Reçu à l’Institut catholique d’études supérieures de la Roche sur Yon, où il parrainait une promotion, Mgr Bruguès, secrétaire de la congrégation pour l’Education catholique, a brillamment synthétisé la pensée politique de Benoît XVI, à partir de l’admirable discours de Westminster Hall. Voici quelques extraits de cette synthèse:
“De quoi avait parlé le Pape ? Après avoir rappelé que le Parlement britannique faisait l’admiration de tous ceux qui, comme les catholiques, étaient attachés à la poursuite du bien commun, à la vie démocratique et au respect des libertés personnelles, il a noté que la question fondamentale en ce début du XXIe siècle était une question éternelle, se posant à chaque génération : sur quoi s’appuient les lois ? Au nom de quoi les gouvernements peuvent-ils imposer des contraintes aux citoyens ? Si finalement tout phénomène politique trouve en son origine une question morale, on l’a bien vu avec la récente crise financière, quels sont, en fin de compte, les fondements éthiques du discours civil ? Les réponses pragmatiques s’avèrent là trop courtes et trop incertaines. Si la loi repose sur un simple consensus social, comme le prétendent les “éthiques procédurales”, elle s’expose à une grande fragilité, tant nous savons les opinions vulnérables aux modes volatiles et aux émotions passagères.
On n’a pas besoin d’être chrétien pour devenir un bon artisan du bien commun : l’Histoire est pleine de témoignages donnés par des « hommes de bonne volonté » qui ne croyaient ni au Christ, ni même en Dieu. « Les normes objectives qui dirigent une action droite, rappelait le Pape après les théologiens les plus classiques, sont accessibles à la raison, sans le contenu de la Révélation ». En ce sens, il n’existe pas de politique chrétienne, ni, comme le voulait Bossuet, de politique tirée de l’Ecriture sainte. Mais, laissée à elle-même, la raison reste exposée à des risques et des distorsions. Le siècle qui vient de s’achever laissera le souvenir d’un siècle de fer dans la mesure où, manipulée par l’idéologie, la raison a justifié les pires totalitarismes, les génocides et même, dans le cas du Cambodge, l’auto-génocide, et les guerres les plus sanglantes de tous les temps. C’est ici que la religion est appelée à jouer un rôle social indispensable. Certes, elle peut, elle aussi, connaître des déviations, telles celles du sectarisme et du fondamentalisme, mais elle remplit un rôle «purifiant et structurant» envers la raison politique. La religion redit inlassablement à sa jumelle, la politique, d’où vient le bien et ce qu’il exige. Foi et raison, rationalité séculière et croyance religieuse, ont donc un besoin mutuel l’une de l’autre : de ce dialogue dépend l’avenir de notre civilisation.”