Dans Présent du 23 octobre, Yves Chiron évoque le Dictionnaire des Evêques de France au XXe siècle (850 pages), rédigé, sous la direction de Dominique-Marie Dauzet et Frédéric Le Moigne, par une centaine d’historiens, de chercheurs et d’archivistes :
On n’attendra pas de ce genre d’ouvrage des analyses toujours fines et balancées. Certaines formules simplistes sont employées à la va-vite. Ainsi, quand, dans la notice consacrée à celui qui fut archevêque d’Avignon de 1978 à 1982, on lit : «Mgr Bouchex a inlassablement travaillé à l’entrée dans la pleine communion catholique du monastère lefebvriste Sainte-Madeleine-du-Barroux, ce qui s’est réalisé au mois de juillet 1988.» Outre que résumer cette longue histoire dans une seule phrase est un peu court, on pourra trouver aussi que l’adverbe «inlassablement» et le qualificatif «lefebvriste» sont, ici, particulièrement inappropriés.
L’ouvrage, pour méritoire qu’il soit, a néanmoins deux faiblesses, conséquence de deux partis pris.
Le premier parti pris est de restreindre le sens d’«évêques de France» aux seuls évêques qui ont été à la tête d’un diocèse qui a eu «statut de département français au long du XXe siècle». On trouvera donc tous les évêques qui ont été titulaires d’une chaire dans un département métropolitain et dans les DOM-TOM. L’Algérie ayant été constituée, jusqu’à son indépendance, de départements français, on trouvera aussi dans ce volume les évêques d’Alger, d’Oran et de Constantine, de 1905 à 1962. En revanche, on ne trouvera pas les évêques français du Maroc, de Tunisie, de l’AEF, de l’AOF, etc. Autant dire que quasiment tous les évêques français missionnaires sont absents de ce Dictionnaire, on en trouvera seulement la liste nominale dans l’annexe 12 de l’ouvrage (p. 775-796).
Ce parti pris d’exclure les évêques missionnaires aboutit à un résultat cocasse (ou ridicule si l’on veut). La notice consacrée à Mgr Lefebvre traite très brièvement (moins de vingt lignes) de sa «brillante carrière africaine», traite avec une ampleur équivalente des six mois de son bref épiscopat à Tulle (janvier-août 1962) et s’arrête là ! Pas un mot sur sa participation au concile Vatican II (alors que dans les autres notices, le rôle et les interventions éventuelles à Vatican II sont toujours évoqués). Aucune évocation de son action comme supérieur général des spiritains, à partir de 1962. Rien, non plus, sur la fondation de la Fraternité Saint-Pie X, la fondation d’Ecône, les conflits avec les évêques de France et le Saint-Siège. C’est incompréhensible. D’autant que le rédacteur de cette notice estropiée est un historien estimé qui, sans aucunement être en empathie avec Mgr Lefebvre, aurait su fournir des données objectives et complètes (ce qui a été fait, par exemple, dans la notice Lefebvre (Marcel) parue dans le Dictionnaire de Biographie française).
Autre parti pris contestable : introduire dans ce dictionnaire historique les évêques encore en vie ou, même, encore en fonction. Le champ chronologique de l’ouvrage est même débordé : les directeurs du volume ne se sont pas limités «au XXe siècle» puisqu’ils ont fait rédiger des notices sur les évêques nommés au XXIe siècle (Mgr Ginoux, nommé en 2007 à Montauban, par exemple). On n’est plus dans la notice historique mais dans le curriculum vitæ.