J’avais survolé l’exhortation apostolique “Verbum Domini” lors de sa parution (et nous en avions un peu parlé sur ce blogue). A l’occasion de sa publication par la “Documentation catholique”, je l’ai relu la plume à la main et je vous propose d’en publier quelques passages significatifs dans les jours qui viennent.
Je voudrais commencer par cette phrase, en apparence anodine:
“Au cours des dernières décennies la sensibilité ecclésiale sur ce thème s’est accrue, en référence particulièrement à la Révélation chrétienne, à la Tradition vivante et à la Sainte Écriture.”
Apparence anodine, certes! Mais il est intéressant que le Pape dise explicitement que la Révélation, c’est à la fois la Tradition et l’Ecriture. Beaucoup de théologiens et d’exégètes modernistes ont prétendu, au cours du dernier siècle, que la Tradition était quelque chose de purement humain, surajouté à l’Ecriture. La réalité, c’est que l’Esprit-Saint n’est pas devenu muet à la mort du dernier Apôtre!
Pardon de vous reprendre là-dessus, mais c’est faux : aussi bien les textes du Concile Vatican II que les publications des théologiens “biblistes” les plus réputés ont toujours valorisé l’importance de la Tradition interprétative de l’Ecriture. Voyez, entre autres, le beau livre d’Anne-Marie PELLETIER, publié chez Lessius il y a quelques années, et qui fait le point là-dessus : D’âge en âge les Ecritures, dont un chapitre est précisément consacré à l’importance de la Tradition.
A force de “caricaturer” l’ennemi, et quelquefois à force de le fabriquer de toutes pièces, vous déforcez votre propre souci (bien légitime) de respecter l’intégralité de la Foi. La grande majorité des exégètes et des théologiens catholiques, enseignant dans le monde ces disciplines, sont conscients de l’importance de la Tradition, voyons!
Désolé, mais vous avez un métro de retard.
Ce n’est pas le Pape qui dit cela, mais le Concile Vatican II dans sa Constitution Dogmatique sur la Révélation Divine “Dei Verbum”.
Voici la conclusion du chapitre II sur la transmission de la Révélation Divine :
“10. Tradition, Écriture, Peuple de Dieu et Magistère
La sainte Tradition et la Sainte Écriture constituent un unique dépôt sacré de la Parole de Dieu, confié à l’Église ; en s’attachant à lui, le peuple saint tout entier uni à ses pasteurs reste assidûment fidèle à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières (cf. Ac 2, 42 grec), si bien que, pour le maintien, la pratique et la profession de la foi transmise, s’établit, entre pasteurs et fidèles, un remarquable accord [14].
La charge d’interpréter de façon authentique la Parole de Dieu, écrite ou transmise [15], a été confiée au seul Magistère vivant de l’Église [16] dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus Christ. Pourtant, ce Magistère n’est pas au-dessus de la Parole de Dieu, mais il est à son service, n’enseignant que ce qui a été transmis, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette Parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet unique dépôt de la foi tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu.
Il est donc clair que la sainte Tradition, la Sainte Écriture et le Magistère de l’Église, selon le très sage dessein de Dieu, sont tellement reliés et solidaires entre eux qu’aucune de ces réalités ne subsiste sans les autres, et que toutes ensemble, chacune à sa manière, sous l’action du seul Esprit Saint, elles contribuent efficacement au salut des âmes.”
Notons tout également les titres : “Dei Verbum” d’un coté et “Verbum Domini” de l’autre. L’intention du Pape est donc très claire : donner une application à la constitution du Concile à travers les remontées du Synode des Evêques.
Nous sommes bien d’accord : la Révélation divine s’exprime à la fois et indissociablement dans l’Ecriture et dans la Tradition. C’est l’enseignement constant de l’Eglise jusqu’à (et y compris) le concile Vatican II.
Mais à la condition de bien préciser une chose que personne ne remarque : il s’agit de la seule tradition APOSTOLIQUE, celle remontant aux douze apôtres et qui s’achève à la mort du dernier apôtre.
(Saint Simon ou Siméon de Jérusalem selon Eusèbe de Césarée, et non pas saint Jean, comme on le dit communément.)
La simple tradition ecclésiastique, postérieure à l’âge apostolique, n’est pas normative de la foi.
Où avez-vous pris cette doctrine me demanderez-vous ?
Je cite le décret Lamentabili du saint pape Pie X, porté en 1907 :
“La révélation, qui est l’objet de la foi catholique, n’a pas été achevée avec les apôtres.”
Proposition condamnée.
@ M. Ferrand.
Ce n’est pas ce qu’enseigne l’Eglise lors du Concile Vatican II dans “Dei Verbum”.
Au contraire, la sainte Tradition est la transmission de l’enseignement des Apôtres.
D’ailleurs “tradition” vient de la racine latine signifiant transmettre et non “figer”. Ce dernier point a été redit par Jean-Paul II dans le Motu Proprio “Ecclesia Dei”.
Le Concile insiste aussi sur le fait que la sainte Tradition contient les indications sur l’interprétation de la sainte Ecriture.
Enfin, je vous laisse lire les textes du Concile sur le site du Vatican par exemple, plutôt que dans les éditions de “Voici” des années 60.
Non monsieur. La révélation divine s’achève à la mort du dernier apôtre. Vatican II n’a pas enseigné le contraire.
L’interprétation, ou herméneutique, qui ne se terminera qu’à la fin des temps, ne doit pas être confondue avec le contenu de la Révélation qui, lui, est définitivement forclos.
Je m’excuse.
Pour appuyer ma thèse, je me permets de reprendre ici Dei Verbum, là où il est pour moi le plus clair.
“la charge d’interpréter de façon authentique la parole de Dieu, écrite ou transmise, a été confiée au seul magistère vivant de l’Eglise dont l’autorité s’exerce au nom de Jésus-Christ. Pourtant, ce magistère N’EST PAS AU-DESSUS de la parole de Dieu, mais il la sert, N’ENSEIGNANT QUE CE QUI FUT TRANSMIS, puisque par mandat de Dieu, avec l’assistance de l’Esprit Saint, il écoute cette parole avec amour, la garde saintement et l’expose aussi avec fidélité, et puise en cet UNIQUE DEPOT DE LA FOI tout ce qu’il propose à croire comme étant révélé par Dieu.” (DV 10).
Je n’ai pas inventé les mots mis par mes soins en lettres capitales.
La foi, ou le contenu de la Révélation divine, est un dépôt confié aux apôtres et qui se transmet intact jusqu’à la consommation des siècles.
Ce qui n’empêche aucunement l’enrichissement permanent de la réflexion théologique, de la prédication évangélique et de la contemplation.