Mgr Jean-Louis Bruguès, archevêque français, a été nommé en 2007 au poste de secrétaire de la Congrégation pour l’Education catholique. Auparavant évêque
d’Angers, il a travaillé pendant 19 ans à la commission théologique internationale. Il répond à Paolo
Rodari :
“Il n’y a pas un complot contre l’Eglise, mais plutôt une convergence d’intérêts très divers, qui profitent des abus contre les mineurs pour poursuivre une campagne de
dénigrement. Un ambassadeur m’a dit qu’une guerre est en cours. L’objectif de cette guerre me semble le suivant : disqualifier l’Eglise dans le domaine de la
morale sexuelle, disqualifier le rôle éducatif de l’Église et, dans certains pays, la volonté de l’Etat de séculariser les écoles catholiques. Cette campagne vise à empêcher
l’Eglise de s’exprimer sur la place publique. On ne veut pas que la parole de Dieu soit proclamée sur la place publique. Cette gigantesque entreprise de disqualification est contre le
cœur de la mission de l’Eglise, le dispositif missionnaires de l’Eglise, et donc les prêtres. Dans cette entreprise de disqualification, la personne évidemment la plus en vue est la personne du
Pape.
Il semble que Benoît XVI n’ait pas trop de prise sur l’opinion publique ?
Les raisons sont nombreuses . Le monde a été
impressionné par la puissance communicative de Wojtyla, alors que cette force n’est pas si évidente chez Benoît XVI. L’Eglise a maintenant la chance d’avoir un pape de grande capacité
intellectuelle. Son intelligence est pédogogique. Il n’impose pas un point de vue personnel Mais il aide à connaître la vérité peu à peu. C’est un homme de supériorité
intellectuelle et spirituelle. La modernité est devenue un phénomène complexe et contrasté. Seul un esprit supérieur peut la dominer. Benoît XVI est l’un de ces esprits supérieurs. Nous
l’avons vu par exemple dans le débat avec Habermas. Le Pape est motivé par le désir de la vérité. La volonté d’ouvrir la porte de la modernité à Dieu et d’amener l’homme à Dieu. Mais aussi de
sauver la modernité, malgré elle. N’oublions pas que la modernité se fonde sur un acte de foi de la raison. Et qu’aujourd’hui est en cours un procès fait à la raison. Le Pape se fait l’avocat de
la raison. En ce sens , il est plus moderne que les modernes. Il nous dit que si on élimine la raison, on laisse la porte ouverte à l’émotion, ce que certains sociologues
appellent la dérive des émotions. Souvent, on formule envers ce Pape un examen émotionnel, sentimental, à chaque fois que son discours se situe au niveau de la raison. Alors que le Pape
est un intellectuel qui n’aime pas les lieux-communs. J’éprouve de la tristesse à voir que les médias préfèrent les clichés.
– Quelle est la différence entre Jean-Paul II et Benoît XVI ?
Avec Wojtyla, ça a été le temps de la fascination du voir. Aujourd’hui, avec Benoît XVI, c’est le temps de la fascination de la profondeur. Jean-Paul II avait une très grande
extension horizontale Lorsque Jean-Paul II est mort, tous les chefs d’Etat, à l’exception de trois ou quatre, étaient présents. Je trouve providentiel qu’après ce pontificat de prestige
universel, nous ayons aujourd’hui un Pape qui aide les chrétiens à rétablir leur foi et qui aide la société sécularisée à refonder sa confiance dans la raison. ”