Le vaticaniste Sandro Magister a publié un très intéressant article sur “Les grands déçus du Pape Benoît”. Il cite essentiellement trois grands penseurs italiens:
– L’historien Roberto de Mattei, qui vient de publier “Il Concilio Vaticano II. Una storia mai scritta [Le concile Vatican II. Une histoire jamais écrite]”:
“D’après de Mattei, les documents conciliaires ne peuvent pas être séparés des hommes et des événements qui les ont produits : ces hommes et ces manœuvres dont l’objectif délibéré – et largement atteint – était de rompre avec la doctrine traditionnelle de l’Église catholique sur plusieurs points essentiels.”
– Le théologien Mgr Brunero Gherardini, directeur de la revue de théologie thomiste “Divinitas”, et auteur, en 2009, d’un livre intitulé : “Concilio Vaticano II. Un discorso da fare [Le concile Vatican II. Un débat à ouvrir]”, qui se concluait sur une “Supplique au Saint-Père”. Auquel il demandait de soumettre les documents du concile à un réexamen et de préciser de manière dogmatique et définitive “si, en quel sens et jusqu’à quel point” Vatican II était ou non dans la continuité du précédent magistère de l’Église. En 2011, Mgr Gherardini a publié un nouvel ouvrage intitulé : “Concilio Vaticano II. Il discorso mancato [Le concile Vatican II. Le débat manqué]”, où il dit notamment:
“Si l’on veut continuer à ne critiquer que l’après-concile, on peut le faire, parce que, effectivement, il est loin d’être irréprochable. Mais il convient également de ne pas oublier qu’il est l’enfant naturel du concile et que c’est dans le concile qu’il a puisé ces principes dont il a ensuite fait, en les exagérant, la base de ses contenus les plus dévastateurs”.
Magister commente:
“D’après Gherardini, ce qui prédomine aux niveaux les plus élevés de l’Église, c’est au contraire une admiration aveugle du concile, qui “rogne les ailes à l’analyse critique” et qui “empêche de porter sur Vatican II un regard plus pénétrant et moins ébloui”.”
– Enfin, le philosophe Enrico Maria Radaelli, disciple de Romano Amerio, qui, explique Magister,
“ne manque pas de faire la critique de l’actuelle hiérarchie de l’Église catholique, dans sa quasi-totalité, y compris le pape. […] La grande faute qui est reprochée au pape Ratzinger est d’avoir renoncé à enseigner avec “la force d’un sceptre qui gouverne”. Au lieu de définir les vérités et de condamner les erreurs, “il s’est dramatiquement exposé à être lui aussi critiqué, en ne prétendant à aucune infaillibilité”, comme il l’a écrit lui-même dans la préface de ses livres sur Jésus.”
Le vaticaniste fait remarquer que les critiques de ces trois penseurs sont loin d’être isolées et que certains prélats, notamment l’archevêque de Colombo, le cardinal Ranjith, les reprennent partiellement à leur compte.
Il me semble que cette “déception” repose sur un malentendu. Il n’y avait aucune raison de supposer que Benoît XVI soit différent du cardinal Ratzinger. Or, ce dernier a toujours manifesté une forte réprobation de l’après-concile, mais une entière acceptation des textes du concile.
Il reste que la requête de Mgr Gherardini demeure d’actualité: il serait hautement souhaitable que l’autorité compétente (l’autorité pontificale en l’occurrence) clarifie les équivoques de certains textes conciliaires et clarifie les degrés d’autorité des divers textes conciliaires.
Il ne reste qu’à prier pour que Benoit XVI aie le courage de vraiment combattre de face le courant dévastateur qui tient toujours le Concile Vatican II comme celui qui éradique TOUS les 20 conciles précédents écrits et appliqués depuis 2 000 ans par tous les Papes jusqu’à Pie XII… quelle prétention orgueuilleuse de refuser de corriger les erreurs maintenant reconnues dans les 16 documents du concile Vatican II par les plus hautes autorités en théologie du Vatican ( dont Brunero Gherardini ) et rappelées par le fameux colloque organiséles du 16 au 18 décembre dernier à Rome par les Franciscains de l’Immaculée l’une des 1ères réponses à l’invitation au débat et à l’analyse critique sur Vatican II adressdée par Benoit XVI dans son fameux discours à la curie romaine le 22 décembre 2005)( mais ce colloque a été superbement ignoré dans l’Eglise catholique et par tous les organes médiatiques du Vatican … et par le Pape )…
Monsieur de la Croix, croyez-vous sincèrement que le pape puisse “ignorer” ce genre de colloque? N’est-ce pas plutôt qu’il en minimise la portée, lui qui connaît mieux que personne les règles de réception et d’interprétation d’un Concile Oecuménique, un Concile qui s’est tenu, que cela vous plaise ou non, qui a voté ses déclarations, ses décrets et ses constitutions, et auquel le pape a participé comme expert?
C’est aberrant de lire tout cela.
“D’après de Mattei, les documents conciliaires ne peuvent pas être séparés des hommes et des événements qui les ont produits”
Ca tombe bien, le Pape actuel est un de ces hommes là ! Il était pour mémoire théologien pour son Evêque lors du Concile, c’est dire s’il a baigné dans la préparation des documents.
“l’objectif délibéré – et largement atteint – était de rompre avec la doctrine traditionnelle de l’Église catholique”
Pour qui connait un tout petit peu l’Eglise, c’est un objectif purement idéologique et contraire à l’Eglise.
De toute façon, le Pape a mis un point d’arrêt dès le début de son pontificat à une telle hérésie.
“Mais il convient également de ne pas oublier qu’il est l’enfant naturel du concile ”
Il n’y a rien de plus faux ! ! !
Il suffit de prendre le début du pontificat du Pape Benoît : l’herméneutique de la continuité vs celle de la rupture, et il clairement dit qu’il suffisait d’observer les fruits de celle de la rupture pour comprendre que c’est une hérésie qui n’a pas d’avenir et se meurt d’elle-même.
“une admiration aveugle du concile, qui « rogne les ailes à l’analyse critique »”
Ca, c’est de la vieille manipulation progressiste. Justement, c’est ce que les progressistes font à longueur de temps, sauf qu’ils ne s’appuient pas sur le Concile lui-même mais sur ce qu’ils en invente (comme la mort du Latin ou la fin du sacerdoce ministériel au profit du seul sacerdoce commun, …)
Au contraire, le Pape part des véritables textes du Concile et de toute la Tradition de l’Eglise pour indiquer la juste interprétation. Car dans bien des documents, le Concile n’a fait que ré-exprimer, sous une nouvelle forme, ce que l’Eglise a toujours dit. Il suffit de reprendre les remarques des théologiens immédiatement après le Concile, qu’ils soient catholiques ou orthodoxes, mais qui ont tous dit que c’était le Concile le plus traditionnel, en ce sens qu’il n’introduit rien de nouveau ou très peu.
“avoir renoncé à enseigner avec « la force d’un sceptre qui gouverne »”
Effectivement, le Pape a une très haute estime des personnes qui composent le monde qui nous entoure. En fait, il doit certainement leur appliquer ce concept “vieillot” de dignité humaine qui provient de Dieu et ne dépend absolument pas des hommes. De plus, le Pape refuse de travers des années 80 qui consiste à présumer de l’incapacité de comprendre des personnes.
Tout au contraire, le Pape s’adresse à la raison, il invite à réfléchir et à croire non pas sur parole mais par un acte raisonné, sans nier la part qui revient à la Foi reçu au Baptême.
C’est d’une finesse qui semble échapper au philosophe : ne pas convertir par l’épée.