Suite de la lettre du 24 mars de Paix Liturgique :
Le décompte des séminaristes français « extraordinaires » est théoriquement beaucoup plus facile, à l’unité près. Il faut cependant apporter ici aussi des correctifs en deux sens : les séminaristes français des communautés Ecclesia Dei sont parfois envoyés dans des ministères étrangers ; mais inversement, certains séminaristes diocésains sont désormais expressément destinés à pratiquer la forme extraordinaire du rite romain (ceux de la Société missionnaire de la Divine miséricorde, dans le diocèse de Toulon, ou d’autres séminaristes diocésains individuels). On s’en tiendra donc ici aussi à des évaluations globales (mais basses) : 140 séminaristes « extraordinaires » français, dont 50 pour la FSSPX ; 40 étudiants en année de spiritualité (l’équivalent de la propédeutique, dont 17 pour la FSSPX).
La proportion de séminaristes à strictement parler « extraordinaires » (se destinant à la célébration habituelle de la forme extraordinaire) est donc de 16% (près de 20%, si on ajoute les séminaristes diocésains « extraordinaires », et qu’on les retranche des séminaristes diocésains « ordinaires »). Le chiffre en fait est stable – ce qui est déjà considérable –, mais la proportion est en croissance (à cause de la décroissance des « ordinaires »). De même, le chiffre des entrées « extraordinaires » en année de spiritualité reste stable (42, pour 41 l’an passé) mais, comme nous l’avions déjà noté (Lettre n°199 du 12 octobre 2009), la proportion est, quant à elle, en franche progression : avec tous correctifs à la baisse, ces étudiants sont (plus de) 33% des étudiants en discernement en 2010, pour (plus de) 23% en 2009. Il est donc probable que le chiffre des ordinations « extraordinaires » restera lui aussi stable dans les années à venir, mais que la proportion (15 % aujourd’hui) va continuer à croître.
Mais si nous parlons de croissance du nombre des séminaristes traditionnels (et pas seulement de leur proportion), c’est qu’elle se manifeste désormais hors des instituts traditionnels spécialisés.
Il convient tout d’abord de faire, au vu des chiffres donnés en interne par la CEF, une rectification notable concernant les communautés nouvelles. Une opinion répandue, que nous avons nous-mêmes partagée sans vérification, voulait que les foyers de vocations les plus importants en France étaient à égalité les traditionalistes et les communautés nouvelles (dites encore charismatiques). Or, sur 732 séminaristes officiellement recensés par la CEF, 68 seulement sont issus de communautés nouvelles (dont 27 de l’Emmanuel et 23 du Chemin néo-catéchuménal, ce dernier de recrutement largement étranger, plus une poussière de communautés avec chacune 1 à 3 séminaristes). Autrement dit, sur 880 séminaristes français (740 ordinaires et 140 extraordinaires), l’apport des traditionalistes est le double de celui des communautés nouvelles : environ 16% de séminaristes traditionalistes pour 8% de séminaristes des communautés nouvelles (si on ajoutait les séminaristes des Communautés Saint-Martin et autres, qui ne sont « communautés nouvelles » qu’au sens large de communautés récentes, on arriverait à 11%). En fait, les séminaristes français de la FSSPX sont aussi nombreux que ceux de l’Emmanuel et du Chemin néo-catéchuménal réunis (et dans l’hypothèse d’une régularisation canonique, ils vont logiquement s’accroître).
Il faut surtout noter que les responsables diocésains et les cadres des séminaires constatent qu’une proportion notable des séminaristes « ordinaires » (20%, parfois plus, avec l’exception notable, pour l’instant, des maisons parisiennes) se déclarent désormais ouvertement de tendance traditionalisante, sous la forme d’une revendication bi-formaliste.Il n’est d’ailleurs pas impossible que, toutes choses égales, on reste ici aussi à un niveau stable – ce qui est, de nos jours, énorme –, mais que la croissance soit également dans la proportion entre eux et les autres séminaristes (globalement classiques, il faut le dire). Le monde ecclésiastique « esprit du Concile », même en sa version modérée, s’étiole toujours plus. Inversement, la tendance conservatrice de l’institution ecclésiale reste ce qu’elle est, et même s’affirme bien plus facilement. Compte tenu la raréfaction du clergé français (un peu plus de 8.000 prêtres en activité, dont l’âge moyen dépasse 65 ans, 800 disparaissant chaque année, certains diocèses se préparant à avoir ou ayant déjà seulement une grosse dizaine de prêtres en activité), on peut prévoir que plus de la moitié des prêtres français seront bientôt traditionalisants, c’est-à-dire d’esprit Motu Proprio), sans pouvoir préciser dans combien de temps (10 ans ?), et constater que la moitié des séminaristes ne va pas tarder à l’être.
Mais ceci au sein d’une réduction des forces catholiques qui sera toujours plus impressionnante. S’agissant ici de vocations, il faut aussi prendre en compte le fait que la pression de la sécularisation use beaucoup la persévérance dans le sacerdoce et la vie religieuse : pour le dire clairement, le nombre des « départs », après quelques années de sacerdoce ou de vie religieuse, mais aussi après 10 ans, 15 ans, est extrêmement élevé, toutes tendances et toutes sensibilités confondues.