Monseigneur Marc Stenger, évêque de Troyes, s’en rendu en Haïti. Il témoigne :
“Tout est encore à terre à Port-au-Prince. Un mois après la catastrophe du 12 janvier, des cadavres sont toujours bloqués sous les décombres, on sent l’odeur de la mort partout. Les conditions
sont extrêmement précaires : sur le campus des Frères des écoles chrétiennes vivent 10 000 réfugiés ! À l’hôpital Saint-François-de-Sales, en partie en ruine, des chirurgiens épuisés opèrent sous
la tente sans discontinuer.
Mais d’un autre côté, j’ai été extrêmement frappé par la façon dont la vie triomphe dans ce contexte de mort : les Haïtiens s’organisent, s’entraident. J’ai été touché également
par mes rencontres avec des personnes qui ont subi de très lourdes amputations. Notamment quatre séminaristes qui ont perdu un bras ou une jambe : ils arrivent encore à sourire, je n’ai
rencontré personne qui se plaignait. La foi des Haïtiens est extraordinaire et nous a donné une belle leçon. Ils pensent déjà à leur avenir…On souhaiterait que leur
espérance ne soit pas déçue. […]
Haïti est sorti de l’extrême urgence, mais le traumatisme psychologique est énorme. Je l’ai senti de manière flagrante plusieurs fois : lorsque j’ai célébré la messe pour les étudiants de
Port-au-Prince, la tension était palpable dans l’assemblée, chacun pensait aux camarades disparus dans le séisme. J’ai rencontré également beaucoup d’Haïtiens qui ne veulent plus dormir
dans les maisons et tremblent à la moindre réplique sismique.
L’heure est venue de reconstruire, mais pas seulement les infrastructures : il s’agit de reconstruire les personnes si fortement ébranlées. Ce qui nous inquiète un peu,
c’est l’effervescence d’Églises évangéliques dont le discours porte sur le châtiment et la punition divine… Lorsque j’ai célébré la messe à la nonciature, qui est juchée tout en haut de
Port-au-Prince, nous pouvions entendre en contrebas des prédicateurs haranguant les foules.
[…]
Les communautés religieuses que nous avons visitées sont accablées par l’étendue des dégâts, mais
pleines de courage et déterminées à rester. Nous cherchons maintenant comment aider cette Église avec laquelle nous avons des liens privilégiés.”