Le Trombinoscope 2010 de Golias est paru. Il présente peu d’intérêt, classant les évêques entre les “faucons” (comme Mgr Rey), les “bien notés” (comme Mgr Stenger) et “un épiscopat modéré, classique mais hostile au traditionalisme” (comme Mgr Vingt-Trois). Paradoxalement, le véritable intérêt de cette analyse n’est pas due de l’imagination de Christian Terras. Et il le reconnaît :
Curieusement, c’est un observateur tout à fait aux antipodes de nos propres vues, l’abbé Claude Barthe, qui a le mieux mis en évidence l’émergence de cette ligne modérée, pas vraiment ratzingérienne, mais œuvrant toutefois dans le sens d’une purge définitive des lectures trop novatrices et audacieuses de Vatican II. En ce sens, la ligne Vingt-Trois est donc en pleine harmonie avec ce que le pape Ratzinger présente comme l’herméneutique de la continuité. Une compréhension de Vatican II qui en minimise le caractère de rupture avec ce qui précède. De sorte qu’on en vient à se demander pourquoi ce Concile a bien eu lieu et pourquoi il suscita tellement d’enthousiasme. Néanmoins, le conservatisme à la sauce Vingt-Trois est un peu déteint, moins exclusif et allergique aux manifestations trop fortes du retour à la « tradition » déjà au plan liturgique, mais plus encore au niveau idéologico-politique.
S’ensuit une digression sur le moyen de sélection de ces évêques dits modérés :
En général on ne devient pas évêque par hasard mais pour s’y être et avoir été longtemps préparé. Il y a un cursus honorum comme chez les anciens patriciens romains. Pour devenir évêque en France il est très bon d’avoir été vicaire général, encore davantage administrateur diocésain en l’absence d’un évêque, et de plus en plus supérieur ou – à défaut – formateur de séminaire et responsable de séminaire. En d’autres termes, d’avoir un parcours clérical. De sorte que la personnalité des évêques s’est davantage construite à partir de données extérieures à suivre, d’une discipline à respecter, d’un point de vue à accepter que de l’émergence d’une singularité individuelle. Ce qui explique leur mode de fonctionnement très docile et aussi sans doute le peu d’enthousiasme qu’inspire ce super-fonctionnaire dont on attend souvent en vain une parole personnelle, jaillie du plus profond de ses entrailles. Le système pense et vit pour eux.
On peut sans doute reconnaître à tous ces évêques ainsi formatés un certain bon sens, une vraie compétence, un ensemble satisfaisant de vertus moyennes, une modération dans la conduite et dans le jugement. Ce sont globalement des personnes de bonne composition. Mais lorqu’un problème survient, lorsque la contestation se fait trop vive, l’ouverture fait place à la crispation. Et de fait ce conditionnement ecclésiastique est certainement dominé par la peur. Des hommes comme Denis Moutel, depuis peu évêque de Saint-Brieuc, vérifient ce profil d’homme d’appareil. Ils réussiront bien mais avec cette limite déjà évoquée. Au fond, à sa manière, mais avec un cœfficient typiquement parisien et lustigérien, c’est aussi le cas de l’archevêque Vingt-Trois lui-même. Sans brio mais compétent. Ce type de nomination rassure mais endort également. Il permet de gérer la crise et peut-être de la traverser sans trop de casse. Mais guère de favoriser un renouveau audacieux et rayonnant.