiques administratives qui versent dans cette manière de voir, et les difficultés que nous rencontrons aujourd’hui dans les prisons, les lycées ou les hôpitaux sont souvent de cet ordre. Le récent rapport présenté par la Halde évoque la possibilité d’étendre demain les obligations de stricte neutralité religieuse au-delà du seul secteur public. Les différents discours du Président de la République sur ce sujet donnaient à espérer une application plus apaisée et plus ouverte des lois et des règlements qui définissent fondamentalement le pacte laïc de notre république. Nous n’avons pas vraiment besoin d’un grand débat pour mieux connaître les textes de référence et surtout pour les appliquer avec tolérance et intelligence. Nous pouvons espérer que ce sera la conclusion opérationnelle qu’en tirera le gouvernement.