Dans Présent de mercredi 13 octobre, Jean Madiran revient sur l’entretien donné par Mgr Bruguès à La Croix le 5 octobre. :
Cet entretien, qui n’est pas innocent, était annoncé en première page par un encadré : «Entretien. Mgr Jean-Louis Bruguès, responsable de l’enseignement au Vatican.» Bien entendu, un tel énoncé est un raccourci arbitraire. Il n’y a pas au Vatican un responsable, un seul, de l’enseignement. Ou alors c’est le Pape. D’ailleurs, en page 18 du même numéro de La Croix, Mgr Bruguès n’est plus que le « responsable du dossier au Vatican », et il n’est que le « secrétaire » de la Congrégation pour l’éducation catholique. Secrétaire, ce n’est pas rien, mais ce n’est tout de même, dans la Congrégation, que le numéro 2. Le numéro 1 en est le président. Il n’est jamais inutile de discerner au passage comment et pourquoi La Croix augmente jusqu’à l’exagération la notoriété et l’importance d’un personnage plutôt que d’un autre. Elle avait, le 12 novembre 2007, salué la promotion à Rome de Mgr Bruguès en assurant qu’il y «représentera une certaine tradition, celle de l’Eglise de France» Tiens donc.
Dans son «entretien», Mgr Bruguès déclare que «l’école catholique est une école ouverte à l’universel», et c’est ce qui plaît à La Croix : elle l’a mis en titre. Etre ouvert à l’universel, pour Mgr Bruguès, c’est «être ouvert à tous, sans distinction de milieu social ou de religion, et à la diversité des savoirs humains» ; c’est être une école «curieuse de toute humanité». C’est donc une universalité phénoménologique : plus descriptive que conceptuelle. […] «L’école catholique confesse également une foi particulière : la foi catholique est pour nous une référence indispensable.» «Il n’y aura d’avenir pour nos établissements que s’ils sont réellement catholiques…» Ah, bon ! Réellement catholiques, oui. Mais «catholiques avec» : avec deux dimensions. La première, on l’a vue, est l’universalité descriptive et inconsistante. La seconde est notre « foi particulière » : «… réellement catholiques. Avec deux dimensions : tout d’abord, tout en respectant les diversités, tous nos élèves doivent suivre une initiation obligatoire à la culture chrétienne. Et puis, pour ceux qui le souhaiteraient, nous proposons un chemin de foi, une option catéchétique.» Il faut une acrobatique souplesse mentale pour en arriver à cette définition d’une école « réellement catholique » : celle où la foi, notre foi «particulière», devient une option libre, une option parmi d’autres.
Nous touchons là, en effet, l’un des traits essentiels de cette prétendue «certaine tradition», l’incertaine tradition particulière d’une non moins incertaine «Eglise de France». Il ne vient pas (il ne vient plus) à l’idée de Mgr Bruguès que la vérité révélée, le Décalogue, l’Evangile et l’Eglise, donc la foi catholique, est ce qu’il y a de plus universel, éclairant identiquement tous les peuples, en tous lieux, en tout temps, d’un bout à l’autre du monde, d’un bout à l’autre de l’histoire universelle. Dans un tel contexte, en quoi peut consister une « initiation obligatoire à la culture chrétienne » ? C’est la fuite dans des abstractions vagues, en excluant les réalités. On dit « culture », abstraction non définie, pour ne pas dire « civilisation » qui est une réalité historique : la « civilisation chrétienne ». Et pour esquiver l’inévitable présence des réalités surnaturelles.