Nous avons commencé à (re) lire ensemble “Verbum Domini”. En marge de ce texte important, je voudrais également attirer votre attention, amis lecteurs, sur une expression qui m’a fait sursauter.
Je l’ai trouvée sous la plume du rédacteur en chef de la “Documentation catholique”, le RP Jean-François Petit qui dit dans sa présentation du texte:
“Face au péril d’une interprétation sécularisée de la Bible, Benoît XVI s’inscrit entièrement dans la tradition herméneutique de Vatican II.”
La phrase en elle-mêmeme paraît assez juste, et assez bien vue. Mais il y a une chose intéressante: l’expression “tradition herméneutique”. Jusqu’à présent, nous avions beaucoup lu l’expression “herméneutique de continuité” ou “herméneutique de tradition”. Il n’est pas impossible qu’un certain nombre de clercs discrètement anti-ratzingériens (dont j’ignore naturellement si le RP Petit fait partie ou non, mais dont il est probable qu’un certain nombre de ses confrères assomptionnistes de Bayard presse fassent partie) tentent de subvertir la lutte intéressante qu’avait entamée Benoît XVI contre le prétendu “esprit du concile”, notamment avec son fameux discours à la Curie de décembre 2005.
La “tradition herméneutique de Vatican II” pourrait devenir un slogan beaucoup plus acceptable que “l’esprit du concile” pour la majorité silencieuse contemporaine… et pourrait signifier la même chose.
J’insiste: j’ignore si cette expression est venue par hasard sous la plume du RP Petit ou si elle appartient à une stratégie d’ensemble. Et j’ignore si cette éventuelle stratégie d’ensemble aurait une chose d’aboutir.
Ce qui est certain, c’est qu’il serait désastreux de repartir dans de nouvelles décennies de “flottement” magistériel, que ce soit au nom de “l’esprit du concile” ou au nom de la “tradition herméneutique de Vatican II”!
Pour tout théologien sérieux, il n’y a pas d’ “esprit du Concile”. Il y a le Concile Vatican II, ses textes, ses Constitutions, ses Décrets et ses Déclarations. Ils font autorité et sont sujets à des interprétations plus ou moins diverses, “de continuité ou de rupture” pour reprendre les termes que vous aimez, peu importe. Mais ce qui fait autorité, ce ne sont pas les interprétations (l’ “herméneutique”)mais les textes! Ceux-là, dans leur version latine, qui ont été non seulement “votés” mais “célébrés” (car un Concile a une dimension liturgique) sont, avant qu’un autre Concile en dispose autrement, irrévocables!
Analysons l’expression pour tenter de la comprendre.
tradition : ce qui est transmis.
herméneutique : cela signifie “manière d’interpréter”, l’herméneutique de la continuité signifie interpréter les textes dans la continuité de ce qui précède, l’herméneutique de tradition pourrait signifier interpréter dans la transmission (???), notons qu’ici le terme est utilisé dans une forme qualificative de la tradition, il s’agirait donc de la transmission de la manière d’interpréter, quelque part nous serions dans une étude des différentes herméneutiques, et cette expression nous parlerait de l’état de l’art en matière d’interprétation.
de Vatican II : cette tradition serait celle du dernier Concile. Le Concile Vatican II aurait fait une série d’interprétation, qui serait parvenue jusqu’à nous par transmission de cette “tradition herméneutique de Vatican II”.
Or, à la lecture des textes du Concile, il n’y a aucune interprétation de quoique ce soit et donc aucune méthode d’interprétation propre au Concile à transmettre.
C’est au contraire le Concile, ou plutôt ses textes, qu’il faut interpréter selon une herméneutique, celle de la continuité avec ce qui précède le Concile puisque ce sont les Evêques formés et nommés avant le Concile qui ont rédigé les textes et non les progressistes apparus après le Concile !
Cette expression au mieux ne veut rien dire et montre que son auteur n’a rien compris, au pire est une hypocrisie reprenant les mots du Pape mais dans le désordre. Ainsi, cette expression ferait croire que son auteur est en accord avec le Pape alors qu’il n’en est rien.
C’est comme nombre de prêtres se mettant à porter le col romain mais saccageant la Liturgie et n’enseignant pas tout le catéchisme, comme le respect de la Vie par exemple.